Les Ricains, ces cow-boys puritains

Les Ricains, ces cow-boys puritains

Les Ricains, ces cow-boys puritains

Les Ricains, ces cow-boys puritains

20 février 2012

Un homme a décidé de s’élever contre les clichés que nos cerveaux paresseux entretiennent sur les Etats-Unis. Spécialiste de l’Amérique du Nord, Jacques Portes déconstruit quelques-unes de ces images fantasmées dans un livre, Le paradoxe américain.

Cow-boys au Texas. | Photo FlickR, CC, Jeffrey K. Edwards

Les Américains sont tous des puritains. Une bande de cow-boys avec des gamins qui ne savent pas placer l’Europe sur une carte et qui boivent du Coca toute la sainte journée. Les Ricains prennent tous les barbus pour des terroristes et veulent américaniser la Terre entière, même la Russie. Et puis en plus, ils sont tous membres du Ku Klux Klan. Sauf les Noirs.

Un historien spécialiste de l’Amérique du Nord, Jacques Portes, veut en finir avec les idées reçues et clichés concernant les Etats-Unis d’Amérique. Hors de question de faire de l’angélisme concernant le pays de l’Oncle Sam, juste de réhabiliter certaines vérités.

Les Etats-Unis, c’est grand !

Voilà qui n’est pas une idée reçue mais bien une réalité. Celle-ci participe à la fabrication d’images préconçues concernant la culture américaine. Oui, le folklore cow-boy est assez bien répandu au Texas mais non, la mode du garçon vacher ne fait pas frémir de l’Etat de Washington jusqu’à celui du Maine ! « Aux Etats-Unis, ce qui est vrai localement n’est pas vrai globalement. Ils sont très vastes et très divers, cela génère une série d’images qui durent mais qui ne sont pas nationales. »

Le Ku Klux Klan représente une infime minorité, selon J. Portes. | Photo FlickR, CC, Arete13

Un pays pluriel dans lequel on trouve de tout, le pire comme le meilleur. Jacques Portes ne nie surtout pas le pire de la culture américaine. Mais, « tout n’y existe pas de manière puissante et majeure. » Comme on peut en avoir l’impression parfois, vu d’ici. Déformant, l’océan Atlantique ? 

Jacques Portes cite l’exemple du Ku Klux Klan. Il ne remet évidemment pas en cause son existence ou l’ignominie de son idéologie. Mais il insiste : « Le Ku Klux Klan existe, ce n’est pas une invention médiatique. Cependant, il représente une infime minorité. Mais on en a fait une généralité ! »

Et ces journalistes paresseux !

Planquez-vous journalistes ou vous le regretterez ! Les médias sont paresseux. Ils prennent toujours les mêmes images pour parler de choses dont ils ont l’habitude. « Traditionnellement, en France, on montre la Maison Blanche pour parler de politique. On parle du cinéma, alors c’est Hollywood qu’on aperçoit en fond d’écran, pourtant la plupart des films se tournent ailleurs. » Ou comment, jour après jour, construire une image inconsciente qui ne nous lâchera plus.

Pour parler de la politique américaine, en France, on montre la Maison Blanche. Cliché. | Photo FlickR, CC, MCS@flickr

Les médias iraient donc au plus facile. Dans le choix des visuels, pour que ceux-ci parlent bien à l’imaginaire de chacun, mais aussi dans le choix de leurs intervenants. « C’est en marge de mon livre. Mais par exemple, moi on m’appelle tout le temps quand on veut un spécialiste des Etats-Unis. C’est parce que je suis en haut de la liste. Il y en a d’autres très bons. »

Les Américains, une peuplade anglo-saxonne

L’idée reçue qui énerve le plus Jacques Portes est cette désignation quasi systématique des Américains comme étant des Anglo-saxons. « Dire des Américains qu’ils sont anglo-saxons est absolument imbécile. Autour de 1900, les Américains et les Anglais ont revendiqué très ouvertement d’être des anglo-saxons parce qu’à cause du Darwinisme, ils ont décrété être une civilisation supérieure, les Anglo-saxons. Ils excluaient les Français et les Français ont utilisé ce terme comme une sorte de défiance à l’égard d’une menace anglo-américaine. Maintenant, c’est devenu banal dans le langage courant, sauf que ça ne correspond plus à rien ! En 2050, la majorité des Américains ne seront plus blancs ! Les minorités seront plus nombreuses. L’Angleterre et les Etats-Unis sont des pays multiculturels, très variés où la souche qui se revendiquait anglo-saxonne est devenue minoritaire. Et c’était une souche profondément raciste. »

