Deux espoirs parlent César

Deux espoirs parlent César

Deux espoirs parlent César

Deux espoirs parlent César

Au cinéma le

Amandine Dewasmes et Pierre Moure font partie de la présélection pour le César 2012 du meilleur espoir féminin et masculin. Ils ne savent pas encore s'ils seront retenus parmi les cinq nominations dans leur catégorie respective. En attendant le verdict, rendu ce vendredi, ils ont accepté de nous parler de ce statut de Révélations, de leur métier, de leurs angoisses. Et de leurs envies. Autour d'un café.

Amandine Dewasmes, 31 ans. Pierre Moure, 28 ans. Ils ont tous les deux été désignés Révélations 2012 par l’Académie des César, pour leur interprétation, respectivement dans Toutes nos envies et Où va la nuit, sortis en 2011. Tout comme quatorze autres comédiennes et quinze comédiens, ils peuvent désormais espérer faire partie des cinq nominations dans la catégorie "meilleur espoir" pour le César 2012. Réponse ce vendredi 27 janvier. Révélations 2012 ? Ils n’ont aucun prix, aucune récompense, mais une remarquable distinction. Un coup de projecteur de l’Académie sur de jeunes comédiens qui « feront le cinéma de demain ».
Entre théâtre et cinéma, Amandine Dewasmes fait ce métier depuis l’âge de 11 ans (elle jouait alors dans Les Enfants du naufrageur de Jérôme Foulon). Repérée pour sa prestation dans L’Arnacoeur, en 2009, elle a pris son envol dans Toutes nos envies, de Philippe Lioret, aux côtés de Vincent Lindon et Marie Gillain. Elle y interprétait le rôle de Céline, une mère noyée dans le surendettement.
Pierre Moure, lui, a été découvert avec le moyen métrage d’Arnaud Simon Un Camion en réparation en 2006. Côté théâtre, on l’a vu donner la réplique à Marina Foïs dans Harper Regan en février dernier. Avant d’être choisi pour interpréter Thomas, dans Où va la nuit de Martin Provost, où il joue le fils distant et tourmenté de Yolande Moreau.
Avant de savoir s’ils feront partie de la grande cérémonie présidée par Guillaume Canet, le 24 février au théâtre du Châtelet, ils ont parlé ensemble, pour Citazine, de leur métier et de leur avenir. Conversation entre deux comédiens déterminés.

Quand vous avez appris que vous étiez Révélations 2012, et donc présélectionnés pour la catégorie "meilleur espoir" aux César, quelle a été votre réaction ?

Amandine Dewasmes : J’étais très contente. Mais en même temps, je ne savais pas du tout ce que c’était les Révélations. Comment ça fonctionnait, le dîner, les photos et le clip[fn]Jean-Baptiste Mondino a réalisé un film de 90 secondes, diffusé dans plus de quatre cent salles de cinéma en France jusqu’au 31 janvier 2012, ainsi qu’une exposition photos des Révélations.[/fn] avec Jean-Baptiste Mondino (photographe et réalisateur qui a signé cette année le projet Révélations, NDLR), etc. J’ai d’abord uniquement pensé aux Révélations. Plus tard à ce que ça signifiait : « Ah peut-être que je pourrais éventuellement être nommée »… J’ai vraiment l’impression que les Révélations, c’est quelque chose qui existe en soi. Je ne pense pas que ça a un impact sur les nominations.

Pierre Moure : Je me suis toujours dit, que, pour les César ou les Oscars, il y a des rôles à César, en plus des acteurs "césarisables" eux-mêmes. Et par rapport au rôle de Thomas dans Où va la nuit, je savais qu’il était susceptible d’être présélectionné. Je parle uniquement du rôle dans le film, pas de moi. Donc c’était presque normal, même si ce n’est pas quelque chose que j’attendais.

Qu’est-ce que ça signifie pour vous ?

