Ancien des Forces spéciales, Wade Wilson (Ryan Reynolds) s’est reconverti en mercenaire, terrorisant sur commande, et contre rémunération, les citoyens qui se comportent mal. Une vie mouvementée qui s’assagit lorsqu’il tombe fou amoureux de Vanessa (Morena Baccarin), une charmante prostituée rencontrée dans son bar fétiche. Malheureusement, l’idylle entre les deux tourtereaux est interrompue par un cancer qui attaque de front l’organisme de Wade.
Convaincu qu’une agence secrète peut non seulement le sauver mais lui prodiguer des capacités surhumaines, le turbulent malade accepte de passer sur le billard. Mais, une fois encore, le sort s’acharne sur le pauvre Wade qui se réveille guéri de son cancer avec une étonnante capacité à renouveler ses cellules, mais le corps marqué à jamais et totalement défiguré. Persuadé qu’Ajax, le responsable de ses malheurs, peut lui redonner son visage sexy, celui qui se cache désormais derrière un costume rouge et se fait appeler Deadpool part à sa recherche.
Du sang et des lol
Les affiches et les teasers nous avaient prévenus : Deadpool n’est pas comme les autres films Marvel, avec plus de violence mais aussi de “lol”. Dès le générique, plutôt original, l’antihéros décalé nous met au parfum : non, ceci n’est pas un film de super-héros, et oui, il est un sale connard qui ne respecte rien. Pour le sang, on est en effet servi avec un taux d’hémoglobine et des détails gores assez inédits pour un film du genre (têtes qui explosent, corps pulvérisés…), même si la caméra ne s’attarde pas non plus pour se délecter du spectacle.
L’esprit frondeur, on le retrouve tout au long du film : en dehors des — nombreuses — blagues grivoises ou en lien avec la culture populaire américaine, Deadpool vanne l’univers Marvel en général, et notamment les X-Men — dont deux représentants figurent dans le film. Mais sa capacité à tout tourner en dérision dépasse largement le cadre de la fiction.
Dans des piques parfois assez savoureuses, la grande gueule s’en prend à la production du film, voire à lui-même, ou plutôt à Ryan Reynolds, l’acteur qui l’incarne. Bref, tout y passe au point de se demander si au petit jeu de prendre tout avec ironie Deadpool ne s’égare pas un peu. Avec ses commentaires incessants, le résultat, à cheval entre la comédie et l’action pure, frôle constamment la parodie.
Du trash, oui… Mais assez conventionnel
Au milieu de cet ouragan de vannes pointe tout de même l’envie, parfois peu subtile, de vendre à tout prix un héros “cool” qui donnerait au passage un bon coup de vieux à ses petits camarades. Et cela fonctionne en partie, même si l’intention de vouloir plaire à tout prix est parfois un peu trop évidente. Une sensation qui est renforcée par le fait que ce branleur assumé s’adresse directement au spectateur comme dans un Woody Allen de la vieille époque.
Il s’agit d’une adaptation fidèle du comics dans lequel Deadpool s’adresse au lecteur mais cette malice qui casse les codes du genre donne l’impression que l’on vient chercher le spectateur par la main en insistant bien sur le côté décalé et détendu du personnage. Par contre, on n’en sait que très peu sur le passé de Wade, notamment son expérience de militaire et comment il s’est retrouvé mercenaire. Cette impasse nous prive d’informations sur l’homme en rouge et l’enferme dans un costume de bouffon assez superficiel.
Heureusement, il y a les sentiments pour donner de l’ampleur à ce facétieux Deadpool. Car il faut bien l’avouer, derrière les bons mots et les super-pouvoirs, l’histoire de cet antihéros est celle, terriblement banale, d’une romance impossible. Même si le film se moque de ce côté sentimental en tournant en dérision des slows mémorables, la base de l’intrigue est une histoire d’amour très conventionnelle.
Certes, Wade est mercenaire, et Vanessa une prostituée ; ce qui rend leur couple un peu plus déviant mais, de Diamants sur canapé (1961) à Pretty Woman (1990), le cinéma n’a pas attendu 2016 pour oser des rôles d’amoureuses atypiques. Ce film de super-héros, vendu comme le plus trash, est en fait l’histoire d’un type défiguré qui en recherche un autre dans l’espoir de retrouver son visage de beau gosse et par conséquent la femme de sa vie. Comme c’est mignon. Et un héros qui meurt du cancer, ça ne vous rappelle rien ?
Sortez les violons, le sale gosse est en fait un lover…
Finalement, il serait dommage de bouder son plaisir : ce nouveau personnage est plutôt rafraîchissant, même si on est loin de la révolution trash promise par le marketing entourant la sortie du film. Reste à savoir comment Deadpool va s’inscrire sur la durée dans l’univers Marvel au cinéma, et avec quelle dextérité il maniera pour la suite de ses aventures ce “gros calibre” dont il parle tant.
> Deadpool, réalisé par Tim Miller, États-Unis – Canada, 2016 (1h48)