Jeune homme de 18 ans avec des racines indigènes, Luis (Santiago Sandoval) intègre le Collège militaire dans l’espoir que cette expérience l’aide à mieux s’intégrer au sein de la société mexicaine. Mais le cadet découvre rapidement les brimades d’un encadrement sans pitié et corrompu.

Au fil des entraînements, le chemin pour devenir un combattant d’exception s’inscrit dans une dangereuse déshumanisation.

Les raisons de la violence

Avec Heroico, David Zonana dénonce la normalisation de la violence qui mine le Mexique à travers le prisme de l’armée. La brutalité omniprésente dans le pays est selon lui alimentée par des raisons sociales et économiques mais également des préjugés raciaux qui planent sur l’expérience du jeune Luis. Le Collège militaire héroïque est un symbole de cette violence en tant qu’institution où elle s’exprime sans filtre et est valorisée.

Pour coller à la réalité, le cinéaste s’appuie sur des témoignages d’anciens cadets de l’armée qui ont confié leurs expériences. Le scénario s’est nourri des raisons de leur engagement, de leurs rêves et de leurs déceptions. Le personnage de Luis synthétise ces motivations dans un pays où seules deux alternatives permettent d’échapper à la pauvreté selon David Zonana : les institutions comme l’armée ou le trafic de drogue. Deux horizons marqués par la soumission à la violence, institutionnalisée ou illégale.

Soldat inconnu

Heroico joue la carte de la crédibilité avec une grande partie des acteurs étant anciens cadets, dont le personnage principal. Difficile de ne pas penser à l’infernal Full Metal Jacket (1987) de Kubrick avec qui Heroico partage ce regard brutal sur une formation dure qui devient cruelle. Pour Luis, la situation est d’autant plus ambiguë qu’il est rapidement protégé par « Pibe » (Fernando Cuautle), un haut gradé. Il échappe ainsi aux brimades imposées aux cadets par les soldats plus anciens.

Au sein de cet environnement hermétique, le jeune homme se retrouve pris au piège de cette protection inattendue et entraîné dans des expéditions en dehors du campus pour lutter contre des cartels. Isolé de ses camarades et soumis à l’autorité toute puissante, il découvre ainsi l’étendue de la corruption du système. Et la capacité psychologique de tuer de sang-froid.

Les scènes de maltraitances physiques sur lesquelles l’institution ferme les yeux sont entrecoupées de scènes oniriques qui viennent brouiller la réalité du quotidien de Luis. Ces séquences accompagnées par la musique du musicien mexicain Murcof, qui glissent parfois vers un symbolisme un peu appuyé, accompagnent de façon glaçante cette lente déshumanisation.

Malaise national

Le personnage de Luis met en avant une relation complexe entre un jeune soldat près à donner sa vie et une nation qui ne reconnaît pas le peuple indigène dont il est issu. Cette schizophrénie sacrificielle donne l’ampleur d’un malaise nourrit par la marginalisation et la reproduction d’une violence sociale héritée d’un passé jamais soldé.

Au Mexique, Heroico a atteint sa cible en suscitant une vive polémique lors de sa sortie en salle. L’institution la plus puissante du pays liée de près au gouvernement n’a en effet pas l’habitude de subir une charge aussi virulente. La controverse a ainsi attiré près de 500 000 personnes en salles, un engouement impressionnant pour le Mexique. Des chiffres qui démontrent l’intérêt de la population pour ce sujet de la violence qui ronge le pays.

Avec sa brutalité assumée et la dénonciation de la corruption, Heroico cache derrière sa charge contre l’institution militaire une réflexion sur la place de la violence dans l’ensemble de la société. Son dénouement chaotique invite à une prise de conscience radicale sur l’état du pays.

> Heroico, réalisé par David Zonana, Mexique, 2023 (1h28)