Touriste ou Parisien, on a tous au moins une fois connu cette situation critique dans la capitale : une envie pressante qui semble impossible à soulager, entre les brasseries dont les toilettes sont réservées aux clients munis d'un jeton, et les sanitaires publiques parfois hors de portée de vue.
Dans les rues de Paris, les premiers lieux d'aisance font leur apparition avec l'industrialisation et le développement de la médecine, à la fin du XVIIIe siècle. Ce sont d'abord des barils d'aisance qui sont mis en place, puis vers 1770 les colonnes Rambuteau, portant le nom d'un préfet. Il plante sur les trottoirs des grands boulevards ces urinoirs ayant le double-emploi de panneaux d'affichages. A cette époque, et pendant encore deux siècles, uriner en ville est donc réservé aux hommes – à croire que les femmes ne soulagent leur vessie que dans le cadre confiné du domicile ?
En 1934, les Vespasiennes – empruntant le nom de l'empereur Vespasien passionné qui fit installer des urinoirs à Rome – prennent leurs quartiers dans les parcs et sur les trottoirs. Au début du XXe siècle, on en compte déjà 1.000. Mais la vespasienne sera rattrapée par… la morale. Montrée du doigt, comme un lieu rendez-vous homosexuel et de prostitution, elle disparaitra au milieu du XXe siècle.
Dans les années 1950 et 1960, il faut descendre sous terre pour uriner. La ville met en place des toilettes payantes dans les stations de métro ou les gares. Mais les systèmes de paiement à pièces sont sans cesse détruits, par des malotrus plus intéressés par la monnaie que la pause pipi.
Dans les années 1980, un vent de révolution souffle (enfin) dans les sanitaires publics : le professionnel de l'affichage JC Decaux invente… les toilettes publiques mixtes ! Mais toujours payantes. En 2001, une association de défense des sans-abris dénoncera d'ailleurs ce manque d'accès à l'hygiène des SDF.
De plus, comme le note le professeur d'urbanisme Julien Damon dans une étude en 2009, les sanisettes ne sont "pas suffisamment fréquentées, pour cause d’absence de monnaie pour régler le droit d’entrée, de trop grande visibilité de leur accès ou de claustrophobie des usagers. Si les femmes et les personnes âgées sont celles qui les fréquentent le plus, les hommes préfèrent faire des économies de moyens et de temps en maculant les trottoirs, les recoins d’immeubles, les abribus, les distributeurs bancaires". Le contrat de concession signé avec JC Decaux en 1991 prend fin en 2006 et les toilettes publiques redeviennent gratuites.
A partir de 2009, à l'heure où se multiplient dans les quartiers touristiques les toilettes privées, exigeant jusqu'à deux euros pour trouver une cabine propre et encore plus imprégnées de parfum d'ambiance que les abords d'une boutique Abercrombie & Fitch, les 400 sanisettes parisiennes sont peu à peu remplacées. Les nouveaux sanitaires imaginés par le designer Patrick Jouin sont gratuits, propres la plupart du temps et automatisés. Ils guident l'utilisateur et joignent l'utile à… l'utile, en affichant un plan du quartier sur la paroi extérieure. Grand pas en avant, ils sont aussi accessibles aux personnes à mobilité réduite via une porte coulissante, et offrent assez de place à l'intérieur pour permettre des manoeuvres avec un fauteuil roulant.
Elégantes, visibles sur les trottoirs, les sanisettes sont inmanquables. Et au cas où vous ne le verriez pas, le nez trop collé à votre smartphone… en 2013, il y a évidemment des applis pour cela.