Comment jouir ? Comment conserver le plaisir sexuel dans son couple ? Je ne jouis pas, quel est mon problème ? Et ces deniers temps, comment maigrir en atteignant l’orgasme ? Un tableau seulement légèrement caricatural des unes des magazines féminins.
Depuis des années, nous vivons selon le culte du plaisir, selon le culte de l’orgasme. « Il y a dix ans, on ne parlait que de performance sexuelle, maintenant, on ne parle plus que d’orgasme », déplore le docteur Philippe Brenot. Un plaisir sexuel basé sur les comportements masculins : pénétration, orgasme. Un duo sommaire que vivent la majorité des hommes lors de leurs rapports sexuels. Oui mais voilà, chez les femmes, « pénétration + orgasme » n’est pas forcément le duo gagnant. Mais elles ont d’autres cordes à leurs arcs du plaisir, n’en déplaisent aux magazines féminins.
Dans son cabinet, Philippe Brenot voit passer des couples, des femmes, des hommes. Beaucoup de femmes qui vivent mal leur sexualité. Et depuis trois ou quatre ans, il observe un phénomène émergeant. « Désormais, certains hommes quittent leur femme parce qu’elle ne jouit pas. Et ça, c’est nouveau ! Mais on parle tellement d’orgasme, il est tellement présent ! » Alors des hommes partent, leur puissance virile étant remise en question et parce qu’ils sont persuadés de ne pas coucher avec la bonne. La réciproque apparaîtra peut-être également, des femmes qui se séparent de leur compagnon parce qu’elles ne jouissent pas avec eux ? Un juste retour de bâton mais pas sûr qu’il faille s’en réjouir. Cela marquerait le signe du renforcement de la position dominante de l’orgasme.
Hommes et femmes inégaux face à l’orgasme
Lors du premier rapport sexuel, et selon les enquêtes menées par Philippe Brenot, 74% des hommes affirment avoir atteint l’orgasme contre 6% chez les femmes. Et pour les rapports qui suivent, 90% des hommes affirment atteindre l’orgasme à chaque fois contre 16% chez les femmes. Hommes et femmes ne sont pas égaux devant l’orgasme. Fallait-il avancer des chiffres pour le confirmer ? Certaines femmes seraient mêmes anorgasmiques et ont peu de chance de le connaître un jour.
« La sexualité a été codifiée dans le sens de la domination masculine. Dans toutes les sociétés, il y a une chose qui est subversive, c’est la libre sexualité féminine. Si une femme peut être conquise par d’autres hommes, si elle est libre, les hommes ne sont alors plus sûrs des progénitures engendrées avec cette femme. Alors ils les dominent. D’un côté, ils interdisent leur accès à d’autres hommes, de l’autre interdisent la jouissance féminine pour que les femmes n’aient pas envie d’être libre sexuellement. » Dans les sociétés les moins violentes, saper la sexualité des femmes passe par la non éducation des filles. Sans cette éducation, difficile d’atteindre l’orgasme.
Les garçons bien plus éduqués au sexe que les filles
Nos grands frères ont tous cachés au fond d’un placard des magazines porno qu’ils se passaient sous le manteau, ou ont débusqué très vite la cassette VHS coquine des parents planquée sous le lit. Et eux n’ont jamais eu mauvaise conscience à se tripoter. Et ils avaient bien raison ! « La sexualité est une construction sociale et un apprentissage. Il n’y a pas d’instinct sexuel mais il y a un apprentissage qui doit se faire avec soi-même. Pour les hommes comme pour les femmes. Lorsqu’un homme n’a pas appris la sexualité, elle ne marche pas. Mais dans le cas des hommes, la majorité l’a apprise. »
Un apprentissage long qui doit commencer jeune. Pas question d’inciter une fillette à connaître son corps, non. Mais si elle est surprise se touchant, Philippe Brenot conseille : « Il faut lui expliquer que c’est très bien mais que cela est secret et qu’il vaut mieux le faire dans sa chambre. » Se connaître, connaître son sexe, se masturber fréquemment dès l’enfance, offrent de bonnes chances à un homme ou une femme d’avoir une sexualité épanouie à l’âge adulte.
Donc, lors de rapports sexuels dans un couple hétérosexuel, l’homme aura beau s’agiter comme un beau diable, dans la plupart des cas, l’orgasme féminin ne dépendra que d’elle, et ce en dépit de l’énergie dépensée.
L’orgasme d’une femme dépend d’elle seule
« Spontanément on pense qu’une femme ne jouit pas parce qu’elle n’a pas trouvé le bon, parce qu’il n’est pas fait pour elle. Parce qu’il n’est pas un bon amant. Mais on sait que ça n’a rien à voir. Certaines femmes sont épanouies quelque soit le partenaire. » C’est vrai qu’on a tendance à penser que chaque pot à son couvercle, que deux amants doivent se correspondre pour atteindre le plaisir orgasmique. En prime, si l’homme est bon amant, s’il sait y faire et a de l’expérience et du savoir-faire alors il saura trouver ce fameux point G qui fait tant parler de lui. Il trouvera le bouton de déclenchement de l’orgasme. Mais non, cela dépend de la femme et pas des capacités de l’homme. En fait chaque pot est son propre couvercle.
Un peu naïvement sans doute, nous pensions qu’une femme très indépendante atteignait plus facilement l’orgasme. « Non ça n’a rien à voir avec ça. Une femme très indépendante qui connaît des difficultés à éprouver l’orgasme, va multiplier les partenaires sexuels jusqu’à trouver le bon, mais, encore une fois, il n’y a pas de bon partenaire. C’est elle seule qui détient les clés. » Et dans l’autre sens, une femme dominée par son partenaire pourra être tout à fait épanouie sexuellement.
Les femmes : de nombreux plaisirs sexuels
Orgasme : « Point culminant du plaisir sexuel », nous dit le Petit Larousse. Une définition sommaire. Ajoutons que s’il est le point culminant, il existe de nombreux autres pics dans le plaisir féminin.
Le docteur Brenot ne veut surtout pas sombrer dans la fatalité. « Certaines femmes n’ont pas d’orgasmes et ont beaucoup de plaisir lors des rapports sexuels, lors de la pénétration ». Il insiste également sur le fait que les femmes sont sensibles et éprouvent du plaisir lors des caresses, des massages et à l’occasion de bien d’autres stimulations. Et dans ce domaine, les femmes ne font d’ailleurs pas jeu égal avec les hommes, on se souvient du duo pénétration orgasme, pas très inventif et très mécanique.
En attendant la fin de cette dictature de l’orgasme, Philippe Brenot ne cache pas que pour lui la simulation est une belle parade. Sur les 3404 femmes interrogées, 53 % y ont déjà eu recours. « Si une femme sait qu’elle n’atteindra pas l’orgasme, et qu’elle veut mettre un terme à un rapport sexuel, elle a tout à fait raison de simuler ! » Mais cela reste une simple parade. Ne peut-on pas imaginer que les femmes puissent définitivement s’affranchir du terrorisme de l’orgasme masculin ? « Ça ne sera pas possible tant que la sexualité sera tabou en France et qu’on n’éduquera pas à la sexualité. Rendez-vous compte, même durant mes longes années d’études, je n’ai jamais eu une heure de cours consacrée à la sexualité ! » Il faudra donc simuler encore un petit peu…
> Philippe Brenot, Les Femmes, le sexe et l’amour, éd. les Arène, 2012, avec l’Observatoire international du couple dont Philippe Brenot est président.