Indignés ! Et maintenant ?

Indignés ! Et maintenant ?

Indignés ! Et maintenant ?

Indignés ! Et maintenant ?

7 juin 2011

Trois semaines que le mouvement, à la suite de l'Espagne, dure en France. Alors que les Indignés se débattent pour ne pas être « récupérés » par la politique, comment s'en défendent-ils ? Quelle tournure donner à l'indignation européenne ?

« Nous insistons sur le fait que nous sommes des personnes qui nous réunissons librement et volontairement et que nous n’appartenons à aucun parti politique ou association. » Comme une mise au point, le communiqué tombait dans les boîtes mails samedi après-midi. Qu’est-ce qui chahutait le mouvement des Indignés, qui depuis trois semaines en France, se réunit chaque jour dans plusieurs villes du pays ? Depuis le début, un seul mot d’ordre qui fait sans doute l’originalité de la mobilisation : pas de récupération, ni par les politiques, ni par les syndicats, ni par les associations.

Un mouvement qui tient à son indépendance

La semaine dernière déjà, Jean-Luc Mélenchon avait agité les troupes. « Tous les mouvements de cette nature ont toujours été des mouvements qui mettent à distance les partis politiques. (…) Mais en front, c’est nous, le Front de Gauche, qui sommes l’alternative. » Sur BFM TV, le chef du Parti de Gauche s’élevait, sans détour, comme la seule issue politique du mouvement.

 

Côté Indignés, aucune réaction officielle mais quelques œillades prudentes vers les militants du Front de Gauche, venus gonflés les rangs des révolutionnaires. « On n’a pas voulu réagir par communiqué de presse, on verra la manière dont ça évolue », précise Bruno Gangoiti, participant espagnol au mouvement français. Le Parti de Gauche n’est pas leur bras politique : ils ne veulent pas de bras politique. Bruno Gangoiti remarque toutefois que depuis, les soutiens de Jean-Luc Mélenchon sont toujours là mais n’affichent plus – ou moins – leur choix partisan.

Samedi, le communiqué de presse était une réaction à une manifestation organisée parallèlement à celle des Indignés. La contre-manifestation était organisée par Yann Sarfati, qui s’était illustré en décembre dernier comme chef de file du Bankrun, l’idée lancée par Cantona de retirer l’argent des banques pour mener la révolution. Un vaste flop, à l’époque.
« Ces gens participaient avec nous au rassemblement, en tant qu’individus. Mais cette fois, ils ont voulu prendre le rassemblement à leur compte ». Toutefois, les anciens suiveurs de Cantona ont immédiatement affirmé vouloir prendre une révolution trop molle à contre-pied. Ils voulaient surfer sur la vague de mobilisation. Un vaste flop dimanche dernier, contre-manifestation annulée. Les explications, et bien d’autres choses, ici :

 

Les Indignés résistent à la récupération politique mais aussi à celle des syndicats. Ils n’ont pas voulu se joindre au cortège des fonctionnaires manifestants le 31 mai dernier. « Nous ne voulons pas avoir de liens formels avec des syndicats ».
Interrogé à ce sujet, Julien Bayou, militant d’Europe Ecologie et l’un des premiers soutiens des Indignés, rejette toute tentative de récupération. « Bien sûr que non, nous ne voulons pas récupérer le mouvement ! J’espère que personne ne le fera, il doit rester non partisan. »

Après trois semaines d’agitations, les Indignés peuvent-ils prétendre être crédibles sans s’acoquiner avec des acteurs de la vie politique française ? « C’est peut-être la faiblesse du mouvement, mais c’est aussi sa force. C’est-à-dire qu’on parvient à aller au-delà des clivages. Les individus sont représentés et pas les entités politiques. » Bruno Gangoiti insiste sur un point : « Depuis le début du mouvement, personne ne m’a demandé pour qui je votais, et je ne l’ai demandé à personne. Nous sommes uniquement là pour travailler ensemble. »

A moyen terme, l’objectif est-il de créer un parti européen des Indignés ? Alors que la contestation gagne de nombreux pays d’Europe, la Grèce notamment, Bruno Gangoiti affirme qu’ils veulent un mouvement international, au moins européen, mais refuse une organisation à visée électoraliste. « Nous ne voulons pas nous présenter aux élections, nous voulons simplement avoir plus de contrôle sur nos dirigeants. » C’est d’ailleurs la définition de cette "réelle démocratie", vertu fédératrice du mouvement. Aucune revendication clivante n’est donc formulée, pour que tout le monde continue à cohabiter en bonne intelligence. On ne parle pas des choses qui fâchent. « Nous voulons que les citoyens ne soient pas concernés par la politique une seule fois tous les quatre ou cinq ans. Nous voulons également qu’il y ait un contrôle des citoyens sur les décisions politiques. »

L’importance d’une identité européenne

Tout de même, un fois indigné, on fait quoi ? Trois semaines de mobilisation pour quoi ? Pas de propositions concrètes, pas de représentation politique. Bruno a bien conscience qu’il va falloir aller au turbin et mouiller sa chemise. Faire de réelles propositions pour conserver la mobilisation, éviter les dérapages et les récupérations. « Nous ne devons pas rester uniquement contestataires. Il est important que nous soyons également force de proposition. Ça viendra bientôt. » Les Indignés sont-ils naïfs, tout à fait utopistes ? Est-il possible, en France, de voir un mouvement qui s’installe dans la durée sans bras politique ni partisan ? Le mouvement n’a en tout cas pas choisi la facilité mais peut-être parviendra-t-il à devenir force de proposition en se passant d’attache partisane. Wait and see. Peut-être que nous n’assistons pas à une révolution, mais à l’éveil d’une conscience citoyenne européenne. Et cette identité européenne n’est-elle pas le salut du mouvement ?

 

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Citazine a rencontré ces Indignés de la "French Revolution" à la Bastille. Retrouvez notre diaporama sonore.