Du théâtre dans votre train-train

Du théâtre dans votre train-train

Du théâtre dans votre train-train

Du théâtre dans votre train-train

13 septembre 2011

La Compagnie des Rails propose, depuis le mois de février, de courts extraits de pièces de théâtre dans les trains de la région parisienne. Leur objectif ultime est de jouer dans les transports en commun du monde entier.

Un jeune homme monte dans le train en sifflotant. Vêtu de son bleu de travail, il astique joyeusement les vitres de la ligne N du Transilien (Paris Saint-Lazare/Saint-Nom-la-Bretèche). A l’autre bout de la rame, un homme paré d’une chemise à fleurs et de lunettes roses démodées l’apostrophe. Ces usagers sont plutôt exceptionnels car ce sont en fait Dom Juan et son valet, Sganarelle. Le spectacle durera quelques minutes avant qu’ils annoncent : « Acte III, scène V, Dom Juan. Merci à Molière et merci à… Nasser. Pour un théâtre qui déraille, la Compagnie des Rails. » Durant un court instant, le duo a réussi à capter l’attention d’une rame plongée dans l’ennui et la routine. Des sourires se dessinent sur les visages. Le chapeau fonctionne particulièrement bien dans ce wagon : environ vingt euros. Alors qu’ils quittent le train, un homme vient leur proposer de faire une représentation pour l’inauguration d’un centre social.

William Fontaine, 23 ans, et Salvador Shams, 28 ans, n’aspirent pas à jouer dans les trains parisiens pour survivre, comme certains le font en mendiant ou en jouant de la guitare. C’est un véritable « projet de vie » qu’ils revendiquent. « J’estime que l’on fait tout sauf la manche. On ne demande pas d’argent pour pouvoir vivre. En revanche, les personnes à qui notre prestation plaît, peuvent nous aider à réaliser notre projet de tour du monde », explique Salvador.

Un projet qui sort du train-train

Les deux comparses se sont rencontrés sur les bancs du Cours Florent, célèbre école d’Art dramatique. Quelques mois après la fin de leur cursus et après s’être essayés à différentes activités (acteur, assistant de metteur en scène, etc.), ils se retrouvent sans engagement. En février 2011, ils montent la Compagnie des Rails sur une idée de Salvador. Ils débutent dans le métro avec un extrait du Médecin malgré de lui de Molière. « La première fois, nous avions un trac énorme. Nous avons vite commencé à douter. Au moment où nous allions abandonner, un photographe professionnel est venu nous proposer de capturer les prestations suivantes. Nous n’avons jamais vu les photos mais il a contribué au démarrage, voire au sauvetage de la Compagnie des Rails », expliquent-ils.

Aujourd’hui, ils jouent à raison de cinq jours par semaine et de quatre heures par jour dans tous les trains parisiens (TER, métro, RER, etc.). S’ils se concentrent toujours sur des textes de Molière (Dom Juan ou le Festin de pierre, Le Médecin malgré lui et L’Avare ou l’École du mensonge), deux autres extraits, respectivement issus de pièces de William Shakespeare et de Bertolt Brecht, sont en préparation.

La compagnie des Rails | Photo Yves Tradoff

En marge de leurs prestations, ils continuent également à se documenter pour trouver de nouveaux extraits à interpréter. « Trouver des scènes dans un format assez court, qui sont adaptables dans un train, n’est pas évident. Cela nous a demandé un grand travail de documentation. Sur toutes les œuvres de Molière, nous avons seulement sélectionné une poignée d’extraits », raconte Salvador. Si l’on ajoute l’apprentissage et la répétition des textes, la mise en scène et la recherche de costumes, le duo estime à trois semaines la préparation d’un extrait de quelques minutes.

Au fur et à mesure de leurs pérégrinations, ces drôles d’usagers commencent à connaître les horaires et les lieux les plus propices pour jouer. Par exemple, dans les trains à destination de banlieues chics, le duo récolte davantage d’argent mais la réaction est plus chaleureuse dans les quartiers populaires. « En général, plus les gens vont au théâtre, moins ils sont surpris par nos performances », déclare William.

Bien qu’ils payent systématiquement leurs titres de transport, ils n’ont pas d’accord avec la SNCF ou la RATP. « Il y a quelques mois, cinq contrôleurs sont rentrés dans le wagon où nous venions d’ouvrir une scène. C’était un moment particulier car ils nous regardaient et nous les regardions sans savoir quoi faire. Finalement, nous avons décidé de continuer, les contrôleurs n’ont pas vérifié les titres de transports et l’un d’entre eux nous a même applaudi à la fin de la scène », raconte Salvador.

Un avenir sur les rails

Avant de se lancer dans un tour du monde, William et Salvador vont progressivement étendre le nombre de villes où ils jouent. A la fin du mois, La Compagnie des Rails va quitter la région parisienne et entreprendre, durant quinze jours, un tour de l’Europe francophone avant de décoller pour Montréal et son métro.

La compagnie des Rails | Photo Yves Tradoff

En 2012, ils souhaitent tenter un tour de l’Afrique francophone. Ensuite, ils devront trouver autre chose afin de convaincre le public pour qui le Français est une langue étrangère. « Nous pourrons jouer du Shakespeare en anglais ou proposer des choses plus corporelles comme du cirque ou du mime », affirme William. S’ils estiment avoir suffisamment de notoriété, ils tenteront également de recruter de nouveaux collaborateurs – notamment une femme pour assurer les personnages féminins – et de trouver des sponsors. Leur tour du monde est donc encore pavé d’inconnues. « Les moyens nécessaires pour faire le tour du globe dépendent de notre statut. En clair, si nous trouvons des sponsors ou si nous faisons ça avec nos propres moyens. Pour partir un an, il nous faut au minimum 20 000 euros », affirme Salvador.

Mais le projet ne s’arrête pas là. Salvador voit l’avenir de la Compagnie des Rails en grand. « Si notre tour du monde se passe bien, il sera évidemment difficile de rentrer pour jouer uniquement dans des trains français. Après, nous pourrons tenter de créer des sortes de franchises avec la Compagnie des Rails, voire de mettre sur pieds une école du Rail. Toutefois, il faudra toujours revenir jouer dans le métro car c’est notre base », conclut-il. À la Compagnie des Rails, les bonnes idées vont bon train.