Microcultures fait pousser les talents

Microcultures fait pousser les talents

Microcultures fait pousser les talents

Microcultures fait pousser les talents

3 décembre 2010

La tournée de Phantom Buffalo en France, c'est grâce à eux ! Cet ovni culturel, apparu il y a seulement deux mois, permet aux internautes de financer des projets d'artistes indépendants qui n'auraient pas pu voir le jour sans ce soutien. Le premier défi a été brillamment réussi : le groupe américain vient de terminer une tournée en France de deux semaines.

Le pari était osé. Permettre à un groupe de pop américain, confidentiel en Europe, d’y faire une tournée. Microcultures l’a fait. Avec les moyens du bord. Avec les internautes. Cette société, lancée mi-octobre 2010, est une sorte de label, et bien plus encore. « Nous sommes plutôt une maison de production, puisque nous proposons d’investir dans l’art en général. Pas seulement dans la musique », précise Louis-Jean Teitelbaum, le cofondateur de cet ovni. L’idée est simple. En vogue aussi : faire participer les internautes au financement d’un projet artistique. My Major Compagny, avec son Grégoire, a été précurseur dans le domaine musical en 2008. Microcultures, elle, va bien au-delà d’un Toi + moi. Pas de vote hétérogène et éparpillé pour soutenir un projet plutôt qu’un autre. Le choix, le défrichage, c’est Louis-Jean et Jean-Charles Dufeu qui le font en amont. Avec un objectif : dénicher un projet de qualité qui n’aurait pas pu voir le jour sans un soutien extérieur. Ici, pas de culture intensive. « Nous cherchons quelqu’un qui a du talent et en qui nous croyons. C’est purement subjectif. Notre critère principal, c’est l’enthousiasme. Il faut que nous soyons sincèrement convaincus et motivés par le projet que nous allons soumettre aux internautes », complète Jean-Charles.

Dans le concept de Microcultures, les participants soutiennent le projet en recevant une contrepartie. Pour la première souscription proposée -la production en France du groupe Phantom Buffalo et la distribution du troisième album-, des dons classiques en argent étaient possibles, mais les "microcultivateurs" pouvaient aussi s’approprier des titres téléchargeables, des inédits, des t-shirts ou les deux précédents albums du groupe, quasiment introuvables en France. Des paniers garnis à partir de 11 euros. Des packs de qualité puisqu’il était même possible d’inviter les musiciens dans son salon. Un concert à domicile pour 222 euros. « Ce type de prestation n’a pas de prix commercial, s’émerveille Jean-Charles. L’idée, c’est d’inciter les gens à dépenser plus que d’habitude à partir du moment où ils aiment. Payer davantage pour avoir quelque chose de qualité. En contrepartie, les participants ont des avantages exclusifs. Plus le prix du panier augmente, plus la valeur symbolique est forte. Ce qu’on a constaté, c’est que les membres sont heureux de participer à un projet qui en vaut la peine. La comparaison avec My Major Compagny est évidente, mais ça n’a rien à voir. Nous ne sommes pas attirés par le bon coup commercial. » Le label vert, lui, tire notamment ses revenus des ventes du CD. Et dans le cas où se dégage un fort bénéfice, ils seront intégralement partagés avec les artistes.

Microcultures vise des fans, ou en tout cas, des personnes qui se sentent concernées. De fervents défenseurs de la culture indépendante. Sans forcément rechercher le plus grand nombre. « Nous voulons instaurer un rapport personnel entre l’artiste et les microcultivateurs. Créer une appartenance. Nous souhaitons soumettre des projets à taille humaine. Etre au plus près des artistes, les accompagner entièrement. Nous ne sommes pas seulement un service qui lève des fonds ». Alors, Microcultures, un vivier pour artiste confidentiel, uniquement destiné à des puristes de la musique ? Pure provocation. « On ne cherchera pas à être élitistes de façon artificielle, précise Louis-Jean. Mais c’est vrai que l’on va sans doute choisir des projets qui vont nous contraindre à avoir peu de fans. Il ne faut pas que le succès soit assuré, sinon, on ne sert à rien ! Quel serait l’utilité d’un site participatif pour un artiste qui a déjà de nombreux fans ? ».

