« Buzz l’Éclair », refaire le Buzz

« Buzz l’Éclair », refaire le Buzz

« Buzz l’Éclair », refaire le Buzz

« Buzz l’Éclair », refaire le Buzz

Au cinéma le 22 juin 2022

Après s'être écrasé avec son équipage sur une planète hostile, Buzz l'Éclair se donne pour mission de ramener tout le monde à la maison. Une promesse qui va l'emmener bien au-delà de ce qu'il aurait pu imaginer. En dévoilant l'histoire qui a enfanté le célèbre jouet de Toy Story, Pixar tente un pari risqué. Aventure spatiale sans temps mort et ne manquant pas d'humour, Buzz l'Éclair (ré)invente à rebours un personnage qui impose sa singularité quitte à s'exposer au rejet épidermique de certains spectateurs.

Un peu trop sûr de lui, Buzz l’Éclair s’écrase avec sa commandante Alisha Hawthorne et le reste de l’équipage sur une planète hostile située à 4,2 millions d’années-lumière de la Terre. Pour réparer sa faute, le Ranger de l’espace promet de ramener tout le monde sain et sauf à la maison en trouvant la formule du combustible indispensable pour repartir dans l’espace.

Pour accomplir cette mission périlleuse, Buzz doit composer avec des recrues inexpérimentées et Sox, son adorable chat robot. Mais l’arrivée du terrible Zurg et son armée de robots viennent bouleverser ses plans.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Trouver sa voix

Avant même sa sortie en salles, Buzz l’Éclair a été l’objet d’une polémique stérile liée à la voix du célèbre Ranger de l’espace. Le Buzz de ce nouveau film Pixar n’a en effet pas la même voix que dans la saga Toy Story, Chris Evans prenant le relais de Tim Allen. Un sacrilège pour certains qui s’explique pourtant facilement.

L’interprète de Captain America (2011) n’a pas remplacé Tim Allen au casting pour la simple raison que le Buzz de Buzz l’Éclair n’est pas le même personnage que son incarnation sous forme de jouet. L’un est un personnage de film et l’autre un produit dérivé. Conserver le même acteur pour le doublage aurait limité de fait les possibilités de réécriture du personnage et brouillé les pistes.

De la même façon, les fans de Toy Story qui l’ont découvert en VF vont devoir faire le deuil de la voix si facilement reconnaissable du prolifique doubleur Richard Darbois qui laisse sa place à François Civil. La polémique peut paraître futile mais elle symbolise le fort attachement au personnage d’origine et renvoie au fascinant phénomène de dépossession des auteurs face à l’appropriation d’une œuvre par le public. un phénomène que George Lucas a du affronter avec sa saga Star Wars.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Un nouveau Buzz

Buzz l’Éclair est annoncée par le studio Pixar comme « la véritable histoire du légendaire Ranger de l’espace qui a inspiré le jouet que nous connaissons tous ». Et c’est bien le souci… Au fil de la saga Toy Story, ce héros en plastique un peu à côté de la plaque a trouvé une place bien particulière dans le cœur des cinéphiles.

Avec ce nouveau projet, Pixar propose un spin off assez particulier en imaginant le personnage d’un film qui a inspiré un jouet. Après les court-métrages – certains réalisés par Angus MacLane qui signe ce film – et les versions animées, l’univers de Toy Story est étendu d’une façon inédite et pose une drôle de question existentielle : mais qui est le vrai Buzz ?

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Chacun son Buzz

La réponse à cette question est d’autant plus complexe que le Buzz « historique » du point de vue des spectateurs.trices n’est qu’un banal produit dérivé d’un personnage dont l’histoire était inconnue jusqu’à présent. Le ressort tragi-comique de Buzz dans le premier film étant qu’il n’a pas connaissance de cette filiation. Il ignore même être un jouet avant de devoir se rendre à l’évidence : il n’est pas unique.