A. D. : J’apprécie que des directeurs de castings (qui ont désigné les Révélations, NDLR) que je ne connaissais pas, votent pour moi. Cela signifie que des personnes aiment mon travail. Donc peut-être que je les rencontrerai un jour. C’est une belle mise en lumière, un gage d’espoir.

P. M. : Ca fait très plaisir que ce soit des directeurs de casting qui votent pour nous, de savoir que ça leur a plu. Parce que c’est eux qui ont le pouvoir de nous faire travailler plus tard. C’est un encouragement, comme pour nous dire « Vous n’avez pas fait tout ça pour rien ».

Avez-vous pensé à l’éventualité d’être nommé aux César ?
P. M. : J’y ai pensé, forcément, mais je ne crois vraiment pas être dans la liste finale… Je suis un peu un outsider de la catégorie, avec des jeunes qui ont déjà fait quatre, cinq ou six films, des comédiens qui ont des premiers rôles. Dans Où va la nuit, j’ai certes un premier rôle, mais comme le premier rôle féminin, interprété par Yolande Moreau est très présent, c’est comme si j’avais un second rôle en fait. Quand je vois les comédiens présélectionnés comme Pierre Niney (J’aime regarder les filles), Guillaume Gouix (Jimmy Rivière), Nicolas Maury (Let my people go!) et Grégory Gadebois (Angèle et Tony), le film tourne autour d’eux. Ce sont des comédiens qui n’en sont pas à leur premier film, donc pour moi, dans ma sélection personnelle, ça fait déjà quatre noms pour cinq places. Il en reste une cinquième mais bon…

A. D. : Dès le moment où j’ai fait partie des Révélations, dans mon entourage, on m’a évoqué le fait d’être nommée donc ça fait monter la pression. Mais moi, je lutte contre ça depuis un mois et demi, je me force à ne pas y penser parce que je sais que je serai déçue, c’est sûr. Etre nommée, ça serait vraiment fabuleux mais je veux me protéger. De toute façon, en face de moi, il y a des filles qui ont des premiers rôles et qui tournent depuis longtemps. Il y a des noms qui se détachent, c’est évident, comme Clothilde Hesme (Angèle et Tony), Marie Denarnaud (Les adoptés), Lola Créton (Un amour de jeunesse)…

Cette catégorie "meilleur espoir", qu’évoque-t-elle pour vous ?

A. D. : Pour moi, les César, c’est un rêve d’enfant. Quand j’avais 11 ans, à mes débuts, je voulais faire ce métier parce que je voulais un César, faire un discours, avoir une robe magnifique et remercier ma mère en pleurant. Et là, tout d’un coup, c’est comme si on m’ouvrait en grand les portes du cinéma et qu’on me disait : « Bienvenue, tu vas continuer ». C’est une reconnaissance des gens de ce métier. Pour moi, c’est important.
Le meilleur espoir féminin qui me vient à l’esprit, naturellement, c’est le visage de Leila Bekhti, qui l’a emporté l’an passé. Dans mes souvenirs plus lointains, c’est la récompense de Romane Bohringer pour Les Nuits fauves (en 1992, NDLR). J’étais toute petite, j’avais adoré ce film et je me souviens de son émotion. J’étais contente pour elle parce que je me mettais à sa place.

P. M. : C’est une reconnaissance des gens du métier. Mais en même temps, si on vient me voir en me disant, tu choisis entre avoir le César et trois films par an… Mon choix est vite fait, je prends les films ! Le César peut paraître futile à côté de ce que peuvent m’apporter les gens du métier s’ils ont envie de travailler avec moi.
Je ne regardais pas trop les César quand j’étais plus jeune. Par contre, j’étais très content de voir quelqu’un comme Arthur Dupont être nommé aux César (catégorie "Meilleur espoir masculin" en 2011 pour Bus Palladium, NDLR) même s’il n’a été récompensé. Parce que c’est quelqu’un qu’on n’avait pas l’habitude de voir à ce moment-là. Je suis content de voir de nouveaux visages. Et ça m’a rassuré sur le fait que la cérémonie des César n’est pas seulement une soirée entre potes. De même pour Tahar Rahim l’an passé (César du meilleur espoir masculin et du meilleur acteur pour Un prophète, NDLR). Ce sont des petits gars qui arrivent et qui cartonnent, ça fait plaisir.

