Alors que la contestation démocratique se transforme peu à peu en grogne sociale en Egypte, Citazine s’est tourné vers trois interlocuteurs concernés par la chute d’Hosni Moubarak. Que peuvent espérer les Egyptiens de l’armée ? Celle-ci se retirera-t-elle du pouvoir, dans six mois, une fois la constitution modifiée et les élections présidentielles organisées ? Plus généralement, les militaires accepteront-ils le retour d’un gouvernement civil, dans un pays où l’armée est le pilier du pouvoir ?
Après dix-huit jours de contestation, 365 morts et 5 500 blessés[fn]selon un bilan publié mercredi 16 février par le ministère égyptien de la Santé. Il concerne la période du 25 janvier au 11 février.[/fn], le président égyptien Hosni Moubarak quittait ses fonctions le vendredi 11 février, remettant le pouvoir à l’armée.
Aujourd’hui, le calme n’est toujours pas revenu en Egypte. Les journées sont désormais rythmées par les rassemblements et les mouvements de grève, entamés dans plusieurs secteurs-clés de l’économie, notamment au Caire, la capitale, et à Alexandrie, la deuxième ville du pays. Les personnels des banques, des transports, du secteur pétrolier et même du service public sont mobilisés pour réclamer une augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail.
Entre espoir et méfiance
Malgré les appels et les mises en garde de l’armée, invitant le peuple à retourner au travail, la situation reste toujours bloquée. Les revendications ne concernent plus uniquement l’exercice du pouvoir, mais touchent toute la structure économique et sociale d’un pays paralysé par trente années de dictature. Et de corruption.
Pour Omar El Shaféi, Egyptien de 44 ans, installé à Paris depuis neuf ans, les grèves de ces derniers jours illustrent la détermination des Egyptiens à ne pas se contenter des annonces de l’armée.
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Me Georges-Henri Beauthier est avocat au barreau de Bruxelles et ancien président de la Ligue des Droits de l’Homme en Belgique. Il revient d’une semaine passée au Caire, et espère que les Egyptiens parviendront à rester mobilisés, malgré le départ de Moubarak. « Ce serait extraordinaire, on veut y croire. Mais ce sera très difficile ».
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Pour le moment, le peuple égyptien a fait confiance à l’armée pour assurer la transition politique jusqu’aux prochaines élections législatives et présidentielles. Pour Violette Daguerre, présidente de la Commission arabe des droits humains (une association d’intellectuels arabes, basée à Paris), il n’y a pas de raison que cela dérape, même s’il faut rester attentif et observer les futures actions des militaires. Elle était également au Caire la semaine passée.
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Le pouvoir est aujourd’hui entre les mains du Conseil suprême des forces armées, une assemblée de hauts gradés de l’armée égyptienne. Celui-ci a chargé une commission de juristes de rédiger un texte qui sera soumis à référendum. C’est ce texte qui devrait permettre l’organisation d’élections libres et transparentes dans les prochains mois. Me Georges-Henri Beauthier partage ses doutes, tout en restant optimiste.
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Omar El Shaféi, membre du Comité de solidarité avec la lutte du peuple égyptien[fn]constitué dès le 26 janvier, soit le lendemain du début de la révolution en Egypte.[/fn], est convaincu que la démocratisation de l’Egypte est en route. Il sait pourtant que celle-ci ne pourra se faire sans solidarité internationale.