Dragueur en ligne, c’est un métier

Dragueur en ligne, c’est un métier

Dragueur en ligne, c’est un métier

Dragueur en ligne, c’est un métier

27 septembre 2013

Vous payez quelqu’un pour faire votre ménage ou votre comptabilité ? Et si une tierce personne pouvait également s’occuper de draguer pour vous ? Cette fonction existe, c’est même un métier puisqu’elle est rémunérée. Le dating assistant vient à l’aide de ceux qui n’ont pas de temps à perdre avec la séduction.

Web designer, community manager, animateur multimédia… parmi les vocations générées par le web, il en est une qui a tout particulièrement retenu notre attention : le job de dating assistant. Il s’agit de dragueurs professionnels qui s’échinent sur les sites de rencontre pour plaire à votre place. L’amour se mérite ? Non l’amour se paie.

En France, c’est Net Dating Assistant, NDA, qui ouvre la marche en 2011. Le cofondateur, Vincent Fabre, évoque ses clients, des cadres dynamiques ou chefs d’entreprise qui ont l’habitude de déléguer, qui gagnent bien leur vie. Depuis le lancement de la boîte, ce sont près de 400 célibataires, ou non, qui sont venus s’offrir les services de ces « assistants en drague ». Trois packs leur sont proposés. La création « du profil-auquel-on-ne-résiste-pas » vous coûtera 90 euros. Prévoyez ensuite 195 euros pour une rencontre garantie, 395 euros pour 3 rencontres et enfin, le pack premium d’une valeur de 770 euros ! Pour ce prix, c’est « rencontres sans limite » !

« Dans quelques années, ce sera banalisé ! »

Outre-atlantique, l’idée n’est pas neuve. On voit les premiers services de dating assistance apparaître dès 2009 avec Virtual Dating Assistant. Vincent Fabre, fondateur de NDA, raconte avoir eu cette idée alors qu’autour de lui ses amis n’avaient pas de temps à perdre avec les sites de rencontre. « Ils travaillaient beaucoup et s’étaient détournés des sites de rencontres, parce que ça leur prenait beaucoup de temps. Ils étaient lassés de passer des heures derrière un écran. » Et en fouillant sur la toile,  bingo ! Le concept existe, son idée n’est donc pas tout à fait farfelue. « Réaliser que ce concept insolite existait au Etats-Unis nous a convaincus qu’il y avait un réel besoin », explique-t-il.

FlickR_CC_Nourdine Gernelle

Payer une tierce personne pour qu’elle en drague une autre à votre place parce que vous n’avez ni le temps ni la patience ni le sex-apeal nécessaire pour le faire vous-même, est-ce insolite ou est-ce de la triche ? « On avait le même discours sur les sites de rencontres à l’époque. On disait qu’on ne pouvait pas commencer une histoire d’amour derrière un écran. C’est pareil avec le dating assistant. Comment on se rencontre, ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est de savoir si des couples se forment ou pas. La finalité de notre service : que les gens aillent boire un café ensemble. Dans quelques années, ce sera banalisé. »

Se payer les services d’un chasseur de tête pour trouver un ou une partenaire, la pratique peut s’apparenter à celle d’une agence matrimoniale. A un détail près : dans le cas des agences matrimoniales, les deux parties savent que l’autre a payé pour le dénicher plus facilement.

« Je ne suis pas à l’aise sur les sites de rencontres »

Simon[fn]Le prénom a été changé[/fn] est âgé de la trentaine. Après avoir vu un reportage présentant le service à la télé, il a opté pour le pack premier prix. Il voulait sortir du contexte amical et cherchait une relation durable. « Franchement les plans cul, ce n’est pas ce qui manque. C’est plus difficile de rencontrer quelqu’un. » Il correspond au profil type des clients de NDA : entre 30 et 45 ans, nanti, beaucoup de travail. « Je n’avais vraiment pas de temps à consacrer aux sites de rencontres, et en plus c’est un exercice dans lequel je n’étais pas vraiment à l’aise. » C’est Noah qui s’est occupé de lui. « On a commencé par passer près de 3 heures au téléphone. » Le dating assistant profite de ce moment pour apprendre à connaître Simon : son type de filles, ses critères, ses passions…

Hitch, expert en séduction, Andy Tennant, 2005

Noah lui a confectionné un profil en béton et décroché un rendez-vous galant à sa place. Pour éviter les gaffes le jour de la rencontre, le client a débriefé les chats avec son dating assistant et a eu accès aux historiques des conversations. « C’est notre profil qui est créé. On y a accès quand on veut. » Pour éviter que les clients soient démasqués le jour de la rencontre, Vincent Fabre raconte : « Il faut limiter les conversations sur les sites de rencontres et décrocher les rendez-vous le plus rapidement possible. Une dizaine d’emails, on s’échange des banalités, on parle de ses hobbies, ses passions, tu fais quoi dans la vie. On vérifie que ça colle avec les critères. » Et c’est emballé !

