« Unicorn Wars », Full Nounours Jacket

« Unicorn Wars », Full Nounours Jacket

« Unicorn Wars », Full Nounours Jacket

« Unicorn Wars », Full Nounours Jacket

Au cinéma le 28 décembre 2022

Dans une contrée lointaine, Oursons et Licornes sont en guerre depuis toujours. Célestin et Dodu, deux frères soldats, partent en mission commando pour remporter la bataille finale. Entre conte fabuleux et film de guerre sanglant, Unicorn Wars détourne les codes enfantins avec la cruauté des tristes passions adultes. Visuellement envoûtant, ce périple ambitieux interroge la violence suicidaire intrinsèque de l'humanité en égratignant au passage notre rapport au pouvoir et à la religion.

Dans un pays fabuleux, Oursons et Licornes sont engagés dans un conflit sans fin. Emportés dans cette spirale de violence, deux frères oursons que tout oppose s’entraînent pour le combat. Prêt à en découdre, le soldat Célestin a soif du sang des Licornes. Dodu, son frère, n’aime pas la guerre. Il préfère les myrtilles et les câlins.

Alors que la bataille finale approche, Célestin et Dodu quittent le camp d’entraînement au sein d’une unité d’oursons inexpérimentés. Seront-ils à la hauteur de cette mission commando au sein de la Forêt Magique ?

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Guerre fabuleuse

Comme pour Psiconautas (2015) – lire notre critique -, Alberto Vázquez base ce nouveau film sur l’un de ses court-métrages. Réalisé en 2013, Sangre de Unicornio relatait déjà cette quête du sang de licorne par deux frères oursons. Sur la base de cette relation fraternelle, le cinéaste propose avec Unicorn Wars une version étoffée de cet univers avec de multiples thématiques qui s’entrecroisent dans un récit de guerre se déroulant dans un monde – a priori – enfantin.

Le dessinateur et cinéaste espagnol manipule les codes de l’enfance et les références cinématographiques pour plonger l’univers de ces animaux mignons dans l’enfer d’une guerre impitoyable. Malgré la bonne bouille de ces oursons, il ne faut pas s’y tromper : Unicorn Wars n’est pas pour les enfants. Le film est d’ailleurs interdit aux moins de 12 ans ! Les premières insanités proférées par Célestin emporté par une colère froide annonce la radicalité de cet univers coloré qui va s’enfoncer progressivement dans les ténèbres.

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Les codes graphiques de l’enfance sont ainsi subvertis pour rendre la violence encore plus dérangeante. Dans cette fable d’inspiration mythologique traitée d’un point de vue adulte, les mignons oursons rêvent de trucider les jolies licornes. Au jeu des références cinématographiques, Alberto Vázquez s’amuse à citer comme inspiration aussi bien Full Metal Jacket (1987) que Cannibal Holocaust (1980). Comme si Apocalypse Now (1979) qui se déroulait au pays de Bambi (1942).

Mignon mais flippant

Unicorn Wars joue la carte de cette dualité, pour ne pas dire schizophrénie, constante. Le contraste entre le fond – de plus en plus noir – et une forme graphique que les japonais qualifient de kawaii peut faire penser au programme décalé Happy Tree Friends (2000-2016). Dans cette série animée, Flippy, l’un des personnages récurrents, pourrait avoir sa place dans le film. A priori sympathique, l’ancien soldat est atteint d’un syndrome post traumatique qui le pousse à trucider tout son entourage lors de violentes crises schizophrènes.

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Mais la comparaison s’arrête là entre les deux œuvres. Au-delà de la dualité assumée, la différence se situe dans l’utilisation de cette violence brute. Si Happy Tree Friends fait surgir subitement l’horreur dans un environnement paisible pour provoquer le rire, ce même décalage entre le fond et la forme dans Unicorn Wars a une finalité bien différente. Sa dualité appuie le propos désespéré du film qui s’enfonce dans une réflexion pessimiste sur l’humanité.

Pour créer cette confrontation entre le mignon et l’effroi, Alberto Vázquez (ab)use d’animaux anthropomorphiques. Mais, contrairement à Disney qui donne des caractéristiques humaines aux animaux pour les rendre plus proches du spectateur, Unicorn Wars s’en sert pour révéler la part d’humanité monstrueuse dans ces oursons assoiffés de sang de licorne.

