« Sky Dome 2123 », arborescence programmée

« Sky Dome 2123 », arborescence programmée

« Sky Dome 2123 », arborescence programmée

« Sky Dome 2123 », arborescence programmée

Au cinéma le 24 avril 2024

En 2123, l'humanité est obligée de sacrifier une partie de la population pour survivre sur une Terre désertique. Pour éviter que sa femme Nora subisse ce sort funeste, Stefan prend des risques inconsidérés pour défier le système. Dystopie rattrapée par l'effondrement écologique en cours, Sky Dome 2123 évoque, non sans ironie, le dilemme d'une humanité tentant de subsister dans l'enfer qu'elle a créé. Un questionnement écolo-poétique d'une grande actualité porté par un procédé d'animation mixte assez perturbant.

En 2123, les habitants de Bucarest vivent sous une bulle géante pour se protéger de la sécheresse qui a ravagé la planète. Dans cette société post-apocalyptique repliée sur elle-même, tout citoyen de plus de 50 ans doit se sacrifier pour devenir un arbre. Une mutation imposée sans laquelle le reste de la population ne pourrait survivre dans cet environnement hostile.

Lorsque Nóra (Zsófia Szamosi) se retrouve condamnée prématurément par le système, son mari Stefan (Tamás Keresztes) refuse qu’elle subisse la mutation sacrificielle. Il part à sa recherche et découvre les arcanes d’un système que personne ne remet en cause. En prenant de grands risques, Stefan s’apprête à changer leur destin et potentiellement celui de l’humanité entière.

Sky Dome 2123 © SALTO FILMS, ARTIHCOKE, MŰANYAG ÉGBOLT LTD, RTVS RADIO AND TELEVISION SLOVAKI, KMBO

Déjà 2123

Le premier long métrage de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó ne manque pas d’ironie en imaginant les humains devant devenir des arbres. Pour ne pas avoir su protéger l’écosystème indispensable à leur survie, les inconscients doivent à présent s’y substituer en devenant des arbres mutants. Un châtiment assez cruel mais bien mérité.

Au-delà du scénario, l’ironie provient également du rapport entre le propos du film et l’effondrement écologique en cours. Tout au long des sept ans nécessaires à la production de cette fiction animée, la situation de cette dystopie devenait de plus en plus concrète. Si cent ans peut paraître court pour arriver à une telle apocalypse, cet enfer semble de moins en moins improbable. L’évolution de la science, condition de la survie humaine récurrente dans la science-fiction, est évidemment exagérée mais l’effondrement écologique décrit est terriblement crédible.

Sky dome 2123 © SALTO FILMS, ARTIHCOKE, MŰANYAG ÉGBOLT LTD, RTVS RADIO AND TELEVISION SLOVAKI, KMBO

Se faire planter

Pour se protéger de la désertification qu’elle a engendrée, la population s’abrite sous un dôme. Un confinement de la population qui n’est pas sans rappeler celui d’un simple virus ayant mis le monde entier sur pause pendant des mois. Si le récit d’une humanité repliée sur elle-même est assez commun dans le genre, Sky Dome 2123 impose un dilemme intéressant.

En obligeant les hommes et femmes à se sacrifier à partir de 50 ans, le film d’animation pose la question du rôle de l’individu dans la société.  La responsabilité personnelle dans la survie de l’humanité est au cœur de ce système. Le procédé scientifique synthétisant des arbres hybrides à partir d’humains est un revers cruel pour ceux qui n’ont pas su vivre en symbiose avec la nature.

Sky Dome 2123 survole un peu ce thème du sacrifice que chaque citoyen semble accepter pour le bien de l’humanité. Stefan est étonnamment seul dans sa révolte contre le système. Et encore, il est motivé par une raison très personnelle : préserver celle qu’il aime. Ce système de soumission pour le bien commun possède des ressorts qui restent assez obscurs alors que le récit accompagne rapidement la mission sauvetage de Stefan.

