« Eden » passe à côté de la « French touch »

« Eden » passe à côté de la « French touch »

« Eden » passe à côté de la « French touch »

« Eden » passe à côté de la « French touch »

Au cinéma le

Dans Eden, la réalisatrice Mia Hansen-Løve relate le parcours de son frère Paul, alias le DJ Sven Love. Vendu comme un film sur la french touch, le film hésite entre biopic intimiste et film générationnel, au risque de décevoir.

À l’image de 24 Hour Party People (2002), film de Michael Winterbottom relatant la folle histoire de Tony Wilson et de son label Factory Records, Mia Hansen-Løve a décidé de réaliser le premier film ayant en toile de fond le mouvement de la french touch. Centré sur Paul, le frère de la cinéaste plus connu sous son pseudo de DJ Sven Love, Eden se déroule des années 90 à nos jours, dévoilant les premiers pas d’un jeune passionné de musique dans le milieu de la nuit parisienne, sa réussite puis la lente descente vers l’oubli. Mené par une bande son entrainante, ce long déballage des états d’âmes du DJ risque de fortement frustrer ceux qui attendent un film sur l’explosion de la musique électronique française sur la scène internationale.

Eden

Film (trop) familial

Avec Eden, dont le nom provient d’un fanzine publié par les premiers ravers, Mia Hansen-Løve souhaitait réaliser un film « sur [sa] génération, sur la jeunesse des années 90-2000 ». Si l’on peut saluer l’honnêteté de la démarche – le scenario co-écrit avec son frère Paul est fidèle à ce qu’il a vécu – le film a beaucoup de mal à trouver son équilibre, tiraillé entre description de l’ambiance insouciante des prémices de l’explosion de la french touch et un aspect très intimiste relatant les déboires et peines de cœur du DJ héros. Ceux qui s’attendent à croiser, Air, Saint Germain ou encore Mr Oizo, acteurs phares de la musique électronique à cette période en seront pour leurs frais. Le récit reste focalisé sur Paul (Felix de Givry) et son meilleur ami, Greg Gauthier, qui formaient ensemble le duo Cheers et enflammaient les pistes avec de leurs sets garage, un son house agrémenté de disco. Etalé sur plus de 20 ans, le récit manque de rythme et les histoires sentimentales du DJ, pas plus extraordinaires que la moyenne, finissent par lasser. En cruel manque de rebondissements, le film se déroule de façon très linéaire et peine à accrocher l’attention en dehors des séquences musicales, plutôt plaisantes. Mal exploité et perdu dans le tumulte d’une vie amoureuse compliquée, le thème du déclin du DJ dans le mileu de la musique électro a du mal à passer et donc à émouvoir. Paul, éternel fauché qui va quémander de l’argent auprès de ses amis pour sa consommation de coke et ses fringues onéreuses, peut même agacer. Difficile de s’attacher au DJ et de suivre son évolution dans ce film qui, au final, ne raconte pas grand-chose en dehors d’une histoire très personnelle.

Eden

Music and lights

L’aspect le plus réussi du film réside indéniablement dans les scènes musicales qui dynamisent par petites touches l’ensemble par ailleurs très sage. Que ça soit les premières raves, les sets du duo Cheers au encore les mythiques soirées Respect qui ont animé le Queen de 1996 à 1999, ces moments de fête, insouciants et libérateurs, réveilleront certainement de bons souvenirs chez les auditeurs assidus de musique électronique de l’époque. Bien réalisées, ces scènes dans les raves ou les clubs sont plutôt efficaces et font revivre l’ambiance électrique du moment mais l’évocation de la french touch reste par ailleurs anecdotique, à l’image du gag récurrent dans le film où Thomas Bangalter (Vincent Lacoste) et Guy-Manuel De Homem-Christo (Arnaud Azoulay) se font refouler à l’entrée des boites avant qu’on glisse à l’oreille du videur qu’ils sont les Daft Punk. Amis du jeune Paul, le duo electro est partout dans le film même si on les voit très peu. Leur musique, omniprésente, est souvent diffusée à la radio ou jouée en soirée et plane sur Paul, comme pour lui rappeler qu’ils ont atteint un niveau de célébrité qui lui échappe.

Pour tous ceux qui attendaient avec impatience le « premier film sur la french touch », Eden risque d’être une déception, proportionnelle aux espoirs de voir raconter sur grand écran cette période, tournant décisif de l’electro française. Centré sur le destin d’un seul DJ, ce paradis, renfermé sur lui-même, ne fait pas rêver. À force de trop se reposer sur sa bande son, le film néglige l’aspect dramatique et finit par tourner à vide, comme une platine sur laquelle on aurait oublié de poser un vinyle. Pour les fans, les amis et la famille du DJ Sven Love.

> Eden, réalisé par Mia Hansen-Løve, France, 2014 (2h11)

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