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Avec leur psychologie adulte complexe et leurs accès de violence, le spectateur est en prise avec les pires instincts de l’humanité dans un miroir forcément dérangeant. Car si les Oursons veulent anéantir les Licornes, ce n’est pas leur nature animale qui les poussent à le faire. La guerre contre les Licornes est bien une construction sociologique désespérément humaine.

Dénaturer

Unicorn Wars reprend à son compte l’angoisse écologique exprimée dans la fable post-apocalyptique Psiconautas en montrant une destruction guerrière de l’environnement. Ce combat entre les Oursons terriblement humains et les Licornes qui conservent une part de mystère hérité de la nature est une allégorie de la relation conflictuelle de l’humanité avec son environnement. Ce film de guerre fantastique est traversé par cette idée volontairement manichéenne d’un combat qui se joue entre deux forces en présence : la civilisation contre la nature.

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Et, sous la surface, ce combat est également celui du féminin contre le masculin. Ainsi les noms des licornes et des animaux de la Forêt magique sont féminins et issus de la Bible (Marie, Judith…) alors que les ours en peluche sont eux nommés selon des adjectifs (Calinou, Mignonnet, Dodu…) caractérisant leur aspect ou comportement.

Fable sur la capacité de l’humanité à détruire la nature dans un élan collectif suicidaire sans précédent dans le règne animal, Unicorn Wars s’en prend également à notre rapport au pouvoir. Notre docilité face aux ordres, qu’ils proviennent d’un gouvernement, de l’armée ou de la religion, plane sur cette épopée guerrière à multiples facettes.

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Feu divin

Dans cet univers mythologique, Unicorn Wars sème les graines d’un monde contemporain que l’on reconnaît aisément. Ce n’est pas un hasard si un représentant du culte des Oursons accompagne l’unité des jeunes soldats. Les références à la Bible – le livre de fiction préféré du cinéaste selon son propre aveu – sont nombreuses. Pour illustrer la religion des oursons, Unicorn Wars plagie l’iconographie médiévale chrétienne avec des images fortes qui justifient et exacerbe la violence envers les Licornes.

Cette obsession pour leur sang, précieux liquide censé être la clé de la beauté éternelle selon le Grand Livre Sacré des Oursons, fait écho à celui versé par le Christ. La guerre des oursons est fortement encouragée par leur croyance religieuse. Un culte dont le fanatisme fait basculer la religion du côté du Mal dans cet univers où chacun doit choisir son camp. Cette influence du culte fait écho à celle du pouvoir de l’armée qui envoie de façon cynique un bataillon sans aucune expérience dans la Forêt Magique où l’attend  un sort forcément funeste.

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Deux frères

Cette question du pouvoir comme outil de contrôle qui plane au-dessus du film n’épargne pas la sphère familiale. Alors que les deux frères Célestin et Dodu semblent être les jouets du destin, l’opposition entre le Bien et le Mal s’immisce également dans leur relation. Un secret de famille lié à leur mère vient ajouter une dimension supplémentaire au pamphlet acerbe du cinéaste.

La cristallisation du violent conflit entre les deux frères vient complexifier le propos du film au risque de faire perdre le fil du récit. Mais cette rivalité fraternelle ajoute des ingrédients essentiels à ce monde qui annonce l’avènement de l’humanité moderne. Première marche vers un désastre inéluctable.

Unicorn Wars © Abano - Autour de minuit - Schmuby - Uniko - UFO Distribution

Envie, jalousie, trahison, manipulation… Sous son vernis faussement mignon, Unicorn Wars explore les failles d’une humanité exaltée par une victoire au goût amer. Un portrait d’autant plus désespéré que la morale est volontairement absente de ce conflit porté par un fanatisme suicidaire. Dans la magnifique Forêt Magique, personne ne vous entendra agoniser.

> Unicorn Wars, réalisé par Alberto Vázquez, Espagne – France, 2022 (1h32)

Unicorn Wars

Date de sortie
28 décembre 2022
Durée
1h32
Réalisé par
Alberto Vázquez
Avec
Jon Goiri, Ramón Barea, Maribel Legarreta
Pays
Espagne - France