Hot Vidéo se met à poil, ou les coulisses du célèbre magazine porno

Hot Vidéo se met à poil, ou les coulisses du célèbre magazine porno

Hot Vidéo se met à poil, ou les coulisses du célèbre magazine porno

Hot Vidéo se met à poil, ou les coulisses du célèbre magazine porno

6 août 2014

Alors que cul et Internet s’entendent comme larrons en foire, Citazine s’est rendu dans la rédaction d’Hot Vidéo, mythique magazine porno des années 90. Celui-ci tente, tant bien que mal, de survivre dans un univers impitoyable.

« Avec le magazine, on ne va pas mettre en cadeau un banal stylo alors qu’on peut offrir un trou de balle écarté. Ce qui nous différencie des autres magazines masculins, c’est la photo de plus qu’on osera mettre. Et c’est peut-être pour ça qu’on est toujours là ! » C’est certain, les types d’Hot Vidéo ont le sens de la formule. Que devient le mythique Hot Vidéo, celui dont il ne fallait pas prononcer le nom à l’aube de nos 10 ans, mais qui entretenait tous les fantasmes ? Au mois de juillet, dans la touffeur de l’été parisien, Citazine a poussé la porte de la rédaction du célèbre magazine pour adultes, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). 

Des hommes uniquement, tous habillés, entre des murs entièrement nus. « Avec le vis-à-vis, c’est impossible de placarder nos unes aux murs, comme le font les autres magazines », explique Dimitri Largo, le journaliste avec qui nous avons pris rendez-vous. Dimitri est arrivé à Hot Vidéo après avoir répondu à une annonce trouvée sur l’Apec. Après une école de journalisme et un passage dans « le canard de la fédération de pétanque », il déboule dans le magazine de boules.

« Pour moi, le porno, c’est comme n’importe quel sujet. Je ferais un article sur un gobelet s’il le fallait », lance-t-il en agitant son gobelet de café. On s’attendait à trouver des fans de porno, totalement accro à YouPorn. On avait tort. « Je ne suis pas du tout fan de mon sujet d’étude et personne ici n’est fan de porno. On a toujours essayé d’éviter le côté groupie. »

En 1989, quand Franck Vardon, échappé de Paris Match, lance Hot Vidéo, c’est la révolution dans les chaumières. Grâce à la démocratisation du magnétoscope, le porno pénètre les maisons en format VHS. Avec le magazine, il était possible de vendre des cassettes porno, en kiosque, grâce au réseau de distribution de la presse. « Le succès a été fulgurant, raconte Dimitri. C’était vraiment dans l’air du temps. Hot Vidéo c’était le Paris Match du porno : le star system, les backstage de tournage, les photos. Même les fans de porno ont ce côté groupie, ils sont friands des coulisses. On levait le voile sur le porno. C’était vraiment une idée neuve. » Aujourd’hui, Hot Vidéo incarne le porno à l’ancienne, très loin du porno hype du Tag Parfait. « Moi, la génération porn, je n’y crois pas. Je ne crois pas que le porno ce soit cool », objecte Dimitri, incrédule. N’empêche Hot Vidéo, c’est quand même du porno à papa non ? « Oui, on s’adresse à des vieux. On ne s’adresse pas qu’à des intellectuels, mais on ne s’intéresse pas non plus qu’à des teubés. »

Un âge d’or révolu

En janvier 2014, on apprenait le décès de Franck Vardon. Ovidie, ancienne star du X révélée notamment par Hot Vidéo, aujourd’hui réalisatrice-productrice, lui consacrait l’un des articles de sa chronique le Ticket de Métro d’Ovidie publiée sur Metronews.fr. Elle rend hommage à celui qui a sorti le porno du ghetto et conclut : « L’équipe d’Hot Vidéo a annoncé poursuivre l’activité du magazine. Mais la disparition de son fondateur tourne symboliquement la page des années 90-2000, où ce milieu était sous les feux de la rampe. C’est toute une époque qui disparait avec lui. »  

Sans Franck Vardon, la rédaction est aujourd’hui un peu orpheline. « Depuis qu’il a disparu, on s’autogère. » Ont-ils pensé à fermer boutique ? « On ne pouvait pas le tuer deux fois. Perpétuer son héritage, c’est ce qu’il aurait voulu. Show must go on ! »

