Maman de robots

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Art

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31 août 2011

Depuis plus de vingt ans, Dominique Arthuis imagine et crée des robots en céramique. Des personnages cosmiques attachants et profonds, bien plus qu'un simple jouet pour adulte. Rencontre avec une artiste qui mêle matière et poésie.
Diaporama Maman de robots - Angie | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Lors de la fabrication. | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Bobio et le cosmos. | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Catlovely | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Mylord et Chaperon rouge. | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Lotus, dont la hauteur avoisine un mètre ! | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Mascotte | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Maya | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Mylord | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Bulle | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Mylord | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Vaisseau | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Computerman orange | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Computerman rouge | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Cosmos 6 | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Cosmos 3 | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Ours | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Celeste | Photo DR
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Diaporama Maman de robots - Les robots peuvent s'illuminer : une seconde vie s'offre à eux... | Photo Anthony Renaud
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Diaporama Maman de robots - La collection la Tribu côtoie celle du Cosmos. | Photo Anthony Renaud
Diaporama Maman de robots
fleche avantfleche avant
fleche suivantfleche suivant
 

A peine la porte de l’atelier franchie, le visiteur est plongé dans un univers peu familier… et l’accueil est des plus surprenants. Surprenant mais agréable. Lotus se dresse devant nous. Statique mais avenante. Lotus n’est ni une plante, ni un animal de compagnie. C’est un robot. Imposant – un mètre de hauteur – les cheveux hérissés, les bras ballants, le regard assuré et les yeux perçants. Lotus est une sculpture en céramique, créée de toute pièce par Dominique Arthuis. Dans cet atelier d’Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) l’artiste imagine, dessine, conçoit et assemble des robots.

Dominique Arthuis n’a pas l’allure extravagante ni la tête dans les étoiles. Certes, elle sculpte des robots, mais elle a bien les pieds sur Terre. « L’idée de départ, c’est de faire des robots qui seraient plus humains qu’un humain, donner des formes d’humanité à des pièces qui n’en ont pas », explique l’artiste. Montrer que ces automates colorés peuvent avoir du caractère et sont à l’opposé d’un objet fade et livide. « Ils sont ronds, joufflus et ont plus envie de rire que de paraître sévères ». Humains, sentez-vous visés ! Angie, Sacha, Bobio, Mylord, Céleste, Maya ou Lotus – leur petit nom – sont nés dans cette banlieue de la région parisienne.

Sculpteur contemporain depuis vingt-cinq ans, Dominique a eu très tôt un faible pour la céramique. Une matière difficile à travailler et très exigeante lors de la cuisson. Dès son entrée aux Arts appliqués – qu’elle ne terminera pas, « ce n’était pas mon truc » – son imagination et sa créativité vont se porter sur cette terre cuite, associée au verre et au métal. « La céramique est plaisante à travailler, à la différence de la résine, fastidieuse. Et reste belle dans le temps » Dominique Arthuis n’a pas encore 22 ans lorsqu’elle fait ses gammes dans plusieurs ateliers de sculpteurs en Bourgogne. Dès son retour à Paris, elle crée des mondes parallèles. Déjà. « Pendant cinq ans, j’ai imaginé et conçu d’immenses planètes sur ressorts. J’ai fait mes premiers salons pour montrer mes travaux. Ces productions ont eu beaucoup de succès dans les boutiques, notamment chez Fauchon et aux galeries Lafayette. Une collection qui m’a permise de vivre de mon art durant des années. »

Maman de robots

Pendant que ses planètes survolent Paris, la plasticienne imagine et invente ses futures créations. Libérée des contraintes financières. Son style s’affirme, la cohérence de son travail se façonne. Fanatique de céramique, elle incorpore le métal grâce à des ressorts. Là encore, elle innove. « Il y a vingt ans, les artistes se tournaient facilement vers les matériaux de récupération, les éléments rouillés ou travaillés au chalumeau. Moi, j’aimais le côté lissé du ressort, je trouvais ça beau. Et cela donne du mouvement aux sculptures », souffle la Parisienne qui a vraiment découvert la création par Joan Miró et Vassily Kandinsky. Quant au déclic artistique – « un choc » – il eut lieu des années auparavant, au collège, devant une sculpture de César Baldaccini, grâce à une prof de français : l’art pouvait ne pas être ennuyeux !

