« Finding Phong », effacer le garçon

« Finding Phong », effacer le garçon

« Finding Phong », effacer le garçon

« Finding Phong », effacer le garçon

Au cinéma le

Depuis son plus jeune âge, Phong s'est toujours considérée comme une fille prisonnière d'un corps de garçon. Sortie de l'adolescence, elle doit prendre une décision qui va radicalement changer son corps et sa vie. Documentaire intimiste et sans filtre, Finding Phong est une touchante quête personnelle de "réparation" qui dévoile au passage l'état d'esprit de la société vietnamienne, entre rejet méfiant et ouverture.

Benjamine de six enfants, Phong a grandi dans une petite ville au centre du Vietnam avec la conviction profonde qu’une grossière erreur est intervenue au moment de sa naissance. Attirée par les hommes, Phong ne s’est jamais sentie gay. Elle en est persuadée, elle est destinée à être une femme, une vraie. Alors qu’à vingt ans elle rejoint Hanoi pour entrer à l’université, elle découvre qu’elle n’est pas un cas isolé et envisage de plus en plus sérieusement une opération pour devenir officiellement « elle ». Caméra au poing, Phong documente sa métamorphose qui la confronte aux peurs de sa famille et aux interrogations de la société. Un long périple l’attend avec au bout du chemin une éventuelle opération de réattribution sexuelle.

Finding Phong © JHR Films

Transformer

En larmes devant l’objectif et confiant ses états d’âmes désespérés, c’est ainsi que Phong apparaît au spectateur lors des premières minutes du film. En confiant une caméra au jeune transgenre qui se filme quotidiennement dans l’intimité de sa chambre, les réalisateurs Tran Phuong Thao et Swann Dubus ont choisi un procédé qui rappelle la télé réalité — et ses éventuelles dérives sensationnalistes — mais permet surtout à Phong d’exprimer librement ses angoisses face au mal-être qui l’habite. Passées ces longues minutes de plaintes face caméra qui peuvent rebuter de prime abord le spectateur, la personnalité attachante de Phong fait peu à peu surface et c’est avec une curiosité bienveillante que l’on suit sa quête d’identité, ou plutôt d’un corps en phase avec son identité. Mal dans sa peau de garçon, Phong préfère se filmer seule mais, au fur et à mesure que sa métamorphose s’opère, ce sont les deux cinéastes qui prennent le relais en filmant médecins, famille et amis qui accompagnent le jeune homme — qui accepte aussi bien le pronom il que elle pour le décrire — dans sa transformation. Et le voyage ne manque pas de piquant ! Extravertie et d’une certaine façon assez immature, Phong se livre à la caméra sans filtre ce qui donne naissance à des moments aussi touchants que cocasses. Malgré une insouciante légèreté qui flirte avec la naïveté — Phong est vierge de tout rapport sexuel et compte bien le rester jusqu’à sa transformation pour se préserver pour son futur mari —, il est bien décidé à devenir officiellement une femme et pour cela il faut passer par la case chirurgie.

Pour se séparer de ce « bout de viande qui ne sert à rien » selon sa propre définition de son pénis, Phong commence à prendre des hormones, enchaîne les rendez-vous avec des médecins et prévoit une opération qui aura lieu en Thaïlande. Et comme pour le reste, le documentaire ne cache rien de ce long périple pour changer de sexe. Des images très « médicales » de la transformation d’un pénis en vagin aux questions ayant attrait à la sexualité tout est très direct, dans le même état d’esprit qui anime Phong. Une liberté de ton qui offre des scènes particulièrement décalées à l’image de l’exposé du chirurgien thaïlandais qui explique au frère de Phong et à sa femme venus le soutenir pour l’opération l’importance de conserver la possibilité d’avoir un orgasme après la transformation.

Finding Phong © JHR Films

First lady

Avec ce ton libre qui s’affranchit des tabous, Finding Phong permet de parler de sexe et d’amour au sein de la société vietnamienne au-delà de la thématique des transgenres. En voulant devenir femme à part entière, Phong est confrontée par sa famille ou ses amis à un image stéréotypée de la féminité qui n’est pas forcément celle qu’elle fantasme. Fière de ses nouveaux seins qui pointent le bout de leur nez, Phong n’hésite pas à encourager sa mère à les tâter pour constater ce miracle hormonal. Une impudeur qui choque sa génitrice qui a déjà du mal à faire le deuil de son plus jeune fils et ne souhaite pas assumer une fille trop dévergondée à son goût. Et voici Phong renvoyée à une certaine idée de la féminité avant même d’avoir terminé sa transformation. Attention, certains comportements sont acceptables uniquement venant des hommes ! Très ouvert sur le sujet, le père de Phong incarne au contraire de façon étonnante un pays qui s’ouvre à ces questions d’identité. La sortie du film au Vietnam en 2015 a d’ailleurs contribué à faire passer une loi sur la possibilité pour les transgenres de modifier leur identité sur leurs papiers. Même si le documentaire de Tran Phuong Thao et Swann Dubus n’est ni polémique ni militant, il contribue à faire évoluer les mentalités de la société vietnamienne et au-delà.   

L’aspect le plus touchant du film et qui résume à lui seul les difficultés que peuvent vivre les personnes transgenres — parfois malheureusement avec une issue tragique — est l’espoir assez naïf de Phong d’être considéré comme une femme « normale ». Quelques temps avant l’opération, Phong se confie à une amie trans qui est passée par tout ce processus de changement de sexe et s’inquiète qu’on puisse la voir comme un lady boy. Après tout, pourquoi s’engager dans cette voie si au final la société ne nous reconnait pas comme femme ? Malheureusement son amie la prévient, elle devra assumer le regard des autres qui ne sera pas forcément ce qu’elle espère : à l’image de ce frère qui l’a soutenu mais a du mal à accepter cette sœur qui n’est pas vraiment une femme à ses yeux. Une mise en garde qui n’empêchera pas pour autant Phong de réclamer le corps qu’elle aurait dû selon elle avoir à la naissance.

Lueur d’espoir vers plus de bienveillance et de compréhension, Finding Phong a déjà contribué à faire avancer les droits des personnes transgenres au Vietnam et aide à changer les mentalités parfois parasitées par des clichés ou simplement une ignorance méfiante. Il n’y a pourtant aucune raison de ne pas accompagner la pétillante Phong dans son exaltante quête d’identité.

> Finding Phong, réalisé par Tran Phuong Thao et Swann Dubus, Vietnam, 2015 (1h30)

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