« Un papa qui emmène son enfant à l’école avant d’aller au bureau, c’est très bien. Sauf qu’une maman est dans ce même bureau depuis 5 heures du matin pour y faire le ménage. Que doit-elle faire ? Emmener son enfant à l’école et crever de faim ou le laisser livré à lui-même pour travailler et être accusée de ne pas l’éduquer ? Ce sont des choix cornéliens et ce n’est pas normal que des populations soient obligées de prendre ce genre de décisions », gronde Fatima Hani secrétaire nationale du collectif AClefeu.
De mardi dernier, au petit matin, et jusqu’à jeudi 18 heures, le ministère de la crise des banlieues s’était installé dans l’hôtel particulier de Châlon-Luxembourg. Il a accueilli durant ces trois jours, les candidats à la présidentielle qui avaient accepté de faire le déplacement. Parce que si tu ne vas pas à la banlieue, la banlieue viendra à toi.
Des populations abandonnées
Originaire de Clichy-sous-Bois, le collectif a donc fait le déplacement jusque dans les beaux quartiers, en plein cœur du Marais, à proximité du Mémorial de la Shoah. Ils sont une dizaine à tenir le lieu, siège consenti par Bertrand Delanoë, maire de Paris. Et ils sont bien décidés à faire entrer les banlieues d’abord dans la campagne puis dans la politique du président élu. « Les populations isolées, des banlieues et en milieu rural, ont assimilé le fait d’être abandonnées par leurs dirigeants. Il faut immédiatement des mesures à court terme, on verra plus tard pour le long terme. Mais il faut pallier l’urgence. »
Quelle serait la mesure phare ? « C’est bien un truc de journaliste ça. Il n’y a pas de mesures phares. Il faut mener de front plusieurs choses en même temps. » Éducation, emploi, logement, santé, les quatre piliers sur lesquels doit s’appuyer une politique cohérente des quartiers populaires. « Tous les ministères liés à la politique de la ville sont fragmentés. Le ministère des politiques de la ville est tributaire de subventions et doit taper à la porte de tel ou tel autre ministère qui lui a ses propres objectifs. Il faut donner une cohérence à tout ça. On ne peut pas travailler le logement tout seul, le désenclavement tout seul, la santé toute seule. Non, c’est l’ensemble qui doit être pris en compte. »
Pas de cohésion dans les politiques menées
Fatima Hani ne le nie pas, des choses sont faites. Mais ce qu’elle dénonce, c’est l’absence de cohésion entre les différentes actions menées. « Les gens ne se parlent pas. Ils font un travail sans savoir ce qui se fait à côté et si ça va bien s’imbriquer avec d’autres mesures. Quand ça ne marche pas, on pose une rustine sur une chambre à air déjà complètement saturée. » L’accès aux soins, des professeurs remplacés en cas d’absence, des formations pour les jeunes, des choses assez banales en fait…
« Dans nos propositions, beaucoup ne nécessitent pas d’argent supplémentaire. On s’est rendu compte qu’un grand nombre de dispositifs existent, se superposent et ne servent à rien. On les remplacerait. » Le collectif attend la création d’une entité autonome qui aurait les moyens d’agir et pourrait s’attaquer aux problèmes des banlieues selon un point de vue d’ensemble.
François Hollande, Philippe Poutou (NPA), Clémentine Autain, porte-parole de Jean-Luc Mélechon et Éva Joly sont allés à la rencontre de ce ministère particulier. Et ceux qui ne sont pas venus ? « Le fait qu’ils ne viennent pas est une réponse qu’ils nous font ! »
À gauche, le thème des banlieues commence à s’immiscer dans le débat. Le 31 mars prochain se tiendra, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le Grenelle des quartiers populaires. Responsables associatifs, élus et chefs d’entreprise locaux, tous seront présents pour proposer des solutions. Selon Kamel Chibli, mandaté par François Hollande pour l’organiser : « l’objectif est de faire émerger des solutions venant de gens issus de quartiers populaires, urbains et ruraux. »
Fatima Hani l’avait dit : « nous n’avons surtout pas la prétention d’être experts en tout. Mais là dessus, nous avons véritablement un œil d’expert. Il faut nous consulter. »