Dimitri Largo | Photo Dorothée Duchemin

Désormais, ils sont trois à préparer le magazine. Dimitri Largo, François Brummel et Gérome Lorenzo, qui vient leur prêter main forte quand il ne s’occupe pas du site Internet. Âgés de 34 et 35 ans, ils sont tous les trois arrivés entre 2006 et 2007. Le porno, ils l’ont vu changé. Même si cet âge d’or dont parle Ovidie dans son article était déjà révolu à leur arrivée. C’était les années 90, l’époque où Hot Vidéo lançait des stars en les affichant en une du magazine, l’époque où les Hot d’Or étaient la soirée branchée à ne pas rater sur la Croisette. La cérémonie fut de 1992 à 2001, l’un des temps forts de chaque édition du festival de Cannes. Ils étaient décernés chaque année, selon les mêmes catégories que le cinéma traditionnel. C’était l’époque où les ados mataient du cul en crypté, l’époque où Philippe Vandel posait sa voix juvénile sur les chaudes images du Journal du Hard.

Hot Vidéo, c’était aussi des femmes magnifiques et dénudées en une de chaque numéro. Le mensuel avait la réputation de lancer des stars. Ovidie, Clara Morgane, Laure Sinclair… leur succès, elles le doivent aussi au magazine. Puis, les années 2000 ont assisté à l’avènement des tubes sur Internet et au phénomène du porno amateur. La culture du tag s’est développée. A coup de mots clé, on recherche la scène parfaite de ses fantasmes. Aujourd’hui, on achète des scènes hard, non plus des films. On se tripote en ligne, non plus sur les pages de papier glacé. Canal+ ne vend plus ses abonnements grâce à ses films porno scénarisés diffusés chaque premier samedi du mois. Il n’y a plus que le foot qui lui est vraiment profitable. Ceux qui y ont perdu, ce sont les réalisateurs, producteurs, acteurs et autres professionnels de films scénarisés. Mais l’industrie reste juteuse. « Le porno se porte très bien, il n’y a jamais eu autant de gens à en mater. Maintenant ce sont des geeks webmaster qui se font de la tunes, commente Gérome. Le contenu et les créateurs sont beaucoup moins valorisés et rémunérés. Aujourd’hui, ce sont les distributeurs qui mènent la danse. » Et si les stars du X sont aujourd’hui des webmasters, le travail des journalistes d’Hot Vidéo a aussi changé.

Le porno en manque de star

Pour François, cette montée en force de l’amateurisme n’est pas un problème, au contraire, il incarne ce que doit être le porno. « Aujourd’hui, bien sûr, le porno pro a beaucoup moins d’argent et se vend à la scène sur Internet ou en VOD. Mais le porno, n’est pas un genre cinématographique. Il n’y a pas de code comme dans le cinéma de genre. Le porno, c’est avant tout la diversité et la liberté totale. Le but du porno, c’est de montrer le sexe et de le montrer dans tous ses états. Avec le porno amateur, la mission est remplie. » Mais pour Gérome, cet état de fait est forcément problématique pour leur travail de journaliste. « Hot Vidéo a déghettoïsé le porno et a mis en place le star system dans le porno avec les Hot d’or. A partir du moment où tu n’as plus de stars, c’est compliqué. On montrait l’Intimité des stars, les coulisses. Maintenant les tournages se déroulent dans des piaules toute pourries, les filles font trois scènes et elle se barrent. Nous, on n’a plus personne à vendre en une. La banalisation, l’amateurisme, le genre « fille d’à côté », c’est problématique pour nous quand même. » Un contexte plus difficile et des chiffres qui baissent. Contre les 120.000 tirages des années fastes, Hot Vidéo est aujourd’hui tiré à 50.000 exemplaires, pour 20.000 numéros vendus par mois en moyenne. 

La une du mois de juillet. | Photo Dorothée Duchemin

A l’époque, ils ont vu huit journalistes s’activer à la rédaction. Seuls eux, les derniers arrivés, répondent encore présents. Ils s’adaptent à la réalité du X et ont fait désormais de la place pour le porno amateur. A la une du numéro 276 du mois de juillet, des interviews de Michel, homme fort du site Jacquie et Michel, spécialiste du porno amateur, de James Deen, la star du X, des portraits d’actrices, des photos de tournages… On trouve aussi des articles qu’on pourrait trouver dans n’importe quel magazine « Lifestyle », le phénomène Food Porn ou les conseils de la rédaction à l’adresse des échangistes novices. Ces dernières années, ils essaient de décloisonner leur ligne éditoriale et de publier des sujets transversaux. Le film du mois, c’est Love Boat, une parodie porno de La Croisière s’amuse, accompagné de six scènes « hard ». Ensemble, ils décident de la ligne éditoriale, construisent le chemin de fer, écrivent les articles, prennent des photos, et tournent aussi… Il faut savoir tout faire à Hot Video. « C’est assez stimulant », confirme Dimitri. Et surtout, ils ont une liberté qui leur est très précieuse. D’autant plus que c’est l’offre VOD lancée en 2010 qui finance le magazine, lui reste donc un vaste terrain de jeu.