Pourtant, Buzz est loin d’être un simple jouet avec des répliques vocales limitées. Avec son imaginaire enfantin, le jeune Andy  transcende ce réel et propose sa propre version de Buzz à travers les aventures qu’il crée pour lui. Et le jouet possède également sa propre vie qu’il partage avec ses camarades jouets dès que l’enfant a le dos tourné.

Enfin, pour ajouter une couche de complexité, l’attachant Ranger de l’espace est également un personnage de cinéma à part entière dans lequel chaque spectateur.trice peut se projeter. De là à dire qu’il existe une infinité de Buzz… Cette perception multiple peut expliquer en partie l’accueil mitigé que reçoit actuellement le film qui fait le pari de (ré)inventer le personnage.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

D’après une histoire inventée

Le défi – impossible ? – pour Pixar consiste donc à proposer un personnage qui doit être différent du célèbre jouet mais avec un lien de parenté évident au-delà des célèbres répliques du Ranger spatial. Une tâche d’autant plus ardue qu’il s’agit d’imaginer un personnage humain à partir d’un produit dérivé qui possède déjà une forte personnalité.

Mise en abîme assumée, Buzz l’Éclair n’est pas l’histoire du héros mais bien un film à part entière. Et pas n’importe quel film puisqu’il s’agit du film préféré d’Andy, ce qui explique que le jeune garçon possède le jouet dérivé du héros. De fait, ce nouveau projet de Pixar doit s’inscrire dans cette temporalité.

Un défi compliqué avec près de trois décennies séparant les deux films. Le premier film Toy Story datant de 1995, Buzz l’Éclair doit logiquement avoir été produit au milieu des années 90 au plus tard. En suivant cette logique, il est facile d’attaquer le film sur sa modernité, aussi bien sur le fond que sur la forme. Mais ces remarques semblent toutefois assez mesquines pour un film de divertissement, d’autant plus qu’il se déroule dans un futur lointain permettant une liberté absolue.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

All by myself

Pour apprécier pleinement le Buzz cinématographique il faut cependant faire le deuil du Buzz ludique. Difficile mais pas impossible car, avec une logique inversée, certains échos du jouet adoré subsistent chez son modèle. Le Buzz humain est cependant en soi un personnage moins amusant que le jouet qu’il a inspiré. Film d’action assumé, Buzz l’Éclair adopte pour son héros un premier degré qui colle à sa personnalité.

Le Ranger de l’espace est en effet du genre consciencieux. Il dicte scrupuleusement tous ses faits et gestes dans son journal de bord, peu importe si personne ne l’écoute. Comme son alter égo en plastique, Buzz possède un sens du devoir qui frôle le ridicule. Ce dévouement a aussi un côté plus sombre qui le pousse à jouer le héros de service qui n’a besoin de personne.

Le film joue assez habilement sur cette notion du héros à l’ancienne dont les gros bras sont amplement suffisants pour réussir sa mission. Sauf que la réalité est évidemment plus complexe. À commencer par l’échec de la mission initiale dont Buzz porte la lourde responsabilité. Son sens du devoir est d’autant plus touchant qu’il se double d’un sentiment de culpabilité. Et pour réparer sa faute, le Ranger de Star Command est près à faire un sacrifice temporel étonnant.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Tempus fugit

Pour fuir la planète hostile, Buzz doit tester un carburant capable d’atteindre une très grande vitesse. Mais à chaque essai notre héros est soumis à la théorie de la relativité restreinte d’Albert Einstein. À chaque test, plusieurs années s’écoulent sur Terre pendant les quelques minutes passées dans l’espace pour Buzz.

Avec cette intrigue, Pixar impose une mission ironique au Ranger spatial qui accepte de sacrifier le temps qu’il aurait pu passer avec son amie Alisha en espérant pouvoir sauver tout son équipage. Mais, plus le temps passe, plus la mission perd de son sens. En incluant ce décalage temporel, Buzz l’Éclair joue sur le concept d’une immortalité relative pour son héros confronté à des questions existentielles aux réponses toujours douloureuses.

