Sur la piste improvisée d’un hangar abandonné, Dustin (Dustin Muchuvitz), jeune transgenre, son petit ami Félix (Félix Maritaud) et ses amis Raya (Raya Martigny) et Juan (Juan Corrales) se fondent dans la foule secouée par les 145 BPM de la musique techno. Lors de la soirée, Dustin assiste à l’éloignement de Félix se réfugiant dans des bras inconnus.
La fête terminée, l’hystérie collective se dissipe. Au fil des heures, une douce mélancolie s’installe et dévoile un manque de tendresse manifeste. Dustin ne peut que constater les signes d’une relation condamnée.
Court sur grand écran
Pour son premier court métrage, la réalisatrice Naïla Guiguet voit les choses en grand. Intégré dans la Sélection Semaine de la Critique Cannes 2020, Dustin a également été projeté aux festivals de Toronto et San Sebastián. Présenté au final dans une centaine de festivals, le court y a remporté de nombreux prix.
Chose assez inhabituelle pour le format, Dustin va sortir sur grand écran où les échos de sa techno pourront faire vibrer les fauteuils. Le court métrage sera en effet présent lors de certaines séances en avant programme du film Spectre: Sanity, Madness & the Family (2021) – lire notre critique, première réalisation du musicien et désormais cinéaste Para One.
Dans le club
Le fait que Dustin débute en pleine soirée techno n’a rien d’un hasard. Pour sa première réalisation post études, Naïla Guiguet a choisi un sujet qu’elle connait bien. À tout juste 18 ans, la jeune femme a vécu la dernière soirée du Pulp, mythique club lesbien et électro à Paris. Un événement marquant qui va la plonger dans le monde de la nuit, option festive.
Officiant sous le pseudo de DJ Parfait, Naïla Guiguet est à l’origine des soirées LGBTQI+ Possession qui débutent en 2015. Élève de la Femis, elle coécrit pendant ses études avec Arnaud Desplechin, Catherine Corsini ou Thomas Salvador. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, la première partie de Dustin est logiquement tournée lors d’une soirée Possession.
I dance alone
Le choix de ce lieu festif n’est pas anodin pour la cinéaste. Ces soirées représentent pour elle des espaces où il est possible d’oublier le poids social qui pèse partout ailleurs. Une façon de s’échapper – avec ou sans substance chimique – de la société et de pouvoir se recentrer sur soi.
De l’introspection à l’affirmation d’une identité il n’y a qu’un pas. La fête est le moment où Dustin prend conscience qu’elle est en train de perdre Félix, dérouté par l’affirmation de sa part de féminité. D’ici le petit matin, la jeune transgenre aura l’occasion de définir son identité telle qu’elle la ressent.
Me myself and I
La fameuse question est posée par un livreur qui s’est incrusté chez Dustin et ses amis le temps de recharger son portable. Alors, homme ou femme ? Une interrogation récurrente dans le milieu, et pas seulement provenant de personnes extérieures à la communauté LGBTQI+ précise la cinéaste.
Les deux ! proclame Dustin qui se plaît à jouer de cette frontière entre les deux genres, tordant le cou aux clichés qui leurs sont associés par la société. Ce rapport à la transidentité, le court métrage de Naïla Guiguet l’aborde frontalement et de façon très naturelle avec la même justesse qu’elle décrit les soirées techno.
Sur le fond, Dustin traite de l’éloignement progressif d’un couple, phénomène somme toute banal. L’identité de genre de Dustin est au final assez anecdotique et traité comme telle. Cette simplicité agit comme une bulle protectrice face aux fantasmes délirants de certains sur la transidentité.
Premier court métrage attachant, Dustin nous convie au cœur d’une soirée techno, théâtre où se joue l’éloignement d’un couple. Une romance en sursis qui sert à l’affirmation d’une identité trans parmi d’autres qui s’exprime de façon apaisée, car – n’en déplaise à certains – il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement.
> Dustin, réalisé par Naïla Guiguet, France, 2020 (20min)