Monstrueux ?

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22 septembre 2011

La collection d'anatomie pathologique du musée Dupuytren, à Paris, est étonnante et troublante. Toutes les malformations du corps sont visibles, entre cyclopes, siamois et fœtus difformes, l'attention du visiteur est toujours sollicitée. Au-delà de la simple curiosité devant ces "monstruosités", l'intérêt médical des objets exposés est bien réel. Citazine a fait une visite déconcertante... Attention, certaines photos peuvent heurter les personnes sensibles.

Diaporama Monstrueux ? - | Photo Anthony Renaud
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Diaporama Monstrueux ? - | Photo Anthony Renaud
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Diaporama Monstrueux ? - | Photo Anthony Renaud
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Diaporama Monstrueux ?
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Tout se passe dans une salle unique. Le sol est rouge, la lumière des néons domine. Devant nous, des armoires en verre un peu vieillottes, des milliers d’objets entassés. A part des squelettes perchés tout là-haut, difficile de distinguer avec précision ce qui nous attend. Après quelques pas, il faut se rendre à l’évidence : ce sont des organes qui flottent dans des bocaux. La richesse du musée Dupuytren saute aux yeux, les premiers regards sont autant rebutés qu’intrigués. L’homme qui nous guide est le docteur Patrice Josset, directeur de ce musée atypique.

Entre curiosités et intérêt médical

Le musée Dupuytren rassemble des pièces d’anatomie pathologique. Autrement dit, des organes malades. Environ 6 000 pièces sont réunies ici : objets en cire, éléments osseux et ces fameux bocaux renfermant des organes. Les plus troublants. Les plus attirants aussi. Le musée est surtout connu pour abriter ces fœtus mal formés, des curiosités, des monstruosités. Pourtant, le maître des lieux tient à rappeler l’intérêt médical de cette collection, créé en 1835 (certaines pièces sont antérieures au musée), à un moment-clé de l’histoire de la médecine. « C’est le début de beaucoup de choses dans cette discipline. On commence à comprendre qu’il pourrait y avoir un lien entre alcoolisme et cirrhose du foie. Ici, on voit aussi évoluer les maladies que l’on ne sait pas opérer, pour lesquelles il n’y a aucun recours, comme des lésions de l’œil, des lésions congénitales, des maladies infectieuses des os. L’objectif est de montrer qu’entre la préhistoire et le XVIIIe siècle, il n’y avait pas énormément de différences. Les personnes souffraient énormément de pathologies. Grâce à ce musée, on voit également émerger les pistes du traitement ».

Avant/après une opération du professeur Dubois pour une fente labio-palatine. | Photo Anthony Renaud

Les progrès de la médecine sont visibles et remarquables comme pour cette opération du célèbre professeur Antoine Dubois sur un jeune garçon pour une fente labio-palatine, plus communément appelée bec-de-lièvre. Le résultat est stupéfiant pour l’époque (1799 !). D’autant qu’il n’y avait ni anesthésie, ni réanimation, ni antibiotique.
Le musée de la rue de l’Ecole de Médecine possède aussi des pièces historiques comme les deux cerveaux de patients de Paul Broca – médecin et anthropologue – qui lui ont permis d’identifier une des zones du langage en 1861.

Des modèles en cire, véritables objets d’art

Le musée a vu le jour grâce à un legs, à la Faculté de médecine de Paris, de Guillaume Dupuytren, chirurgien et anatomiste français. Entre déménagement et évacuation pour insalubrité – du réfectoire du couvent des Cordeliers aux caves de la Faculté – la collection a pris forme au fil des années pour atterrir dans les locaux actuels de l’Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI).