« L’art ludique ne fait pas appel à l’intellect, mais au sensoriel »

Plutôt simples et de formes géométriques au début, les robots sortis de l’imagination de Dominique Arthuis deviennent plus complexes au fil des années. Très travaillées (lumière, couleur, forme), avec le souci du détail et un choix de matériaux précis (billes de verre, émail, inox), ses œuvres nécessitent plusieurs semaines de labeur. Avec une envie particulière : que ses robots ne soient pas identifiés et comparés à des humains. « Ils viennent d’un autre monde, un monde imaginaire. Ce ne sont pas des éléments terrestres, mais des êtres à part. Ils ont une vie bien à eux. C’est pour cette raison que j’ai ajouté des nuages à mes robots. Ils n’ont surtout pas envie qu’on les colle à notre monde. Ils sont légers et ont envie de planer ». D’ailleurs, si ceux de la collection « La Tribu » possèdent mains, pieds et yeux, la série « Cosmos », plus dépouillée, se caractérise par l’omniprésence du blanc et par des robots plus poétiques, semblables à des nuages, des vaisseaux.

Les robots peuvent s'illuminer : une seconde vie s'offre à eux... | Photo Anthony Renaud

Certaines créations font immédiatement penser à des figurines japonaises. Un clin d’œil nippon – précoce et inconscient – qui lui permet d’être tendance sur le marché actuel de l’art. « L’arrivée de Takashi Murakami et une meilleure connaissance du cinéma d’animation de Miyazaki de la part du public m’a ouvert des portes. Aujourd’hui, je suis moins considérée comme un ovni, avec mes robots… »

Avec ses œuvres ludiques, originales et étincelantes (qui peuvent se vendre entre 850 et 7 000 euros en galerie), qui plaisent aux enfants comme aux adultes, Dominique Arthuis a trouvé le moyen de susciter la curiosité de tous. En prenant une attention particulière à ne pas dresser de barrière artistique. « L’art ludique permet de s’évader. Il ne fait pas appel à l’intellect, mais au sensoriel, au visuel. J’ai envie que mon art soit accessible et ouvert à tous. Les robots permettent de retrouver des sensations liées à l’enfance. Ce qui n’empêche pas de glisser de petits textes, des messages, des poèmes plus profonds à l’intérieur des robots. C’est un peu leur âme, le ressenti au moment où la pièce est créée », souligne celle qui se régénère dans le milieu underground londonien ou récemment à la Biennale de Venise – « l’art, c’est aussi aller voir ailleurs et être bousculée ».

Pointée du doigt par les puristes de la céramique

L’originalité des sculptures, sa prise de liberté et le monde créé par Dominique Arthuis n’a pas forcément plu dans le milieu très fermé de la céramique. Ses pairs n’ont pas toujours été tendres avec elle. « Ce milieu est très conventionnel, sclérosant et a du mal à s’ouvrir à la création contemporaine. C’était aussi un challenge pour moi. J’ai d’ailleurs dit stop puisque certains me considéraient comme une hérétique. C’était trop étouffant. Je préfère me confronter et partager avec des artistes « multi-matériau », c’est plus enrichissant. » Un rejet qui n’a pas perturbé plus que ça l’artiste. Bien au contraire. « Ce qui me fait continuer, au-delà du besoin de créer, ce sont des personnes aussi farfelues que moi. Des clients qui m’achètent au moins une œuvre par année, depuis vingt ans. Ces personnes, je ne veux pas les décevoir. »

Bulle | Photo DR

Installée dans un atelier à Epinay-sur-Seine, l’artiste est aujourd’hui exposée dans trois galeries en France, à Dinard, Laguiole et à Paris au Artclub. Pour elle aussi, la crise économique a eu des conséquences sur son activité. Depuis quelques années, il est devenu plus difficile de trouver des galeries… et des clients. « Les galeries françaises ont davantage de peines à vendre. Moi, j’arrive à survivre de mon art, essentiellement grâce à des clients étrangers, habitant Londres ou Tokyo. Même en France, la plupart des acheteurs sont étrangers. La génération des 30-40 ans, très réceptive à mon travail, n’a plus trop les moyens de se faire plaisir. C’est plus compliqué, ils ont du mal à craquer. »

Loin d’être lassée par ces « androïdes » créés par dizaines, la plasticienne pense aujourd’hui que ses robots ont passé un cap. La société change, elle veut aller plus loin et adapter ses œuvres. L’idée d’une collaboration avec un autre artiste qui les mettrait en scène ou avec un musicien, l’attire particulièrement. « Je suis arrivée au bout de l’évolution. J’ai envie que les robots soient en adéquation avec leur époque. Ils sont sur le point d’être dépassés. J’aimerais passer à des robots plus interactifs. Utiliser l’image, le son pour montrer ce qu’ils ressentent et leur apporter de la sensibilité. Sans pour autant les faire parler. Ils sont très bien comme ça, silencieux… ». C’est qu’il ne faudrait surtout pas que ces robots deviennent de vulgaires gadgets.