L’aventure des Four Seasons débute dans le New Jersey où Nick Massi (Michael Lomenda) et Tommy DeVito (Vincent Piazza) intègrent dans leur formation Francesco Castelluccio (John Lloyd Young), un apprenti coiffeur de 17 ans aspirant chanteur, puis Bob Gaudio (Erich Bergen), un compositeur talentueux en début de carrière. La vie des quatre musiciens oscille alors entre actes de délinquance liés à la mafia locale et concerts dans les bars. Très vite, les deux nouvelles recrues, Francesco – qui adopte Frankie Valli comme nom de scène – et Bob s’imposent comme les locomotives du groupe. Frankie s’impose avec son incroyable voix de fausset capable d’aller décrocher des notes très hautes et Bob écrit pour la formation des titres qui séduisent le producteur Bob Crewe, leur ouvrant la porte des studios. Les Four Seasons deviennent rapidement un groupe incontournable des années 60 enchainant les tubes mais le succès ne fera qu’exacerber les tensions entre les jeunes musiciens. Peu à peu l’ambiance au sein du groupe se détériore jusqu’à la révélation de la gestion calamiteuse des finances par Tommy, menacé par la mafia suite à des dettes exorbitantes.
Four is a magic number
La forme de ce biopic est plutôt conventionnelle mais le réalisateur a décidé d’adopter le procédé original des confidences adressées directement à la caméra par les personnages. Cette méthode, artificielle donc risquée, fonctionne ici plutôt bien et permet de dévoiler la vérité de chaque membre du quartet rock. Une façon de tenter un récit honnête des événements, sans trop mettre l’accent sur le chanteur Frankie Valli. Ces apartés tout au long du film éclairent l’équilibre fragile d’un groupe tiraillé entre lutte de pouvoir, problèmes de dettes et tensions familiales dues au succès. Ce récit à quatre voix fait également ressortir la magie inhérente à cette histoire où le talent mais également le hasard – c’est le jeune Joe Pesci, futur acteur, qui présente Bob au reste du groupe – se mêlent pour mener les quatre jeunes hommes vers la gloire. Une narration multiple qui permet de ne pas perdre de vue que Tommy, responsable de l’explosion du groupe, est également celui qui a permis sa formation et qu’il n’y aurait pas eu de Four Seasons sans la rencontre de ces quatre personnalités.
Tout pour la musique
Jersey Boys est l’adaptation de la comédie musicale éponyme produite à Broadway en 2005 et récompensée par le Tony Award du meilleur spectacle et du meilleur acteur principal pour John Lloyd Young dans le rôle de Frankie Valli. Si Clint Eastwood a choisi l’acteur pour son film – permettant des scènes de chant très convaincantes – il a choisi de ne pas adapter le style de la comédie musicale à l’écran, les acteurs ne chantent donc pas leurs répliques. Pour le reste, la musique est évidemment omniprésente, du premier tube Sherry à Walk Like a Man en passant par Big Girls Don’t Cry. Ces morceaux portent le film du début à la fin, faisant oublier la structure un peu trop sage du récit. La révélation du tube ultime Can’t Take My Eyes Off You, cette « chanson d’auteur » dont la maison de disque ne voulait pas, est le point culminant de cet incroyable parcours musical, séduisant de la première à la dernière note. Seul regret, l’absence dans cette playlist impeccable de Beggin’, titre remis au goût du jour en 2007 par un remix inspiré du DJ français Pilooski et une reprise par le groupe de hip-hop norvégien Madcon. Une occasion ratée de montrer la puissance de ce titre des Four Seasons qui continue de faire danser la planète plus de 40 ans après sa création.
Jersey Boys n’est probablement pas un « grand » Clint Eastwood – il lui manque le petit supplément d’âme qui a dû se prendre lors de l’adaptation de la scène à l’écran – mais il charme par la sincérité de sa démarche et surtout, une bande son qui emporte tout sur son passage. Difficile de trouver une excuse pour ne pas se laisser entraîner.
> Jersey Boys, réalisé par Clint Eastwood, États-Unis, 2014 (2h14)