– Alors que le félin règne sans partage sur le web, il a été la victime d’acte de violence inouïe contre lui en janvier et février : rôtis, jetés contre un mur, aspergés de soude caustique… Comment pouvez-vous expliquer un tel déchainement de haine ?
Je rappelle que le chat est tout de même un animal qui a la particularité d'avoir l'anus apparent. On peut comprendre que certains, notamment les familles, s'en offusquent.
– Est-il selon vous possible que leur puissance sur les Internets nuise à leurs conditions de vie et la manière dont ils sont traités dans la vraie vie ?
Pas du tout : une étude de la Commission européenne montre qu'un propriétaire de chat européen dépense en moyenne 100 000 euros par an pour nourrir et choyer son chat, et qu'environ 1 chat sur 3 possède un imperméable miniature avec un chapeau et des trous pour les pattes. Et encore, je viens juste d'inventer cette étude.
– Si les chats, souvent victimes, ne peuvent pas être désignés coupables de ces drames, ne paient-ils pas le prix d’années d’arrogance et de dédain envers l’espèce humaine ? Pourquoi ?
La question du racisme anti-humains chez les chats est sujet un délicat à aborder avec tact. Une certaine bien-pensance félinophile nie la réalité : bien des chats ne souhaitent en réalité pas du tout s'intégrer à la société des hommes et vivent purement et simplement de l'assistanat humain. Tant pis si cela choque : santé et nourriture gratuites constituent de véritables appels d'air pour les hordes d'immigrés de gouttière qui profitent de notre hospitalité tout en prétendant nous imposer leurs coutumes (port du poil, pipis rituels sur la moquette).
– En tant que spécialiste du chat, que leur conseillez-vous ? Poursuivre leur conquête du pouvoir quitte à condamner certains des leurs ou au contraire essayer de calmer le jeu et de renouer avec les êtres humains ?
La communauté organisée des chats doit prendre conscience qu'un dialogue avec les humains ne sera possible qu'au prix de compromis et d'un préalable inconditionnel : respect du cuir du canapé de la salle à manger.
– Venons-en à votre livre. Comment avez-vous sélectionné les chats présents dans le bouquin ?
Beauté du poil, des yeux (ou au moins oeil) vivacité et capacité de l'animal à s'investir dans un projet artistique de haut niveau.
– Concrètement, comment se déroulaient les prises de vue ?
Céline et Cécile, les photographes, s'armaient de moult patiences pour pouvoir saisir les poses les plus intéressantes (pas évident quand un chat porte un chapeau de lui demander cinquante prises), tout en les flattant sur leur physique comme il est de coutume dans le milieu de la mode. Au bout d'une heure en général, l'agent du chat interrompait la séance pour lui appeler un taxi.
– Comment avez-vous réussi à convaincre les chats d'accepter de se grimer en êtres humains ?
Dans 3/4 des cas, un dôme "saumon Prestige" en gelée suffisait. Parfois il fallait être plus persuasif, comme pour Stan, à qui nous avons dû promettre qu'il pourrait garder sa casquette en cuir après le shooting.
– Pourquoi le chat méritait-il que vous lui consacriez un livre ?
Un livre c'est finalement assez peu, les Egyptiens leur érigeaient des statues.
– Ça va faire 10 ans que le chat est roi du Lol sur le web. Où puise-t-il sa puissance lolesque ?
Le chat est le remède à un monde du web souvent violent et cynique. Il incarne tout ce qui reste de mignon en nous dans un monde qui ne l'est plus beaucoup.
– Pour conclure, que seraient les Internets sans les chats ?
La télé.
> LolChats, de Anaïs Carayon et Josselin Bordat, Edition J'ai Lu, 2013