Medium très médiatique pouvant communiquer avec les morts, Lydia Deetz (Winona Ryder) revient à Winter River pour l’enterrement de son père Charles accompagnée de sa belle-mère Delia (Catherine O’Hara), de sa fille adolescente Astrid (Jenna Ortega) et de son compagnon Rory (Justin Theroux). Dans une ambiance familiale tendue, Lydia se retrouve confrontée à Beetlejuice (Michael Keaton) qui revient la hanter.
Lorsqu’un portail vers l’Au-delà est ouvert par Astrid, le chaos s’empare du monde des morts et des vivants. L’occasion est trop belle pour Beetlejuice, toujours aussi obsédée par Lydia, d’obtenir enfin ce qu’il attend depuis près de quatre décennies ! Mais, même pour le démon perfide, cette nouvelle aventure s’annonce semée d’embûches.
Repartis pour un tour
Différent mais dans la continuité… Beetlejuice Beetlejuice reste très fidèle au premier opus Beetlejuice (1988), à commencer par son casting. Malicieux retour de karma pour Lydia incarnée par Winona Ryder : devenue mère, elle est en prise avec Astrid, sa fille adolescente frondeuse aussi difficile à canaliser qu’elle l’était dans le premier film. Ce rôle de l’ado rebelle revient à Jenna Ortega, rejeton gothique de la famille Addams dans la série Mercredi. Un choix logique car c’est lors du tournage de la série qu’il a coréalisé que Tim Burton a eu l’envie de ressusciter son personnage culte au costume rayé et à la dentition putride. Alfred Gough et Miles Millar ont d’ailleurs travaillé sur le scénario de la série et de cette suite.
Avec la présence de Catherine O’Hara, belle-mère toujours aussi farfelue, le trio d’actrices forme le cœur du film où s’exprime, entre deux farces macabres, un propos sur les liens familiaux. Un fil rouge qui reste ténu pour cette suite sans autre ambition d’être distrayante. Pour dégrader un peu plus les relations conflictuelles entre la mère et la fille, on peut compter sur Michael Keaton qui reprend avec brio son rôle de trouble fête sale et méchant.
Same old song
Des têtes connues donc mais aussi une ambiance musicale qui ne risque pas de dépayser les adeptes du premier film. Dès le générique – un plan séquence sur la fameuse maquette d’où surgit Beetlejuice accompagné du thème composé par l’incontournable Danny Elfman -, le ton est donné. Le spectateur est en terrain connu, cette suite s’inscrit dans la continuité en prenant soin de ne pas bousculer les repères cultes du premier opus.
Beetlejuice Beetlejuice (re)joue ainsi la carte d’une utilisation de la musique flirtant par moment avec la comédie musicale qui a contribué à faire le succès du premier film. La jolie reprise version gospel du célèbre The Banana Boat Song (Day-O) du regretté Harry Belafonte présente dans la bande annonce crée ainsi un écho nostalgique touchant. La célèbre une possession musicale poussant les personnages à chanter malgré eux est également de retour.
Mais les séquences musicales n’ont pas toutes le même impact. L’électrisant Tragedy des Bee Gees qui introduit le personnage de Delores (Monica Bellucci), ex-femme vengeresse de Beetlejuice, est exploité à minima. Toutes les numéros musicaux ne se valent pas et les plus efficaces restent ceux faisant appel à la fibre nostalgique. À l’image d’une production qui se veut le plus old school possible.
À l’ancienne
L’impression de retrouver de vieux amis est renforcée par le souhait de Tim Burton d’utiliser le moins d’effets numériques possible. Tournant le dos aux possibilités offertes par la technologie, le cinéaste a réalisé une grande part des trucages avec des maquettes et du maquillage plutôt que des effets spéciaux numériques. Un choix judicieux pour éviter le vieillissement rapide de ces effets qui marque notamment le Beetlejuice originel.
