12- Guilty of Romance – Sono Sion (Japon)
Ce film pourrait se résumer en un mot : hystérique. Et il serait autrement plus délicat de le résumer en un trentaine de mots, tant il part dans tous les sens et verse dans le n’importe quoi total. Oeuvre sensuelle et sexuelle, Guilty of Romance a été présenté en dehors du Japon dans une version raccourcie (les scènes avec la femme flic ont été réduites à une portion congrue), du coup, on a l’impression de ne pas disposer de toutes les clefs nécessaires pour trouver une réponse à toutes nos questions. Il n’empêche que ce film déjanté est l’un des meilleurs coups de l’année. L’un des plus mémorables, en tout cas.
11- De rouille et d’os de Jacques Audiard (France)
Marion Cotillard s’en est pris – injustement, puisqu’il ne faut pas oublier que c’est Christopher Nolan qui était derrière la caméra et le banc de montage – plein la tronche cette année pour sa prestation dans The Dark Knight Rises. Il ne faudrait pas pour autant oublier qu’elle livre dans De rouille et d’os la meilleure performance de sa carrière. Certains des haters les plus acharnés veulent bien le reconnaître. Avec Matthias Schoenaerts, LA révélation masculine de l’année, elle compose un couple bancal mais complémentaire. Elle, en ex-dresseuse d’orque amputée des deux jambes. Lui, en père imparfait et boxeur redoutable, souvent dépassé par les événements. Tous deux cabossés par la vie. Pour une fois, Jacques Audiard, laisse une émotion sincère s’échapper d’une mise en scène trempée dans le vernis de la perfection.
10- Bellflower – Evan Glodell (Etats-Unis)
Réalisé avec un mini-budget, Bellflower rend hommage à Mad Max tout en décrivant une rupture amoureuse comme une apocalypse. Un programme original et enthousiasmant qui empêche le film de se résumer à un exercice de style arty avec ses couleurs saturées, ses images salies, ses flous délibérés.
9- La Taupe – Tomas Alfredson (Grande-Bretagne)
James Bond, avec Skyfall, trône à la première place du box office français de 2012, mais c’est à un autre agent secret que ce top rend hommage. A savoir George Smiley, héros né sous la plume de John Le Carré et qui, en pleine Guerre Froide, s’échine à découvrir l’identité de la taupe qui sabote le travail du MI6. Le film de Tomas Alfredson pâtit, il faut bien le reconnaître, de son intrigue inutilement embrouillée (alors qu’au final, elle n’est pas si complexe que ça), mais il baigne dans une atmosphère de paranoïa et de mélancolie et ne s’interdit pas la langueur. Un parti-pris courageux.
8- Argo – Ben Affleck (Etats-Unis)
Il aura fallu attendre son troisième film pour que Ben Affleck gagne vraiment ses galons de réalisateurs. Ses deux précédents, Gone Baby Gone et The Town, avaient été remarqués mais celui-ci qui a véritablement suscité un enthousiasme sans bornes. L’histoire – incroyable mais vraie – de faux tournage de film de science fiction destiné à tromper les autorités iraniennes pour exfiltrer des Américains en danger à Téhéran, est extraordinaire. Encore fallait-il la porter à l’écran sans la gâcher. Affleck se montre autant à l’aise dans les scènes de reconstitution historique, que dans le registre comique, et il parvient à créer un suspense éprouvant. Ce qui est une gageure étant donné que l’on n’ignore pas que la mission s’est bien terminée.
7- Holy Motors – Leos Carax (France)
Injustement reparti bredouille de Cannes, le film de Leos Carax aura échappé à la malédiction dont on dit frappé son auteur. Si Holy Motors est davantage un succès critique que public, il a bénéficié d’une belle exposition médiatique. Le film n’est pas à proprement parler grand public, pourtant, il s’adresse au spectre le plus large de spectateurs. Placé sous le signe du "What the fuck" permanent, il s’agit d’un grand film sur le cinéma, l’amour du 7e art et le métier d’acteur. Porté de bout en bout par un Denis Lavant génial, ce long métrage, constamment inattendu (on ne peut anticiper la teneur de la séquence suivante), ne se refuse aucune folie.
