« Une belle fin », magnifique quête d’humanité

« Une belle fin », magnifique quête d’humanité

« Une belle fin », magnifique quête d’humanité

« Une belle fin », magnifique quête d’humanité

Au cinéma le

John May a pour mission d’organiser les obsèques de personnes décédées sans aucune famille connue. Alors qu’il apprend son licenciement, la vie de cet employé discret va être bouleversée par un dernier dossier à traiter. Tendre et profondément humain, ce très beau film touche directement au cœur.

Modeste fonctionnaire dans une banlieue de Londres, John May (Eddie Marsan) est passionné par son travail : il recherche les proches de personnes décédées sans lien familial ou amical connu et tente de les convaincre d’assister aux funérailles. Malgré ses enquêtes minutieuses, l’employé est régulièrement le seul présent aux obsèques où, face au prêtre, au rabbin ou à l’imam, il déclame les éloges des disparus qu’il a lui-même rédigés. Considéré comme trop méticuleux – et donc trop lent – par une hiérarchie qui souhaite réduire les coûts des recherches, John apprend que son service va être réorganisé et qu’il est licencié. Avant de quitter définitivement ses fonctions, il se voit confier un dernier dossier qui le touche particulièrement, celui de Billy Stoke, l’un de ses voisins décédé quelques jours plus tôt. Une dernière enquête qui va totalement chambouler la vie de cet homme renfermé et solitaire dont l’existence est consacrée aux défunts oubliés de tous.

Une belle fin

Ce(ux) qui reste(nt)

Avez-vous déjà imaginé vos funérailles ? Inhumation ou incinération, la musique qui sera diffusée, un ultime message posthume à délivrer… Qui sera là pour vous pleurer ? Tous ces détails, John May doit les prendre en charge pour ses « clients » qui ont trépassé loin de leurs proches, en raison d’une brouille familiale ou plus simplement du temps qui passe et sépare peu à peu les individus. Inspiré par un testament, des photos et divers objets en possession du défunt, l’employé s’applique à rédiger les ultimes paroles qui l’accompagneront dans son dernier voyage et tente – toujours en vain – de réunir ses proches.

Le délicat sujet de la mort est ici évoqué de manière frontale mais toujours avec beaucoup de pudeur, ce qui évite au propos de tomber dans le misérabilisme ou un voyeurisme malsain malgré la dureté des situations que rencontre John. La délicate façon de filmer les traces laissées par leurs occupants de ces appartements désormais vides – un creux dans un oreiller, une paire de lunettes désormais inutile… – fait écho au dévouement total de l’employé qui vit pour son travail, au point de conserver chez lui un album photo souvenir avec les portraits des personnes dont il a traité le cas. Le réalisateur Uberto Pasolini aborde avec tact la question du sens d’une existence qui se termine dans la solitude la plus extrême et rend d’autant plus touchant ce fonctionnaire passionné par sa tâche qui tente d’offrir une fin descente à de parfaits inconnus. Son généreux combat pour réunir les proches du défunt pour un dernier adieu, même si l’acte peut paraître purement symbolique, est une démarche d’autant plus émouvante qu’elle est motivée par une profonde humanité, à contre courant de l’évolution d’une société moderne qui a tendance à défaire tout lien social.

Une belle fin

Humans after all

Le très réservé John est attachant car il apparait comme une sorte de super héros sans autre pouvoir que sa bonne volonté, il est le rempart affectif face à un monde qui se déshumanise peu à peu. À force d’en lire, les articles annonçant la découverte du corps d’une personne décédée à son domicile depuis quelques jours, mois, voire parfois des années n’émeuvent plus de la même façon, ces histoires devenues presque banales sont pourtant symptomatiques d’un lien social en pleine déliquescence. Qui peut imaginer qu’une personne puisse cesser d’exister sans qu’aucun proche, aucun voisin et la société elle-même ne s’en rende compte ? Et pourtant…

C’est ce lien perdu que John tente désespérément de renouer entre le défunt et ses proches, même s’il intervient à la toute fin d’une existence. Le cas de Billy Stoke est particulièrement emblématique car il était le voisin de John qui alors découvre avec stupéfaction à quel point cet homme qu’il croisait régulièrement était isolé. Un dossier à traiter d’autant plus symbolique qu’il s’agit de son dernier, John étant poussé vers la sortie en faveur d’un système plus « efficace » qui expédiera les enterrements sans vraiment chercher les proches des disparus, pression économique oblige. Cette dernière mission va permettre à John de sortir de son propre isolement dont il n’a pas vraiment conscience et va radicalement bouleverser sa vie. Habitué aux seconds rôles, Eddie Marsan est excellent dans la peau de cet employé dévoué qu’il joue avec une sobriété particulièrement bouleversante. Impossible de dévoiler la fin de son enquête sans gâcher la surprise mais le dénouement du film est aussi surprenant que réussi. Une belle fin fait honneur à son titre français et s’offre une magnifique conclusion à l’image de son propos, profondément humain.

Œuvre sensible, tendre et émouvante, Une belle fin n’est pas sans rappeler les interrogations métaphysiques et l’ambiance sombre mais raffinée de la sublime série Six Feet Under (2001-2005). Cette invitation à célébrer le lien social et l’empathie ne peut pas se refuser, rendez-vous avec John au cimetière pour un dernier verre.

> Une belle fin (Still Life), réalisé par Uberto Pasolini, Royaume-Uni – Italie, 2013 (1h32)

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