Des hommes qui savent manier la langue

François Brummel, Dimitri Largo et Gerome Lorenzo, trois pseudonymes, leur signature pour Hot Video. Dès leur arrivée, on les a prévenu qu’un jour, ils auront sans doute envie de planquer cette période de leur vie. « On nous l’a imposé. Quand on arrive, on t’explique que dans dix ans, ce sera plus facile de le cacher si tu as un faux nom », explique Gerome. « Mais à part certains amis de mes parents, je le dis toujours. La plupart des gens sont très curieux, on est souvent l’attraction de la soirée. Le côté chiant, c’est que tu passes ton temps à répondre aux mêmes questions des mecs. C’est vrai que c’est pas comme un expert-comptable. » « Personne ne reste de marbre. Ils sont soit fascinés, soit dégoûtés, mais c’est pareil, on passe quand même nos soirées à en parler », ajoute Dimitri.

François Brummel à 35 ans, il a fait des études de droit, un peu de philo et fut pigiste pour Trax magazine, tout comme Gérome Lorenzo. Quand on lui a proposé un vrai salaire pour écrire, il a signé tout de suite. « Surtout, je me doutais que la liberté que j’aurai ici, je ne la retrouverai nulle part ailleurs. Et c’était vrai. On a une liberté totale dans l’écriture et on peut écrire ce qu’on veut, ça c’est génial. » Et même si on n’est pas passionné de porno, on pourra tout de même apprécier à la lecture d’Hot Vidéo le goût de ces trois-là pour les histoires bien montées, pour une langue riche et châtiée, cadencée ça et là par des « sodomie », « cul », « chatte », « couille ». « C’est un peu comme des sketches ce qu’on fait. On part d’une situation véridique mais autour on brode, on crée toute une histoire, avec beaucoup d’humour. Parfois, on est dans le purement informatif, mais souvent, on se laisse aller. Et puis, on ne peut pas écrire bite, chatte, couille toute la journée, sans prendre du recul. On péterait les plombs ! » 

« L’érotisme n’est rien d’autre que la pornographie du bourgeois »

Là-dessus, ils sont d’accord. Sinon, la moindre question mène à un débat qu’il faut essayer de canaliser si on ne veut pas passer la nuit entière avec eux. Le porno scénarisé, totalement ringard ou pas ? Les très belles femmes d’X-Art sont-elles vraiment excitantes ? Les films scénarisés de Francis Mischkind et Gérard Kikoïne sont-ils vraiment excitants ? « Les Japonais sont les seuls à innover en matière de porno, ils sont très ouverts », affirme François. « Les anguilles dans le cul, c’est vrai qu’il faut être connaisseur pour apprécier », rétorque Dimitri. Avant de lancer, « Depuis Rocco, rien n’a été inventé ! » Et le porno gonzo, c’est du mauvais porno ?

Les amis de la rédaction | Photo Dorothée Duchemin

« Pour moi, le porno gonzo est une réaffirmation de la virilité qui a été confisquée par les féministes et par les mœurs bourgeoises de la classe dominante depuis les années 70. Ce n’est pas la pornographie qu’on voit partout, mais l’érotisme. Et l’érotisme n’est rien d’autre que la pornographie du bourgeois ! » On l’aura compris, François est le militant de la bande. Et le seul qui s’avoue parfois misogyne. « Moi je joue avec les clichés. Oui, j’ai écrit des textes misogynes. Mais ça me fait marrer de provoquer. Hot Vidéo est un espace de liberté masculin et il n’y en a plus beaucoup ! On peut dire la vérité. Parfois, on en veut aux femmes, mais ce n’est pas pour ça qu’on ne les aime pas. »

Et Dimitri de conclure : « On peut effectivement être très outranciers et très caricaturaux. Et très orduriers aussi. Il ne faut pas nous en vouloir. Avec nous, il faut être capable de tout entendre. » Et si le porno a changé, Hot Vidéo est resté le Paris Match du cul qu’il voulait être : « Le poids des mots, le choc des photos ».