6- A perdre la raison – Joachim Lafosse (Belgique)
En s’inspirant d’un faits divers qui a bouleversé la Belgique il y a quelques années, Joachim Lafosse dépasse la plate illustration de son matériau tragique pour nouer des rapports de domination et soumission entre ses trois principaux protagonistes. Il enferre le spectateur dans une spirale dramatique, qui débouche sur l’horreur, sans lui laisser de répit. On n’ignorait rien du talent d’Emilie Dequenne, mais sa prestation dans ce film confine au sublime. Si on ressort chancelant de la salle, c’est parce qu’elle réussit à nous remuer, nous secouer, nous chambouler.
5- Kill List – Ben Wheatley (Grande-Bretagne)
Kill List est le second film de Ben Wheatley, mais le premier à sortir en France (Down Terrace, réalisé en 2009, est toujours inédit chez nous) et il révèle un réalisateur avec lequel il faudra sans doute compter à l’avenir. Si le pitch n’a, a priori, rien de révolutionnaire (des tueurs à gages se voient confier une mission dont ils ignorent les tenants et les aboutissants), ce long métrage gère parfaitement les ruptures de ton inattendues, passant du film social à l’anglaise au thriller glauque, puis à l’horreur. Voir ces codes maîtrisés à la perfection pour être mieux détournés donne des envies de standing ovation. Le nouveau film de Wheatley, Touristes, sort sur les écrans français le 26 décembre, on en parlera ici-même la semaine prochaine.
4- Twixt – Francis Ford Coppola (Etats-Unis)
Francis Ford Coppola a récemment confié sa volonté de s’atteler à nouveau à de gros barnums, mais il a démontré que ses projets modestes sont loin de faire dans l’anecdotique. Avec Twixt, il exploite parfaitement le format numérique (la photo est à tomber) et s’amuse à perdre son personnage principal, un écrivain en panne d’inspiration, en même temps que le spectateur, dans une étrange bourgade où la réalité et les rêves sont extrêmement perméables. Un film sur le deuil, au charme vénéneux.
3- L’Odyssée de Pi – Ang Lee (Etats
-Unis)
Ang Lee adapte un roman réputé inadaptable, une fable sur la foi, l’espoir et le pouvoir de l’imagination. Un gros morceau de cinéma qui se regarde les yeux écarquillés, sous des lunettes 3D (la meilleure utilisation de la 3D depuis Avatar).
2- Killer Joe – William Friedkin (Etats-Unis)
William Friedkin, 77 ans, n’a, tout comme Coppola, plus rien à prouver, mais, avec Killer Joe, il confirme qu’il continue de prendre son pied en faisant du cinéma. Assurément cartoonesque, ce film contient l’une des scènes les plus perturbantes de l’année. Le final paroxystique s’impose comme un feu d’artifices à cette oeuvre qui s’ingénie à envelopper cynisme, cruauté et éclairs de violence dans un grand voile de malice.
1- Laurence Anyways – Xavier Dolan (Canada/France)
Xavier Dolan agace ou emballe, mais ne laisse jamais le public tiède. Les uns lui reprochent exactement ce que les autres applaudissent : ses exubérances et sa capacité à assumer pleinement chaque excès maniériste. Laurence Anyways est un film aussi généreux qu’ambitieux ; une oeuvre qui met deux heures et demi à dérouler son histoire qui couvre deux décennies. Le troisième long du Québécois est un sublime mélo qui, s’il évoque la transsexualité, scrute avant tout une relation amoureuse en posant cette question : "Peut-on aimer quelqu’un inconditionnellement ?".