La forêt de flammes et d’ombres : quand l’amour et l’amitié défient la guerre

La forêt de flammes et d’ombres : quand l’amour et l’amitié défient la guerre

La forêt de flammes et d’ombres : quand l’amour et l’amitié défient la guerre

La forêt de flammes et d’ombres : quand l’amour et l’amitié défient la guerre
Rentrée littéraire 2025

14 septembre 2025

Dans son nouveau roman, Akira Mizubayashi raconte l’histoire de Ren, Yuki et Bin, trois étudiants passionnés d’art happés par la guerre. De Tokyo à Genève, La forêt de flammes et d’ombres explore la puissance de l’amour et de l’amitié, capables de transcender la mutilation, la perte et la folie des hommes.

Tokyo, 1944. Ren, Yuki et Bin sont en vacation dans un centre de tri postal. Trois étudiants, trois artistes en devenir : deux peintres, Yuki et un Ren déjà très prometteur ; Bin, violoniste surdoué. Tous trois partagent une soif d’art et de culture européenne presque clandestine dans un Japon corseté par le nationalisme. Dans une pudeur toute nippone, Ren et Yuki se fiancent.

Mais l’Empereur mène sa population à la guerre. Vient l’appel aux armes. Bin, atteint d’une légère claudication congénitale, est réformé. Ren part en Mandchourie. Il en revient « dans un état de mort-vivant, privé de ses mains », le visage défiguré, convaincu qu’il ne pourra plus jamais tenir un pinceau. « Il n’était plus Ren Mizuki, l’artiste qu’il avait toujours été ». Comment se délivrer de « l’horreur traumatique du carnage » ? Comment réapprendre à vivre privé de l’instrument de son art ? Comment ne pas être « un fardeau pour Yuki » ?

De l’ombre à la lumière

L’amour et l’amitié ont « parfois assez de puissance pour sublimer le mal, la souffrance et la mort présents dans toute vie ». La plume de Mizubayashi, toute en subtilités et clairs-obscurs, raconte ce chemin de résilience. L’art devient un fil tendu entre la douleur et la vie. Ren réapprend à peindre, jusqu’à créer quinze toiles monumentales qu’il baptise La forêt de flammes et d’ombres. Des tableaux qui disent la brutalité des nationalismes, l’absurdité du pouvoir aveugle, le prix de la guerre sur les corps et les visages.

Doux et puissant, La forêt de flammes et d’ombres puise sa force dans l’art, sève ardente irriguant chaque page. Roman choral, il compose une fresque des corps et une symphonie des cœurs, tout en retenue. Souvent affable, parfois empruntée, elle sublime les scènes d’amour et amplifie les émotions à fleur de peau. La narration, construite comme une partition, entrelace voix et carnets intimes. Ce choix, quoiqu’un peu redondant, confère à l’ensemble une lenteur poétique et contemplative.

Au fil des années et des épreuves, les liens se tissent et se transforment. Pour Ren, Bin est ce « frère jumeau » avec qui il partage « l’obstination de se réaliser dans leur art qu’ils placent au-dessus des bassesses d’ici-bas ». Devenu musicien reconnu en Europe, Bin porte leur histoire sur les scènes du monde tandis que Yuki, muse puis gardienne de l’œuvre de son mari, fondera un musée pour préserver les toiles de son mari.

L’art contre la folie des hommes

Akira Mizubayashi continue d’explorer ses thèmes familiers : le désastre des nationalismes fauteurs de guerre et l’art, recours essentiel contre la folie des hommes.

Ce roman, qui traverse Tokyo, Paris et Genève, est aussi un livre de guerre qui refuse la guerre. Mizubayashi y dénonce, sans grandiloquence, son absurdité : « Ce fol effort de destruction massive qu’aucun autre animal ne commet sur ses semblables. »

Dans ce monde où « l’État monstre, dévoreur de vies, réduisait à néant toute liberté individuelle », l’art se dresse comme un dernier rempart. Il sublime l’amour-amitié qui unit Ren, Bin et Yuki pour la vie et par-delà la mort. Hanna, la chienne-shiba au regard immuable, en incarne la continuité. La peinture de Ren, « choc esthétique », et la musique de Bin l’esthète sont les traces de leur survie, de leur renaissance.

Il y a, dans chaque œuvre de Mizubayashi, une étincelle d’incandescence, cette manière de faire jaillir la lumière au cœur des ténèbres. La forêt de flammes et d’ombres, roman de blessures qui s’obstine à créer, roman de silences où la musique persiste à vibrer, roman de guerre qui, page après page, fait gagner la beauté, n’y échappe pas.

Couverture du livre La forêt de flammes et d’ombres de Akira Mizubayashi

La forêt de flammes et d’ombres de Akira Mizubayashi

288 pages
Date de publication
14 août 2025
Éditeur
Gallimard
Page du livre sur le site de l’éditeur