À seulement 17 ans, Sofia (Ayomi Domenica) se démarque au sein d’une équipe de volleyball qui joue la carte de l’inclusivité. Si elle maintient son niveau, elle pourrait être sélectionnée pour quitter le Brésil et jouer toute une saison au Chili. Mais, pour saisir cette opportunité unique, le championnat qui s’annonce est décisif.
Mais à la veille d’un match primordial, Sofia apprend qu’elle est enceinte. Piégée par la législation du Brésil, elle envisage de se faire avorter illégalement. Elle se retrouve alors face à un groupe religieux fondamentaliste bien décidé à l’en empêcher à tout prix. Sofia aura bien besoin du soutien de son père et de son groupe d’ami.e.s pour résister face à la pression.
Un autre monde
Parcouru par un souffle de liberté vivifiant, Levante est à l’image de son titre : une invitation à se révolter contre l’injustice d’un État s’immisçant dans l’intimité des femmes. Le poids du bolsonarisme pèse évidemment sur ce premier long métrage de la réalisatrice Lillah Halla qui est une réaction épidermique à son intolérance. Pourtant, personne ne porte l’étiquette de victime dans Levante.
Dans ce film de combat, la cinéaste capte parfaitement l’incompréhension et la stupeur face à un pouvoir voulant contrôler les corps des femmes sous couvert d’un dogme religieux imposé à la population entière. Une pression propre aux populistes une fois arrivés au pouvoir que Sofia et ses proches affrontent frontalement. Déterminée, Sofia ne peut s’avouer vaincue car capituler et subir n’est pas une option. Et cette rébellion contamine tout le film.
Grand ensemble
Cette résistance épidermique donne au film une énergie salvatrice face à un système d’une grande dureté. Malgré les intimidations et les menaces, Sofia avance avec une détermination contagieuse qui offre au film sa vitalité. Une force que la cinéaste a puisée au sein d’une équipe constituée d’acteurs professionnels et d’amateurs. Chacun a ainsi apporté sa pierre à l’édifice pour ce projet dont l’écriture a duré six ans mais s’est concrétisé avec une bonne part d’improvisation.
Tournant le dos à l’idée de l’héroïne qui arrive à vaincre seule le monde entier, Levante met le collectif au cœur du récit. Sa coach de volleyball Sol (Grace Passô), son père qui l’élève seule ou encore sa très bonne amie Bel (Loro Bardot), Sofia peut compter sur ses proches pour tenter de contourner le système. Pour la cinéaste, la victoire ne peut être que collective. Et la question du droit à l’avortement est au centre d’autres histoires parallèles tout aussi significatrices.
Ainsi João (Rômulo Braga) le père de Sofia est apiculteur. Il incarne par son métier la menace non explicitée de la destruction de la nature par le gouvernement brésilien. Tandis que sa situation de père élevant seul sa fille invite à redéfinir la parentalité. De façon plus générale, la relation maternelle de Sofia avec sa coach et le soutien de l’équipe célèbre l’idée d’une famille que l’on se crée au-delà des liens de sang. Une vision du pays bien éloignée d’un bolsonarisme imposé aux esprits et aux corps qui fait de la situation de Sofia une question purement politique, au-delà de toute considération personnelle.
L’inclusion tranquille
Levante est parcouru par le parallèle qui s’impose entre l’équipe de volleyball et la société brésilienne toute entière. Après tout, les deux ne fonctionnent-ils pas avec des règles d’organisation collective ? L’équipe s’entraîne pour gagner un match et possède un objectif remis en cause lorsqu’une des joueuses est empêchée. Reniant cet aspect de solidarité, la société expose alors ses failles.
Captant parfaitement le cauchemar démocratique que représente l’arrivée au pouvoir d’un populiste, Levante met en scène un État qui ne propose aucune perspective d’avenir à toute une partie de la population, exclue de fait de son projet politique. Antidote à ce pouvoir renfermé sur ses idées conservatrices, Levante contrebalance son intolérance avec l’affichage « normal » d’une société inclusive.
Si les corps nus sous les douches exposent leur diversité à la caméra, leur présence n’est pas un sujet de débat. Pas plus que le rapprochement physique entre Sofia et sa meilleure amie Bel. La reconnaissance de la communauté LGBTQIA+ dans toute sa diversité s’impose ici naturellement, sans esclandre ni revendications. Dans cette ambiance de tolérance évidente où personne n’est jugé pour son genre réel ou supposé, la pression de l’État que subit Sofia apparaît en comparaison d’autant plus brutale et intolérable.
Contre-feu à un Brésil miné par le populisme, Levante s’élève avec une énergie communicative contre la pression d’un pouvoir voulant imposer une vision religieuse rétrograde à l’ensemble de la population. Si Bolsonaro a depuis quitté le pouvoir, le film de Lillah Halla est un témoignage de l’impact de son passage sur le pays. Une cicatrice qui agit comme une mise en garde et rétrospectivement un message d’espoir. En démocratie comme au volleyball, chaque victoire peut-être remise en cause.
> Levante, réalisé par Lillah Halla, Brésil – France – Uruguay, 2023 (1h39)