Aucun risque de découvrir la supercherie ?

Pour Gabriel, l’un des coachs et professionnels de la drague de l’écurie NDA, aucun risque que le dupé ne découvre la duperie. « Lors de la rencontre, on sait que la personne ne sera pas la même que sur Internet. Les femmes ne s’en rendent donc pas compte. C’est quand même difficile de se dire par soi-même : « mais ce n’est pas lui qui m’a écrit ! » Moi, j’adapte même mon orthographe. Si mon client fait des fautes, j’en fais aussi ! »

Pour lui, le profil joue à 70% dans la réussite d’une expérience sur les sites de rencontre : « Ce qui compte, c’est sortir de la banalité : un bête descriptif avec plein d’adjectifs, ça ne marche pas. L’annonce doit être bien pensée, originale, porter un vrai concept. Commencer par une phrase d’accroche. »

Gabriel n’a que 22 ans. A 17 ans, il arrêtait l’école, lançait un blog de conseils pour séduire sur les sites de rencontres. Bientôt, il lancera son site pro de coaching pour la drague en ligne. Auto-entrepreneur comme la plupart des coachs de Net Dating Assistant, Gabriel déclare toucher deux tiers de ce que « rapporte » un client. « On ne veut que les meilleurs », clame Vincent Fabre. Celui-ci affirme avoir reçu près de 1 000 candidatures et mener une sélection drastique dans le choix de ses super-dragueurs : « Ils doivent avoir une orthographe parfaite. On les teste sur les sites de rencontres, ils sont jugés sur leur manière d’interagir avec les utilisateurs. Le plus souvent, ils évoluent déjà dans le milieu de la séduction, du coaching, de la pub, du journalisme, ils maîtrisent la communication. »

A la recherche de femmes plus jeunes

Selon Gabriel, les critères des ses clients ne sont pas dingues, « ils recherchent des filles mignonnes et gentilles ». Et quand le pauvre homme ne peut pas en espérer tant, « on lui explique gentiment que la concurrence est rude ». Et qu’il faudra savoir rester humble. « Une fois, un mec voulait une fille extrêmement belle avec des gros seins. Une autre fois, le type voulait absolument une femme musulmane. » Rien d’inenvisageable donc.

L’un des critères qui revient régulièrement est la volonté pour la majorité des hommes de rencontrer des femmes de 5 à 10 ans leur cadette. « Ca c’est quand ils veulent une relation durable, sinon ils s’en fichent », observe Gabriel. Et la plupart veut une relation durable ! Donc, quand c’est pour convoler, éventuellement se reproduire, on mise sur les jeunes. C’est plus sûr. Côté femmes, entre 25 et 30% des clients de NDA, Vincent Fabre explique qu’elles « attendent plutôt une sélection des partenaires, les dating assistants ont alors des rôles de chasseur de tête. Un peu comme une agence matrimoniale. »

« J’ai la conscience tranquille »

Gabriel, notre pro de la drague, a rencontré sa copine sur un site de rencontre. Aimerait-il qu’elle ait eu recours à un dating assistant pour réussir à le harponner sur un site de rencontre ? « J’ai un lien particulier avec les sites de rencontres. C’est mon job. Mais j’ai la conscience tranquille. Sur Meetic, des robots te matchent avec d’autres profils en fonction de tes critères. Ce n’est pas mieux ! Et puis on a tous déjà donné un conseil de drague à un pote. Sauf que là, c’est toute la conversation qu’on fait à sa place… »

FlickR_CC_Abode of chaos

Chez Citazine, on a les idées larges. Tout de même, ne voici pas un procédé d’escroc ? On a demandé autour de nous. Si personne ne considère la pratique comme étant très saine pour débuter une relation, il ne s’agirait pourtant pas d’une cause de rupture si le couple est solide et « fonctionne » par ailleurs. Soit.

Grâce au profil que Noah lui a créé sur Adopte un Mec, Simon a aujourd’hui une copine. « J’étais prêt à signer pour le pack supérieur, mais j’ai été contacté par une fille. » C’est grâce au profil créé par son coach qu’elle lui a trouvé du charme. « C’est un vrai coup de pouce », avoue-t-il. Mais il n’a pas vraiment envie de parler à son amoureuse de son aventure avec les dragueurs professionnels. « Je pourrais lui dire, mais s’il n’y a pas d’obligation, je n’en vois pas l’utilité. » Aimerait-il qu’elle ait utilisé le même stratagème pour le séduire ? « Ca ne me poserait aucun problème. » Il suit scrupuleusement les conseils de NDA : pour un franc succès, mieux vaut taire l’imposture.