L’entêtement du héros sûr de lui débouche assez tôt dans le film à un moment particulièrement émouvant où sa mission semble bien futile. La seconde partie se détache malheureusement un peu de cet aspect pour épouser à nouveau pleinement le film d’action. Buzz reprend sa mission avec de nouveaux partenaires pour un périple mené tambour battant.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Lol cat

Héros obnubilé par l’importance de sa mission, Buzz n’a pas le temps de faire des blagues. Pour contrebalancer son sérieux, Pixar a fait le choix d’un personnage secondaire peu original omniprésent dans l’univers Disney : l’animal de compagnie qui suit le héros comme son ombre. Un parti pris peu risqué qui aurait pu s’avérer catastrophique mais que le studio transforme magnifiquement avec Sox, chat robot irrésistible.

Les effets comiques les plus percutants du film sont en effet à mettre au crédit de ce « petit chat » comme l’appelle Buzz qui ne cesse d’étonner tout au long de l’aventure. Malgré son expression stoïque, son charisme fait même de l’ombre aux humains accompagnant Buzz dans la seconde partie du film. Amusants en tant que Rangers novices, ils peinent malheureusement à s’affirmer en tant que d’individus au-delà de ce qu’ils représentent pour Buzz.

Personnage incontournable, le film ne pouvait évidemment pas faire l’impasse du redoutable Zurg, la Némésis de Buzz. Comme pour le Ranger de l’espace, son ennemi juré voit son origine dévoilée. Une révélation qui est plutôt bien vue car elle est en phase avec le caractère du héros solitaire. Jusqu’au bout de son périple, Buzz va devoir combattre ses penchants à l’individualisme et une conviction qui l’empêchent de considérer le bien de la communauté au-delà de ses réflexes héroïques.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Amour intersidéral

Au-delà de l’acceptation ou non de ce personnage réinventé, la sortie de ce nouveau Pixar est perturbée par une censure homophobe dans certains pays. Pour la première fois dans l’univers Disney, le film montre deux femmes, Alisha et sa compagne, s’embrassant à l’écran. Devant les menaces de boycott, Disney avait cédé dans un premier temps en retirant la scène avant de la réintégrer face au tollé suscité par la décision.

Finalement, 14 pays du Moyen-Orient et d’Asie qui n’ont pas accordé son visa d’exploitation au film en raison de ce bisou furtif. L’inclusion de couples de même sexe dans l’univers Disney n’est pourtant pas une nouveauté, on en retrouve dans Zootopie (2016) – lire notre critique -, Toy Story 4 (2019) – lire notre critique – ou encore En avant (2020) – lire notre critique. Mais cette fois-ci Pixar va plus loin car la descendance de l’amie de Buzz est au cœur du récit et dépasse l’enjeu d’un baiser qui pourrait paraître anecdotique. De quoi faire disjoncter les tenants d’une morale intolérante que ce soit pour des raisons culturelles ou religieuses.

La construction du récit rend en effet difficile voire impossible une censure à la marge de ce baiser, ne laissant que la censure totale du film comme alternative. N’en déplaise aux esprits chagrins, Buzz l’Éclair se déroule dans un futur qui a dépassé depuis longtemps les limites d’une moralité poussiéreuse. Un parti pris qui rend cette aventure spatiale d’autant plus attachante.

Buzz l'Éclair © 2021 Disney/Pixar. All Rights Reserved.

Pari risqué de la part de Pixar, Buzz l’Éclair espère que les spectateurs.trices acceptent de se détacher suffisamment du jouet bien aimé de la saga Toy Story. S’il perd progressivement en intensité dramatique, il n’y a pas de raison de bouder son plaisir devant ce film d’action efficace soutenu par un humour percutant.

> Buzz l’Éclair (Lightyear), réalisé par Angus MacLane, États-Unis, 2022 (1h40)

Affiche du film "Buzz l'Éclair (Lightyear)"

Buzz l'Éclair (Lightyear)

Date de sortie
22 juin 2022
Durée
1h40
Réalisé par
Angus MacLane
Avec
Chris Evans, Keke Palmer, Dale Soules
Pays
États-Unis