A. D. : C’est vrai que les Cesar, ça peut être un soufflé qui monte et puis il peut ne rien y avoir après. On se rend compte qu’il y a aussi pas mal de comédiens qui ont eu un César chez les espoirs, et qu’ensuite, ils n’ont pas tourné pour autant.

La tradition veut que les Révélations choisissent un parrain ou une marraine pour la soirée de gala. Vers qui s’est tourné votre choix ?

P. M. : J’ai choisi Michel Fau, un comédien avec qui j’ai joué au théâtre. Je souhaitais quelqu’un avec qui je pouvais m’amuser, avoir des sujets de conversation, quelqu’un de humble. Pour l’instant, les César et tout ce qui va avec, ce n’est pas mon milieu, donc il fallait que je sois à l’aise, sans me mettre une pression supplémentaire.

A. D. : Pour moi, c’était Valérie Bonneton (Fabienne Lepic dans Fais pas ci, fais pas ça, sur France 2, NDLR). Je ne la connaissais pas. J’ai eu de la chance car elle est adorable, vraiment gentille, très simple et très drôle. C’était évident tout de suite.

P. M. : Je trouve que c’est bien de ne pas s’adresser uniquement à des "stars". Cela rend plus humain la chose. Souvent, je trouve des acteurs vraiment formidables mais ils ne travaillent pas, ou alors moins que d’autres. A un moment, ça m’attriste. Valérie Bonneton fait partie de ces personnes. C’est une actrice fabuleuse qu’on ne voit pas assez.

A. D. : J’aime bien cette idée de choisir un parrain ou une marraine : parce que c’est annoncer sa couleur, sa famille. J’aime ce que fait Valérie Bonneton, son travail, sa sensibilité. Du coup, ça m’a donné l’occasion de dire : je me reconnais dans cette femme-là.

Quand l’Académie des César parle, pour définir cette catégorie espoir, de « ceux qui feront le cinéma de demain », de « jeunes talents », « particulièrement remarquables au cours de l’année ». Comment le percevez-vous ?

A. D. : C’est très sympathique et encourageant de dire ça, mais – et ça fait longtemps que je fais ce métier puisque j’ai commencé très jeune – c’est tellement difficile que je ne suis pas sûre de ces affirmations. Je pense que ces nominations. C’est une mise en lumière de certains acteurs mais peut-être que dans deux ou trois mois, et même un an ou deux ans, il n’y aura plus rien. C’est donc compliqué d’être certain de certifier que nous serons ceux qui feront le cinéma de demain.

P. M. : Moi, je suis d’accord avec ces termes. Je ne prends pas cette phrase comme, « ils seront les stars de demain », mais plutôt comme la possibilité d’apporter notre pierre à l’édifice. Parce que ça dépendra beaucoup de nous – finalement, beaucoup plus que des autres. Il suffira de s’accrocher, de ne jamais lâcher prise, ne jamais abandonner. Ce qui est difficile, je ne le nie pas. Mais en faisant ça, on peut dire qu’on est le cinéma de demain, c’est vrai. Après, à quel niveau nous serons, c’est autre chose. Si nous n’abandonnons pas, forcément, nous ferons partie de ceux qui participent et qui font ce métier. Sans parler pour autant de comédiens qui explosent.

Cette présélection arrive-t-elle au bon moment dans votre carrière ?

A. D. : Oui, complètement. Je vais avoir 32 ans, c’est comme si ça arrivait à point nommé. Aujourd’hui, je me sens mature pour vivre ça pleinement, c’est le bon moment pour profiter de tout ça. Avant, j’étais trop fragile psychologiquement, je pense. Peut-être que plus jeune, j’aurais cru à fond aux nominations, et du coup, en cas de non-nomination, ça aurait été le désespoir absolu. Alors que là, j’ai mon expérience, je me sens forte de tout ça. C’est la petite cerise sur le gâteau.

