« Le Petit Prince », malicieuse mise en abyme

« Le Petit Prince », malicieuse mise en abyme

« Le Petit Prince », malicieuse mise en abyme

« Le Petit Prince », malicieuse mise en abyme

Au cinéma le

La vie très organisée d’une jeune fille va être chamboulée par son voisin, un vieil aviateur farfelu qui lui dévoile sa rencontre avec un petit prince venu d’une autre planète. Mark Osborne réussit une charmante mise en abyme du chef-d’œuvre intemporel signé Antoine de Saint-Exupéry.

C’est l’histoire d’une jeune fille, intrépide et curieuse, qui doit réviser tout l’été pour parvenir à intégrer la prestigieuse école de ses rêves à la rentrée. Dans le programme très strict imposé par sa mère, l’élève studieuse n’a pas le temps pour des activités récréatives et encore moins pour se faire des amis. Poussée par la curiosité, la jeune fille délaisse pourtant ses livres pour faire la connaissance de son intriguant voisin, un vieil aviateur excentrique et facétieux qui a su garder son âme d’enfant. Le vieil homme va lui raconter une histoire incroyable : sa rencontre avec un jeune garçon sorti de nulle part alors qu’il était perdu en plein désert, un mystérieux petit prince venu d’une autre planète.

Le Petit Prince © 2015 Onyx Films - Orange Studio - On Entertainment

Un univers à part

Livre pour enfants écrit à l’intention des grandes personnes selon la définition même de son auteur, Le Petit Prince est une œuvre à la fois simple et d’une richesse incroyable. Autant conte merveilleux que récit philosophique, ce texte court au succès mondial offre des niveaux de lectures variés et permet à chaque lecteur de créer un lien très personnel avec cette œuvre fantastique. Il faut bien le reconnaître, l’imaginaire et l’affect liés à ce livre de Saint-Exupéry en font une œuvre quasiment impossible à adapter sans décevoir les espoirs des lecteurs. Une difficulté d’autant plus grande que le livre est connu pour être illustré par l’auteur lui-même, des aquarelles originales qui confèrent au conte un univers visuel unique, venant renforcer la poésie du texte.

Et pourtant les adaptations ne manquent pas et le cinéma s’est rapidement intéressé à ce livre. Dès 1943 – l’année de parution du récit aux Etats-Unis, Orson Welles a soumis à Walt Disney un script pour Le Petit Prince, proposant un film mélangeant prises de vues réelles et animation. Cette première tentative ne verra jamais le jour. L’adaptation la plus connue reste celle de Stanley Donen, le réalisateur de Chantons sous la pluie (1952), qui a pris le risque en 1974 de tourner avec des acteurs en chair et en os et surtout d’en faire une comédie musicale. Si certains effets spéciaux ont vieilli et des chansons sont moins réussies que d’autres, la prestation du chorégraphe Bob Fosse dans le rôle du serpent reste mémorable. Elle a d’ailleurs fortement inspiré à l’époque les pas de danse d’un jeune artiste nommé… Michael Jackson. Dans cette nouvelle adaptation animée, la question du respect des illustrations originales est évidemment posée, et le résultat est plutôt bluffant.

Le Petit Prince © 2015 Onyx Films - Orange Studio - On Entertainment

Apprivoiser le classique

Cette version du livre de Saint-Exupéry par Mark Osborne, coréalisateur de Kung Fu Panda (2008), est celle d’une histoire dans l’histoire. Celle d’une jeune fille qui sympathise avec son vieux voisin, ancien aviateur, qui lui raconte son étrange rencontre avec un jeune garçon en plein désert des années auparavant. Si les événements se déroulant dans le présent sont réalisés avec des images de synthèse 3D qui n’ont rien à envier aux meilleurs Pixar, les flashbacks relatant l’histoire du Petit Prince sont eux réalisés en stop motion. Un choix intelligent qui permet de ne pas trop dénaturer l’esprit des aquarelles originales de l’auteur. On retrouve d’ailleurs certaines d’entre elles reproduites à l’identique à travers les dessins de l’aviateur, avatar fantasmé de Saint-Exupéry. L’histoire du Petit Prince est en partie simplifiée mais ces scènes sont particulièrement réussies et s’intègrent tout naturellement dans le récit. L’histoire de la jeune fille et celle de l’aviateur se développent en parallèle sur le même thème de l’enfance, un habile jeu de miroir qui donne de la cohérence à l’ensemble. Sur ce point la jeune élève studieuse qui a hâte de rentrer dans le monde des adultes a autant besoin de la leçon du petit prince que l’aviateur perdu dans le désert. La métaphore se poursuit d’ailleurs dans la dernière partie du film où la jeune fille va croiser dans le monde actuel des personnages qui rappellent ceux rencontrés par le petit prince dans le conte. Ce final déstabilise un peu car il met en scène le petit prince devenu adulte, se détachant de la fin du livre et cassant ainsi un peu la magie du récit original. Mais ces séquences oniriques sont également l’occasion pour l’héroïne de s’approprier, comme des millions de lecteurs avant elle, l’histoire du Petit Prince. Il serait d’ailleurs assez paradoxal de condamner le film pour un excès d’imagination. Le garçon venu des étoiles ne nous invite-t-il pas au contraire à voir le mouton enfermé dans sa boite ?

Œuvre sensible, à la fois pour son message et l’affection que chaque lecteur peut lui porter, Le Petit Prince est l’archétype du livre impossible à adapter. Ce qui ne signifie pas qu’il est interdit de le faire, bien au contraire. En choisissant une mise en abyme du conte de Saint-Exupéry principalement axé sur le refus d’un monde adulte trop sérieux, Mark Osborne propose une lecture – évidemment – incomplète du conte mais respectueuse de son esprit, liée à une relecture plutôt convaincante. Un voyage au charme visuel indéniable qui pourrait bien vous émouvoir, car comme l’a si bien écrit le créateur du garçon vivant sur l’astéroïde B 612 : on risque de pleurer un peu si l’on s’est laissé apprivoiser.

Le Petit Prince (The Little Prince), réalisé par Mark Osborne, France – Canada, 2015 (1h48)

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