En cas de catastrophe majeure, nous pourrions bien devoir notre salut aux pigeons. C’est en tout cas ce qu’estime le député UMP Jean-Pierre Decool, qui a alerté le gouvernement, la semaine dernière, sur le fait que la France ne dispose plus que d’un seul colombier militaire : il se situe à la forteresse du Mont-Valérien, près de Paris. « En l’état actuel de nos infrastructures, la capacité de communication de l’armée française serait-elle bien assurée en cas de conflit armé, et plus particulièrement en cas de rupture des liaisons téléphoniques, radios, informatiques, et même électriques ? », a écrit le député de Flandres au ministère de la Défense. Ce dernier, dans sa réponse tout aussi sérieuse, a d’ailleurs reconnu « l’intérêt certain » du pigeon voyageur en matière de transmissions militaires, la preuve en a été faite dans plusieurs épisodes de l’Histoire.
Non, le pigeon n’est pas si sale
Oui, dans certaines situations, le pigeon, cette bête à plume mal-aimée des urbains, pourrait s’avérer bien plus utile qu’un smartphone. Alors bien sûr, il reste interdit de nourrir le pigeon sur la voie publique, conformément à l’article 120 des règlements sanitaires départementaux ; et depuis plusieurs années, la mairie de Paris a installé des pigeonniers contraceptifs à plusieurs endroits de la ville pour contrôler sa reproduction. Mais l’oiseau le plus détesté des Parisiens a peut-être plus d’un tour dans son aile et cherche, via ses défenseurs, à changer son image.
Dernièrement, Jean-Pierre Decool n’a pas été le seul à défendre le pigeon : la mairie de Paris s’est fait récemment l’écho de Natureparif, qui a publié Le pigeon en ville. Avec ce guide, l’agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France s’est lancée dans la lourde mission de réconcilier les pro et anti pigeon. On y apprend notamment que les pigeons ne sont « que » 80 000 dans la capitale, et que, contrairement à l’idée reçue, les risques sanitaires liés au pigeon sont donc extrêmement faibles : depuis les cinquante dernières années, « 230 cas d’infections humaines recensées étaient potentiellement liées au pigeon, mais seules treize d’entre elles ont eu une issue fatale sur cette période », indique Natureparif.
Des pigeonniers design pour décorer Paris
La réhabilitation du pigeon dans la ville pourrait venir du mobilier urbain. Le designer Jean-Sébastien Poncet a présenté, en juin dernier au salon Jardins jardin son projet de Guano de Paris. Il s’agit d’un pigeonnier au design très étudié pour se fondre dans la ville ou les jardins des particuliers, mais également pour récupérer la fiente des pigeons et la transformer en compost. Celui-ci pourra ensuite être utilisé pour les espaces verts.
« Je suis d’origine paysanne et j’aime apporter des comportements agricoles en milieu urbain. Et puis historiquement, le pigeonnier est un objet patrimonial, qui symbolisait jadis la puissance d’une ferme », explique Jean-Sébastien Poncet. « Cette idée m’est venue après un voyage en Turquie, où les habitants de la Cappadoce récupèrent la fiente de pigeons dans les troglodytes pour s’en servir comme engrais », poursuit-il.
Comme les pigeonniers mis en place à Paris, le projet du designer vise à fixer une population de pigeon dans les parcs et d’en contrôler la santé et les reproduction. Les boulins (ouvertures permettant aux pigeons de s’accoupler) sont accrochés à une structure métallique porteuse de trois mètres de haut, qui n’est pas fermée et n’a pas de plancher « donc ne nécessite pas d’entretien ». La fiente doit juste être récupérée au dessous du pigeonnier, pour être transformée en compost. Lavoisier avait raison : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Même la réputation des pigeons.