« Ghost Song », Houston et ses problèmes

« Ghost Song », Houston et ses problèmes

« Ghost Song », Houston et ses problèmes

« Ghost Song », Houston et ses problèmes

Au cinéma le 27 avril 2022

Alors qu'un ouragan menace la ville, Alexandra, Will et Nate tentent de survivre dans les rues de Houston. Documentaire à l'atmosphère moite et fébrile, Ghost Song ausculte une jeunesse en marge portée par l'espoir de rédemption. Un trip texan hypnotique dans l'œil du cyclone, incarnation prophétique d'un système implacable.

Au Texas, la ville de Houston dévore les gens comme leurs rêves. Dans le chaos urbain, Alexandra, Will et Nate se débattent pour survivre. Ex-cheffe de gang ou gosses de riches reniés, chacun affronte ses démons tandis qu’un ouragan approche. Documentaire sous tension, Ghost Song capte cette quête désespérée d’une nouvelle vie rythmée par la musique et les hallucinations des échappatoires chimiques.

Ghost Song © GoGoGo Films - Les Alchimistes Films

Le cousin de la princesse

En 2017, Southern Belle de Nicolas Peduzzi dressait le portrait d’une héritière d’une riche famille de Houston. En suivant cette princesse déchue, le réalisateur rencontre par hasard son cousin Will. Il croise également le chemin d’une jeune femme, Alexandra aka OMB Bloodbath, une rappeuse du Third ward, quartier historique de la ville.

Même si Nicolas Peduzzi n’a pas utilisé les images de Will et Bloodbath dans son premier documentaire, les deux jeunes n’ont pas quitté ses pensées et l’idée de leur consacrer son prochain projet s’est imposée. Bloodbath et Will cohabitent dans la même ville mais ne se croisent jamais du fait d’une ségrégation moderne qui ne dit pas son nom.

Malgré leurs trajectoires parallèles, la musique qui rythme leurs espoirs de changement radical les rassemble. C’est ce lien invisible que tisse Ghost Song entre ces jeunes évoluant dans des univers parallèles.

Ghost Song © GoGoGo Films - Les Alchimistes Films

Misfits

Ghost Song s’affranchit de l’habituelle opposition pauvres/riches pour explorer la thématique du décalage par rapport à son milieu, quel qu’il soit. Avec la musique comme échappatoire, Bloodbath et Will luttent à leur manière contre l’exclusion comme Nate, autre personnage du documentaire, tente de de décrocher de ses addictions.

Aussi étonnant qu’il puisse paraître, Ghost Song crée une véritable passerelle cinématographique entre Will et Bloodbath. Le fils héritier d’une famille de pétroliers et la jeune rappeuse ex-cheffe de gangs partagent la même ambition de trouver leur place malgré une famille et une société qui semble les rejeter.

Ghost Song © GoGoGo Films - Les Alchimistes Films

Third ward

Situé au centre de Houston, Third ward est au cœur du documentaire. Bouillonnant quartier d’origine de Beyoncé et de Wes Anderson notamment,  il est également celui de Dj Screw – créateur du mouvement musical portant son nom – et de Bloodbath. C’est également là où résidait George Floyd, oncle de Bloodbath, qui rappait avec Dj Screw à l’époque.

Dans le documentaire, le cinéaste fait l’impasse sur ce lien familial entre George Floyd et la jeune rappeuse. Son intention était de se concentrer sur sa carrière qui prenait alors un nouvel élan. Le sujet de la mort tragique de son oncle a été évoqué mais le drame semblait trop récent. La question de la violence est pourtant omniprésente.

Ghost Song © GoGoGo Films - Les Alchimistes Films

Réunion de violences

Ainsi Bloodbath se confie face caméra sur l’assassinat de son ami, Kenny Lou, victime de règlements de comptes entre gangs. Elle-même blessée lors d’une fusillade, la jeune rappeuse tente de tourner le dos à ce passé de violence.

Mais, prise en tenailles entre les guerres des gangs et la violence policière, l’espoir d’un futur apaisé semble compromis. Aussi sûr que l’ouragan approche, le passé semble planer au-dessus des personnages de ce périple urbain où la résignation prend le pas sur l’espoir.

Ghost Song © GoGoGo Films - Les Alchimistes Films

Screwed

Sous tension, Ghost Song est construit comme un rêve éveillé qui semble prêt à basculer à tout moment dans le cauchemar. Son atmosphère nébuleuse est servie par une bande son hypnotique particulièrement efficace. L’univers musical éclectique est à l’image de la richesse culturelle de la ville. Le blues chanté par Will y côtoie le screw, son typique de la ville, rappé par Bloodbath.

Conséquence de la consommation de codéine par les rappeurs, le screw se caractérise par un flow ralenti qui lorgne du côté du free style. Hip hop à tendance jazzy, il est caractérisé par des sons assez bruts et des flows qui peuvent durer pendant plus de 10 minutes. Très peu commercial, le screw a pourtant grandement influencé le hip hop actuel.

Ghost Song © GoGoGo Films - Les Alchimistes Films

Ghettopéra

Tout au long de cette exploration des tréfonds de la ville, le hip hop se mêle à l’opéra. Une juxtaposition étonnante qui vient appuyer l’aspect tragique planant sur le film. Un sentiment de fatalité renforcé par la mise en scène de la menace météorologique qui s’annonce. Les grandes envolées opératiques accompagnent les annonces alarmistes et l’amoncellement de nuages sur la ville.

Ce climat lourd et moite, est également appuyé par la musique composée par Jimmy Woo pour le film. Avec ses nappes électro s’inspirant du rythme lent du screw, le musicien maintient une atmosphère pesante d’où suinte une urgence vitale à s’échapper.

Ghost Song © GoGoGo Films - Les Alchimistes Films

Comme un ouragan

Pour les habitants de Houston, l’ouragan est une menace récurrente. Tous les deux ans environ, une alerte pousse chacun à faire des stocks de nourriture et d’essence. Construite sur une région marécageuse, la ville est sans cesse menacée par les inondations. Pour certains habitants, la fatalité bascule du côté de la colère tant ce désastre climatique résonne avec l’injustice sociale.

Si l’effrayant ouragan structure le film, il appuie également le propos du documentaire en mettant en lumière la quête d’une jeunesse perdue dans le chaos urbain. Trip hypnotique dans la moiteur texane, Ghost Song envoûte par sa BO singulière et son invocation d’un désastre climatique inéluctable comme symbole d’un système bien verrouillé.

Ghost Song, réalisé par Nicolas Peduzzi, France, 2021 (1h16)

Ghost Song

Date de sortie
27 avril 2022
Durée
1h16
Réalisé par
Nicolas Peduzzi
Avec
OMB Bloodbath, William Folzenlogen, Nate Nichols, Tay Thomas, David McCrable, Nechol Nicks, Tammy Hamptons
Pays
France