Un juge dans le box des accusés. Pour avoir fait son travail ? Le magistrat espagnol Baltasar Garzon comparaît en tout cas à partir de ce mardi devant le Tribunal suprême de Madrid. Que lui reproche la justice espagnole ? D’avoir enquêté sur les crimes du franquisme et donc d’avoir enfreint les lois d’amnistie votées en 1977. En Espagne, les événements liés aux années sombres de la dictature franquiste (entre 1939 et 1975) ne sont pas encore digérés. Si bien qu’il est strictement interdit par la loi de remuer ce passé douloureux, marqué par de multiples disparitions et assassinats. Le juge Garzon – célèbre pour avoir fait interpeller le dictateur chilien Augusto Pinochet – en a pourtant décidé autrement en 2008 en ouvrant une enquête concernant plus de 100 000 civils disparus.
Pour le juge espagnol, les crimes du franquisme (en l’occurrence des disparitions forcées) constituent des crimes contre l’humanité et sont donc imprescriptibles comme le prévoit le droit international. Les lois d’amnistie ne s’appliquent donc pas selon lui. Garzon a dans ses mains un dossier embarrassant : fin 2009, il est dessaisi.
C’est le début des ennuis pour le juge. Début 2010, il est visé par une plainte déposée par deux associations d’extrême droite. En mai de la même année, il est suspendu de ses fonctions, et accusé de « prévarication ». Il aura fallu attendre ce mois de janvier 2012 pour que s’ouvre le procès de ce juge connu pour sa défense acharnée des droits de l’Homme. Pour avoir osé instruire sur les crimes de la période franquiste, Baltasar Garzon risque jusqu’à vingt ans d’interdiction d’exercer. A 56 ans, cela pourrait signifier la fin de sa carrière.