Un road-movie dans l'univers cinématographique. Voilà ce qu'est Holy Motors, bolide auteuriste, qui carbure à la métaphore. Le voyage est fascinant.
Il commence par un tour de chauffe – dans lequel Leos Carax se met lui même en scène en rêveur brisant les murs du cinéma – au surréalisme surchargé, qui aurait pu faire caler la machine. Puis, il embraye avec les deux acteurs qui nous guideront pendant la prochaine heure et demi : Edith Scob est Céline, au volant de la Limousine, Denis Lavant lui, se glissera dans pas moins de onze rôles. A l’arrière du véhicule de luxe, drôle de loge mobile, il se transforme, se maquille, relit son texte. Chacun des "rendez-vous" de sa feuille de route est un petit film en soi. Drame, comédie musicale, thriller…
Chaque arrêt est l’occasion de visiter un genre, sans oublier de regarder dans le rétro pour adresser un clin d’œil à des classiques (Les Yeux sans visages, A bout de souffle…) ou à la propre filmo de Carax (Boy meets girl, Les Amants du Pont Neuf – deux films avec Denis Lavant, déjà). Chaque halte, au souffle tantôt comique, tantôt mélodramatique, tantôt poétique, réserve ses surprises et Holy Motors défile sans que l’on puisse anticiper la prochaine étape.
Il est, de fait, intriguant et souvent passionnant. Il questionne à la fois le cinéma et ses possibles : un univers où l’on peut changer de forme, mourir et ressusciter, où la logique n’est pas forcément reine. Il aborde aussi la condition de l’acteur, qui, en se baladant d’un film à l’autre, investit des personnalités multiples, et finit par ne plus savoir qui il est vraiment. Comme si le scénario de sa propre vie lui échappait. Bien que film à tiroir, ouvrant sur de multiples lectures, Holy Motors ne cherche pas à semer le spectateur. Le plaisir est immédiat. Plusieurs jours après l’avoir vu, on remonterait volontiers faire un tour. Prêt à faire de l’autostop. Pouce vers le haut. Très haut.
> Holy Motors de Leos Carax, France/Allemagne, 2011 (1h55).