Cette parcimonie dans les effets numériques renforce la douce nostalgie qui plane sur cette suite. Bob, le personnage à la tête réduite, Wolf Jackson (Willem Dafoe), inspecteur à la boîte crânienne endommagée, et les autres morts errant dans l’Au-delà possèdent le charme discret de l’artisanat, entre horreur pure et farce au second degré. Un aspect fait-main qui n’empêche cependant pas une débauche de moyens.
En doublant le titre de son film, Tim Burton s’en donne à cœur joie dans l’expansion de son univers morbide. La suite bénéficie d’une surenchère de moyens par rapport au premier film. Plus de corps en décompositions et d’images macabres évoluant dans des décors plus vastes permettent d’ouvrir l’imaginaire de cet Au-delà auquel le cinéaste nous convie. Un univers fétide plus étendu dans lequel Beetlejuice évolue, non sans certaines limites.
Beetlejuice Too
Il s’en passe des choses en près de quatre décennies. La société change, parfois pour le mieux, et le cinéma ne peut rester insensible à ses évolutions. Ainsi toute nostalgie n’est pas bonne à prendre. Cette coupure dans la continuité s’illustre notamment par l’absence au casting de l’acteur Jeffrey Jones qui incarnait Charles Deetz. Le décès de son personnage au début du film enclenche en effet les retrouvailles.
Mais l’acteur toujours en vie aurait pu reprendre son rôle s’il n’avait pas connu l’infamie d’être condamné pour agression sexuelle sur un mineur en 2010. Jeffrey Jones entraîne son personnage dans sa chute mais sa disparition est gérée de façon originale. Charles Deetz reste présent mais il est remplacé par une séquence en stop motion (l’artisanat toujours) et doublé en voix off alors qu’il a littéralement perdu la tête. Dans ce nouveau monde post #MeToo, le sulfureux Beetlejuice a lui aussi dû évoluer pour retenir ses pulsions.
Toujours aussi licencieux, le démon – terme sur lequel cette suite insiste – garde la langue bien pendue mais sa vulgarité ne se concrétise plus par des gestes déplacés envers les femmes. Difficile de ne pas tiquer avec le recul sur les attouchements dont il se rend coupable dans le premier film. Le regard toujours aussi lubrique et malsain, Beetlejuice a désormais rangé ses mains. Il se retrouve même poursuivi par son ex-femme Delores ! Une inversion des rôles assez jouissive qui rappelle que les personnages fictifs comme ceux qui les incarnent ne peuvent rester éternellement impunis.
Retour lassant ?
Mais si rien n’a vraiment changé, cette suite mérite-t-elle le déplacement dans une salle de cinéma ? La question peut en effet se poser tant Tim Burton surfe sur les images et séquences devenues cultes du premier film pour contenter les fans de la première heure. Les adeptes de son univers baroque prenant un malin plaisir à nous confronter à la mort ne devraient pas être déçus devant la profusion de scènes drôlement macabres.
Mais Beetlejuice Beetlejuice ne fait pas que du fan service. Cette suite possède tout de même quelques atouts pour contenter la curiosité de spectateurs plus exigeants, à commencer par les performances d’acteurs – le trio féminin en tête et l’incontournable Michael Keaton – qui bénéficient de quelques répliques efficaces. Plus complexe que Beetlejuice, le scénario de cette suite mérite aussi le détour avec quelques surprises à l’instar d’un « babytleejuice » flippant à souhait.
Suite jouant la carte nostalgique, Beetlejuice Beetlejuice nous entraîne une nouvelle fois dans l’univers extravagant et morbide d’un démon jouant avec nos angoisses de finitude. Un retour sans grande surprise mais réjouissant si on accepte de se laisser entraîner dans cette réunion de famille avec de lointains cousins, étranges mais attachants, perdus de vue depuis longtemps.
> Beetlejuice Beetlejuice, réalisé par Tim Burton, États-Unis, 2024 (1h44)