3D : une révolution qui manque de relief

3D : une révolution qui manque de relief

3D : une révolution qui manque de relief

3D : une révolution qui manque de relief

Au cinéma le

Dix mois après la sortie d'Avatar, le monde merveilleux de la 3D tend à devenir un outil marketing plus qu'une véritable avancée dans l'art cinématographique. Enquête.

Le crime était presque parfait

« Le futur du cinéma est en relief » clamait James Cameron trois ans avant la sortie tonitruante d’Avatar. Mais qu’on ne s’y trompe pas… La 3D n’a rien de nouveau sur grand écran. En 1953, Sir Alfred Hitchcock lui-même s’y était déjà essayé dans Le crime était presque parfait, avec plus ou moins de succès. Si les fameuses lunettes rouges et bleues en carton ont depuis été oubliées, le retour du relief n’est pas passé inaperçu.

Qu’on soit “pro” ou “anti” 3D, tous s’accordent sur un point : la vision d’un film en salles doit rester une expérience unique. Le renouveau de la 3D apportait en cela son lot d’espoirs et offrait un retour aux “spectaculaires” débuts du cinéma. Force est de constater que cette nouvelle technologie ne fait qu’effleurer son potentiel, bien loin encore de révolutionner la façon de vivre les films en salle. En mai 2009, une enquête de Cinétude révélait qu’un tiers du public voyait dans le cinéma en 3D un gadget qui n’apporte rien de plus au spectacle en salle. Depuis, Avatar est passé par là, apportant à Hollywood la plus grosse recette de son histoire. Pourtant, un an après, la 3D ne semble pas encore devenue une plus-value significative pour modifier les habitudes du public.

Pourquoi ? Sans doute parce que trop peu de cinéastes se sont vraiment interrogés sur les nouvelles possibilités de mise en scène offertes par cette technologie. Penser et concevoir son film en 3D, de bout en bout : rares sont les réalisateurs comme James Cameron à avoir relevé le défi.

Des studios attirés par les recettes faciles

L’année 2010 a apporté sa part de films en trois dimensions : Shrek 4 [fn] de Mike Mitchell. [/fn], Toy Story 3 [fn] de Lee Unkrich. [/fn], Dragons [fn] de Chris Sanders et Dean Deblois. [/fn], et plus récemment Piranha 3D [fn] de Alexandre Aja. [/fn], Resident Evil : Afterlife 3D [fn] de Paul W.S. Anderson. [/fn]. Les spectateurs sont globalement au rendez-vous, mais la promesse d’un divertissement inédit et impossible à retrouver hors des salles s’est très vite essoufflée. Alice au pays des Merveilles [fn] de Tim Burton. [/fn], Le Choc des Titans [fn] de Louis Leterrier. [/fn], Le dernier maître de l’air [fn] de M. Night Shyamalan. [/fn] sont autant de films tournés en 2D et gonflés à la va-vite en 3D pour d’évidentes raisons commerciales. Le résultat esthétique est sans intérêt mais le but est avant tout d’augmenter le prix des billets. En France, les salles majorent selon les circuits et les villes, entre 1 et 3 euros la place pour avoir accès aux lunettes indispensables au visionnage des films en relief. Une aubaine pour les exploitants. Difficile alors pour les studios de résister à la juteuse exploitation de ce procédé devant les sommes engrangées par de tels films. Alléchés par des recettes faciles, ils entreprennent même la mise en relief de classiques du cinéma. Deux jours après l’annonce d’une ressortie en salles de la saga Star Wars [fn] de George Lucas. [/fn], c’est au tour de Titanic [fn] de James Cameron. [/fn] de bénéficier d’une conversion en 3D pour un retour sur les écrans en 2012.

Extrait de "Piranha 3D", de Alexandre Aja.

Avec le succès fracassant d’Avatar, il semblait donc indispensable de se plier à la loi du numérique et de la 3D pour survivre à Hollywood. C’était sans compter sur certains cinéastes, toujours pas convaincus par le cinéma en relief. Exemple : Christopher Nolan, petit prodige du cinéma US, l’un des plus singuliers fabricants de blockbusters, (Batman Begins, The Dark Knight) a ainsi refusé que son dernier film Inception soit converti en trois dimensions. Port des lunettes, perte de luminosité, le réalisateur britannique l’a expliqué à plusieurs reprises : la 3D, telle qu’elle est présentée actuellement, ne comporte que trop de contraintes.

Avec plus de 4 700 000 entrées en France en dix semaines d’exploitation et 287 millions de recettes aux Etats-Unis, Inception est l’un des plus gros succès cinématographiques de l'année. Ce film, véritable plongée dans le rêve et l’inconscient, a réussi le pari de réveiller le public sans avoir recours à la 3D. Alors que le relief entend s’imposer comme le futur standard d’Hollywood, la résistance de certains réalisateurs comme Christopher Nolan (bon pourvoyeur d’entrées) pourrait compliquer le passage de l'industrie cinématographique à la troisième dimension.

La 3D sauvera-t-elle le 7ème art ?

Jeffrey Katzenberg, cofondateur de DreamWorks, n’hésite pas à décrire la 3D comme une nouvelle ère technologique, comme en son temps le passage au cinéma parlant ou à la couleur. Un avis loin d’être partagé par le grand critique américain Roger Ebert, qui rappelle très justement dans un plaidoyer contre la 3D (Newsweek, avril 2010) qu’« à chaque fois qu’Hollywood s’est senti menacé, il s’est tourné vers la technologie : le son, la couleur, l’écran large, le cinérama, le son stéréophonique, et maintenant la 3D. En termes marketing, cela signifie offrir une expérience qui ne peut pas être vécue chez soi. Récemment, le fossé entre l’expérience vécue dans les salles et dans son salon s’était considérablement réduit. Avec la 3D, il s’était élargi. Mais avec les écrans individuels configurés pour la 3D, il se réduit à nouveau ».

Tout engouement a vite fait de s’éteindre lorsque disparaît l’effet de nouveauté et c’est bien là que réside la principale crainte qui entoure la 3D. Pour que cet enthousiasme perdure, le cinéma devra renouer avec sa capacité à surprendre et étonner les foules avec des films de qualité. Le salut du cinéma en relief viendra-t-il des prochaines expérimentations 3D de Martin Scorsese et Werner Herzog ? On ne demande qu’à voir…

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