Sky dome 2123 © SALTO FILMS, ARTIHCOKE, MŰANYAG ÉGBOLT LTD, RTVS RADIO AND TELEVISION SLOVAKI, KMBO

Rétro roto

À mi-chemin entre prises de vues réelles et animation, Sky Dome 2123 utilise la méthode assez rare à l’écran de la rotoscopie. Une technique utilisée notamment dans Le congrès (2013) d’Ari Folman. Un film en partie animé en avance sur les débats qu’agite l’intelligence artificielle à Hollywood. Pour que le jeu des personnages soit le plus naturel possible, de vrais acteurs les incarnent. Le principe de rotoscopie consiste ensuite à dessiner par-dessus les acteurs pour en faire des versions animées.

À l’écran, cette technique offre des personnages aux contours d’autant plus mouvants que la méthode utilisée n’est ici pas digitale mais réalisée à la main par des artistes. Les personnages animés évoluent par contre dans un environnement qui est lui en 3D. Les objets et les décors de ce monde post-apocalyptique possèdent des textures volontairement très réalistes.

Cette juxtaposition des deux types d’animation peut être assez déroutante. Le regard est en effet alternativement attiré par l’animation fluctuante des personnages en rotoscopie 2D et ces décors statiques très réalistes en 3D qui offrent une véritable profondeur de champ. Cette dichotomie visuelle se retrouve aussi dans le récit : entre la mission d’un couple et le fonctionnement de tout un système qui reste un peu en retrait.

Sky dome 2123 © SALTO FILMS, ARTIHCOKE, MŰANYAG ÉGBOLT LTD, RTVS RADIO AND TELEVISION SLOVAKI, KMBO

Compost d’humains

Avec la solution radicale d’un compost d’individus végétalisés pour permettre aux autres de vivre, l’humain est remis à sa place. La méthode n’est pas sans rappeler le destin terrifiant de la population dans Soleil vert (1973) de Richard Fleischer. Dans ce système, il n’y a pas de héros. La croisade de Stefan pour sauver Nóra est motivée par un sentiment purement égoïste.

Il ne cherche pas à renverser le système mais à épargner celle qu’il aime. Leur quête les mènera d’ailleurs à reconsidérer cette mission de sauvetage et leur place dans un récit qui les dépasse. Après tout, quelle valeur a leur vie face à la survie de l’humanité ? Mais l’espèce humaine mérite-t-elle un tel sacrifice ?

De l’intimité d’un couple à la question existentielle ultime, Sky Dome 2123 joue avec ces contradictions entre psychologie individuelle et existentialisme universel. En laissant la question en suspens, cette dystopie invite le spectateur à choisir une option. Elle nous confronte surtout à notre responsabilité face à un emballement climatique désormais irrémédiable, prémisse d’un effondrement menaçant l’humanité d’un confinement d’une ampleur inédite.

Sky dome 2123 © SALTO FILMS, ARTIHCOKE, MŰANYAG ÉGBOLT LTD, RTVS RADIO AND TELEVISION SLOVAKI, KMBO

Malgré une animation mixte pouvant être perturbante, Sky Dome 2123 plante les graines d’une réflexion intéressante sur notre incapacité à enrayer un désastre annoncé. En parfait écho avec l’actualité, cette projection post-apocalyptique est parcourue d’une ironie qui invite à se demander quels sacrifices l’humanité peut tolérer pour assurer sa survie.

> Sky dome 2123 (White Plastic Sky), réalisé par Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó, Hongrie – Slovaquie, 2023 (1h52)

Sky dome 2123 (White plastic sky)

Date de sortie
24 avril 2024
Durée
1h52
Réalisé par
Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó
Avec
Tamás Keresztes, Zsófia Szamosi, Géza Hegedüs D., Judit Schell, István Znamenák, Zsolt Nagy, Márton Patkós, Renátó Olasz
Pays
Hongrie - Slovaquie