L’argument qui fait mouche auprès des membres, c’est le bénéfice direct qui revient à l’artiste. Dans le cas de Phantom Buffalo, le budget initial soumis aux internautes était de 8 914 € (couvrant les billets d’avion, l’organisation de la tournée, etc.). Sur cette somme, 10 % était réservé au groupe, quoi qu’il arrive. Tout est donc transparent. Pour Jean-Charles, c’est « un système de rémunération beaucoup plus juste pour le groupe. On leur reverse directement une part de ce que donne les gens ». Et si le budget présenté n’est pas atteint, l’internaute ne partage pas les risques puisqu’il n’est pas producteur. Dans le cas-là, le projet va à son terme malgré tout. C’est Microcultures qui régale et comble le manque. « Le projet artistique n’est pas remis en question pour autant. Ce n’est pas un obstacle. Pour Phantom Buffalo, il nous manquait un tiers de la somme de départ (les dons ont atteint 5615 € sur les 8914 € de départ, ndlr). Nous les avons pris en charge, comme un label traditionnel. Nous ne sommes pas à la roulette russe, le souscripteur donne une certaine somme, il sait ce qu’il a en contrepartie. »

L’initiative autour du quatuor US fut un coup de maître pour la paire de défricheurs. Sur les deux semaines de présence en France, le groupe de pop psychédélique a enchaîné onze dates de concert, dont une à Bruxelles. C’est ce qui fait la force de Microcultures : l’implication dans le projet de A à Z. Les deux têtes pensantes de 28 ans ont ainsi mis en œuvre et impulser la promotion de la tournée, la fabrication et la distribution de CD destinés au marché français. L’Europe va suivre avec la Hollande, la Belgique et l’Allemagne. En attendant le marché anglais…
La musique a été le premier domaine dans lequel Microcultures a voulu jardiner. Mais le duo voit plus loin, plus large. « La musique est un domaine d’expression prépondérant pour nous. C’est celui qu’on connaît le mieux et vers lequel on reviendra le plus régulièrement, souligne Jean-Charles, ancien "éditorialiste" chez Amazon, où il avait en charge les pages… musique. Mais nous voulons également trouver des artistes peintres, des pièces de théâtre ou des dessinateurs de bandes dessinées. Ca nous plairait beaucoup ».

Après deux mois d’existence, Microcultures en est encore au stade de l’élevage, mais la jeune pousse veut grandir. Rapidement. Même si le modèle économique de leur petite entreprise n’est pas encore écrit. Pour l’heure, seul Jean-Charles se consacre à temps plein au label culturel. L’objectif à terme est de dégager deux salaires. « Nous sommes à la version bêta », aime préciser Louis-Jean, qui termine sa thèse de sociologie. Le prochain défi sera de financer le court-métrage du jeune réalisateur Jonathan Lennuyeux, déjà auteur du Blues du docker. La chose est acquise. Reste maintenant à trouver la forme que prendra ce soutien. Puisque le projet musical de Phantom Buffalo n’est pas forcément transposable au cinéma. D’abord pour une question de budget. « Il nous faut encore réfléchir à la manière dont les microcultivateurs pourront aider au financement. A chaque fois, il faudra inventer des choses puisque les contreparties matérielles ne sont pas toujours possibles ». Louis-Jean a déjà sa petite idée. Il pense ici à des aides en nature pour la régie ou le décor, par exemple. « Attention, il n’est pas question de rendre bénévoles toutes les personnes qui travaillent dans le cinéma ! Ce sont des pistes de réflexion. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut lancer la campagne de levée de fonds en avance pour bien faire connaître le projet. »

Encore tout ébouriffés et déconcertés par le succès obtenu avec Phantom Buffalo (« faire venir des Etats-Unis, un groupe qui n’avait jamais mis les pieds en France, quand même ! »), les deux jardiniers espèrent désormais mettre en place ce projet cinéphile en janvier ou février 2011. L’objectif étant, une fois le rythme de croisière atteint, de proposer deux ou trois projets tous les deux mois. Avec dans la tête, toujours la même ligne directrice. La même ligne artistique : faire sortir de terre et accompagner des projets ambitieux qui n’auraient pas pu voir le jour sans le recours à des microcultivateurs passionnés. Silence, ça pousse !

 

Phantom Buffalo, l’interview

 

 

Phantom Buffalo en version acoustique : Wedding day massacre

 
 

 

Atleesta, en acoustique

 
 

 

A Hilly Town, en acoustique