L'ouvrage de Jacques Portes

Soit, les Américains ne sont pas des Anglo-saxons, cette lointaine peuplade germanique du nord de l’Europe issue des Angles, des Jutes et des Saxons ayant envahi et conquis à partir du Ve siècle l’actuelle Angleterre (définition Wikipédia). Mais bon, tout de même, les Américains sont de fieffés puritains !

Les Américains, fieffés puritains

La France entière en est convaincue depuis que Bill Clinton a failli y laisser sa peau à cause d’une histoire de fellation. Pour Jacques Portes, les Américains ne sont pas plus puritains qu’en France. C’est juste qu’une fois de plus, le trait est grossi. Comme si une loupe grossissante surplombait sans cesse Christine Boutin et sa bande dans les médias américains ! 

D’abord niée, l’aventure fut finalement reconnue par l’accusé. L’Affaire Lewinsky, du nom de la stagiaire de la Maison Blanche avec laquelle Clinton s’était rendu coupable. La Chambre des représentants, à majorité républicaine, s’était prononcée en faveur de la destitution (impeachment), pour parjure. Dans le procès en destitution devant le Sénat, Bill Clinton sera finalement déclaré non coupable de parjure (la majorité des deux-tiers pour obtenir sa destitution n’ayant pas été atteinte). « Une majorité de la presse française a relayé l’information en indiquant qu’elle était liée au puritanisme ambiant. Mais pas du tout, c’était une manœuvre politique, menée par des conservateurs qui voulaient le départ de Clinton. Et qui ont utilisé cet argument parce qu’il faisait bien dans le décor. Mais près de 60 % des Américains soutenaient Clinton ! »

Bill Clinton, devant le Congrès américain, en 1997. | Photo White House Official

Il en serait donc fini de l’intransigeance des pères pèlerins du Mayflower dans la société américaine, concernant les histoires de fesses ? Non, le puritanisme existe bel et bien aujourd’hui. Mais une fois encore, il reste très minoritaire. En témoigne, la liberté des mœurs dans la jeunesse dorée ou indigente de nombreuses séries américaines (Gossip Girl, pas Sept à la maison).

Les Etats-Unis veulent américaniser le monde entier

« Non, ils subissent également les affres de la mondialisation comme la délocalisation. »  En quoi, le fait de subir la mondialisation empêche une possible américanisation du monde ? « Ça ne l’empêche pas, mais ça l’équilibre. Les Américains importent beaucoup de produits chinois et cela modère l’idée qu’ils sont présents partout. Ce qui a été la force des Etats-Unis, c’est que dans certains domaines bien précis, ils ont su inventer des produits mondiaux. Cinéma, iPad, iPhone, Disneyland, McDonalds. » Ils ont réussi à inventer des biens de consommation qui, très rapidement, ont été adoptés par le monde entier. Et qui ont réussi à intégrer de la même façon des cultures pourtant très différentes. Le cinéma et l’iPad étant plus sexy que les produits manufacturés chinois, on en parle davantage.

McDonalds au Japon, symbole de l'américanisation du monde ? | Photo FlickR, CC, Nicolacassa

Alors non, Kennedy n’a pas été le plus grand président des Etats-Unis. Non, les Etats-Unis n’auraient pas pu gagner la guerre du Vietnam. Non, les Américains ne sont pas que des individualistes. Il semblerait même qu’ils n’aient pas orchestré les attentats du 11-Septembre. Et tenez-vous bien, Jacques Portes nous a même confié que la plupart des Américains avaient une couverture sociale…

> Le paradoxe américain, Jacques Portes, Le Cavalier Bleu.