P. M. : Elle arrive au bon moment pour moi aussi. Je n’en suis pas encore à l’étape d’Amandine, parce que je viens de terminer mes trois ans d’accompagnement, d’insertion professionnelle, avec le Jeune théâtre national. Une nouvelle entrée dans la vie active, avec son lot d’angoisses, parce qu’on se dit que ça va être plus difficile d’avoir du travail. Il faut de la patience, essayer d’être serein et avoir confiance en soi. Donc une présélection aux César, c’est idéal. Au moment de passer un casting, cela peut jouer en notre faveur : le fait que nous ayons été présélectionnés peut attiser la curiosité des professionnels qui auront envie d’aller voir ce qu’on a fait avant.

Pensez-vous qu’il y aura un avant et un après "présélection aux César" ?

P. M. : Au quotidien, non, pas pour l’instant en tout cas. Le fait de tourner dans Où va la nuit déjà, je me suis dit, que ça allait débloquer des choses, puis ensuite je me suis dit la même chose quand le film est sorti en salles : ça n’a pas été le cas. Maintenant, les présélections tombent : c’est pareil. Ca peut prendre du temps, en ce qui me concerne, en tout cas. Parfois ça me déprime, parfois je me dis qu’on est jeune et qu’on a le temps.

A. D. : Je suis d’accord. Je pensais que le film de Philippe Lioret m’ouvrirait des portes plus vite, parce que les gens, des professionnels, autour de moi disaient « ce film va être un sacré truc pour toi, tu vas exploser ». Sauf que non. Comme dit Pierre, tout cela prend du temps. Même pour un réalisateur. Par exemple, il me voit dans le rôle de Céline, une jeune femme surendettée, et il va peut-être lui falloir du temps pour qu’il m’imagine dans un rôle totalement différent, et qui me corresponde malgré tout. Aujourd’hui, c’est beaucoup trop tôt pour dire si cette présélection a un impact ou non.

Quel souvenir gardez-vous du tournage et du ce rôle pour lequel vous avez été présélectionné ?

A. D. : J’en garde un très bon souvenir, très intense. Humainement dans ce qui se passait avec Marie Gillain, ma relation avec elle, c’était quelque chose de très fort avec tous les acteurs. J’avais un peu l’impression de répéter une pièce de théâtre, avec une concentration permanente où tout le monde était dans le même bateau. Une humilité dans le travail qui était fabuleuse.
Le personnage de Céline a été difficile à interpréter. J’adore Céline mais ça a été compliqué parce que ça me ramenait à une vision de moi en parka avec des cheveux gras… J’ai été comme ça à un moment de ma vie donc me revoir comme ça, j’avais l’impression d’être en régression totale et de ne pas avoir avancé. A un tel point que je ne supportais pas de me voir à l’image. Je me trouvais vraiment moche quand je rentrais le soir. C’était extrêmement violent. Alors qu’on s’en moque de ça : Céline, elle, est surendettée, elle n’est pas là-dedans, elle est dans la survie.

P. M. : J’ai beaucoup regardé Yolande Moreau, sa concentration. Elle a une énorme présence sur le tournage. J’ai beaucoup regardé et j’ai essayé d’apprendre.
Le personnage de Thomas a été compliqué à interpréter parce qu’il y a peu de dialogues entre la mère et son fils. Comme il n’a pas envie de parler, il est souvent renfermé, en colère et agressif envers sa mère. Il est parfois pris par les spectateurs avec beaucoup de violence. Parce que c’est un garçon qui peut paraître imbuvable avec sa mère mais on sent que c’est de la souffrance. Or, certaines personnes ne l’ont pas vu de cette manière. Donc ils pensent que c’est juste une tête à claque. D’ailleurs, si on le perçoit comme ça, ce n’est pas du tout un rôle pour les César puisqu’on a tendance à s’identifier au personnage. Donc si le public n’aime pas le personnage, il risque de ne pas apprécier l’acteur qui le joue.

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