« Blue Ruin », la vengeance pour les nuls

« Blue Ruin », la vengeance pour les nuls

« Blue Ruin », la vengeance pour les nuls

« Blue Ruin », la vengeance pour les nuls

Au cinéma le

Un vagabond en marge de la société s'improvise assassin amateur suite à la libération du meurtrier de ses parents, déclenchant alors une spirale de violence qui le dépasse totalement. Un thriller original sur le thème de la vengeance au suspens redoutablement efficace.

Dwight (Macon Blair), vagabond vivant reclus dans sa voiture, sort de son isolement quand il apprend la libération imminente de Wade Cleland, le meurtrier de ses parents. Bien décidé à se venger de ce drame qui a détruit sa vie, Dwight traque l’assassin à sa sortie de prison et le tue. Mais loin d’apaiser sa souffrance, ce meurtre va entrainer un déferlement de violence que l’apprenti assassin n’avait pas envisagé. La famille Cleland ne contacte pas la police et décide, à son tour, de se faire justice elle-même. Dwight va alors devoir affronter de violentes représailles dirigées contre lui et ses proches.

Blue Ruin  

Antihéros magnifiquement banal

Dwight est l’antihéros par excellence, fragile et touchant, dans cette histoire de vengeance qui échappe à son contrôle. Il est de prime abord difficile de s’identifier à ce vagabond à la barbe hirsute que l’on voit au début du film, mais lorsque celui-ci retrouve une allure plus soignée il apparait tel qu’il était avant le drame : un homme très ordinaire. Le physique passe-partout de Macon Blair, incarnant parfaitement ce paumé qui n’a plus rien à perdre, renforce l’identification avec ce personnage déterminé mais très vite dépassé par les évènements. En relatant cette aventure de façon froide et distancée – ici pas de grandes envolées lyriques ni de musique grandiloquente –, le réalisateur instaure une atmosphère sombre et présente les actes désespérés de ce meurtrier amateur avec un certain recul. Ce subtil équilibre entre identification et absence de pathos permet de ressentir de l’empathie pour le personnage sans avoir besoin pour autant d’approuver son projet de vengeance.

Blue Ruin

Futiles représailles

Blue Ruin explore un cas très concret du conflit entre la « Justice » institutionnelle et le sens que peut avoir ce terme pour les victimes et leurs familles. Pour Dwight, dévasté par la perte des ses parents, la libération du coupable est l’occasion de mettre un terme à ses souffrances en éliminant le responsable. Le film pose la question du juste châtiment face à un crime dans un pays où la peine de mort est encore appliquée et le port d’armes inscrit dans la Constitution. Mais comme notre meurtrier amateur va le constater, se faire justice soi-même comporte des risques : la vérité sur la mort de ses parents est peut-être plus compliquée qu’il ne le pensait mais il va surtout ouvrir la boite de Pandore en se vengeant par ses propres moyens. En punissant lui-même l’assassin de ses parents, Dwight s’expose à un engrenage de violence qui va également menacer sa sœur et ses nièces. « La haine attise la haine » est un poncif maintes fois exploré, mais il est ici illustré de façon austère et brutale, débarrassé de tout apitoiement superflu. Le propos évite ainsi d’être lénifiant et le suspens se révèle terriblement efficace.

Porté par un acteur parfaitement à l’aise dans son rôle de vengeur amateur et une réalisation impeccable, Blue Ruin est à rapprocher du style de Tarantino et des frères Cohen pour sa violence radicale et son second degré omniprésent mais possède un univers qui lui est propre. Cette folle virée punitive désespérée tient le spectateur en haleine, jusqu’à sa conclusion, inévitablement violente.

> Blue Ruin, réalisé par Jeremy Saulnier, États-Unis / France, 2013 (1h30)

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