Cerveau sur lequel le docteur Paul Broca a pu identifier une des zones du langage, en 1861. | Photo Anthony Renaud

Pour garder une trace des lésions observées et des opérations réalisées aux XVIIIe et XIXe siècles, deux techniques pouvaient être envisagées. La copie des modèles, en cire, est basée sur l’observation attentive des dissections. Et ces objets, très fidèles à la réalité, étaient réalisés par… des artistes. « Cela donne la meilleure illusion du réel, commente Patrice Josset. Ce sont de véritables sculptures et non de simples moulages. C’est un vrai travail artistique. Ces artistes utilisaient des cires de différentes couleurs pour reproduire la peau, les muscles, le cœur. Les sculpteurs se basaient sur une dissection parfaite, la plus belle possible. Ils n’avaient plus qu’à copier. Le résultat est sublime. Cette technique vient de l’art religieux italien, notamment utilisée pour des masques funéraires ».

Patrice Josset, directeur du musée Dupuytren. | Photo Anthony Renaud

Pendant tout le XIXe siècle, les chirurgiens ont cherché comment conserver, de manière moins onéreuse, les organes dans des bocaux, « dans tous les liquides envisageables, notamment du formol et de l’alcool » et non plus reproduire des modèles. Aujourd’hui, les nombreux fœtus mal formés, mains déformées, cerveaux décortiqués sont plongés dans du liquide translucide et gras, à base de glycérol, qui n’est ni toxique ni inflammable. Et qui s’évapore très peu. L’occasion pour le docteur aux bretelles de nous raconter sa dernière manipulation : « changer le bain de la sirène » ! Par « sirène », il faut voir ce fœtus, conservé tête à l’envers, jambes fusionnées, pieds joints faisant penser à une queue de poisson… « Il y a quelque chose de tendre dans le regard de ces enfants. Leur visage semble serein, d’autres sont effarés. La plupart des visiteurs sont plein de compassion. Ce ne sont pas que des choses dans des bocaux, c’est au-delà d’un musée », explique celui qui est anatomopathologiste à l’hôpital Trousseau et maître de conférence des universités.

Tératologie, cyclopes et monstres doubles

A proximité de la sirène, des cyclopes – un œil unique, pas de nez – des fœtus atteints d’ichtyose (anomalie de la peau qui lui donne l’aspect d’écailles) des siamois, des « monstres doubles » comme les appelle le docteur Josset. Et même des Janus, ces fœtus complètement fusionnés, à tel point qu’il y a deux têtes, une devant, l’autre derrière. Ou quand l’histoire ancienne et la mythologie rejoignent la génétique contemporaine… C’est aussi une des finalités du musée Dupuytren : la pédagogie. Au-delà de la tératologie (l’étude des malformations et anomalies dans le développement du fœtus chez les êtres vivants) qui attise la curiosité – perverse ou malsaine ? – c’est aussi l’occasion de s’interroger sur la beauté, la normalité et la différence. « Cela permet d’avoir un autre regard, une autre dimension du vivant, de voir un autre visage qui n’est pas forcément laid. Cela montre que la vie va dans tous les sens ».

La sirène, fœtus aux jambes fusionnées et pieds joints. | Photo Anthony Renaud

« Je suis à fond pour ce genre de musée. Il faudrait le faire découvrir à chaque élève dès la sixième, lance Martin Monestier, auteur du best-seller Les Monstres, encyclopédie culte consacrée aux phénomènes humains. Preuve de l’ignorance totale de la population, selon des statistiques, neuf hommes sur dix ne savent pas dessiner un sexe de femme ! Alors, leur parler de fœtus, d’accouchements, de mort-nés… c’est comme si vous mettiez un Néandertalien devant une explosion nucléaire : il ne sait pas d’où ça vient ni où ça va. »

Et lorsque l’on aborde l’hypothèse du voyeurisme chez les visiteurs, face à ces squelettes d’enfants aux crânes disproportionnés ou devant un fœtus aux viscères pendants, Patrice Josset est dubitatif. « Je crois que le voyeurisme est dans l’œil de celui qui regarde, pas dans ce que l’on regarde ». Le spécialiste des monstres, quant à lui, est plus affirmatif. « Il faut des voyeurs dans tous les domaines de la vulgarisation de la science. C’est grâce à eux que nous savons comment est le monde. Le voyeurisme, c’est une belle qualité du monde. La curiosité est récompensée car elle permet d’apprendre quelque chose. »