« Toto et ses sœurs », un nouvel espoir

« Toto et ses sœurs », un nouvel espoir

« Toto et ses sœurs », un nouvel espoir

« Toto et ses sœurs », un nouvel espoir

Au cinéma le

Depuis que leur mère est en prison, Totonel et ses deux sœurs sont livrés à eux-mêmes, entourés par leurs oncles dealers et des toxicos de passage. Un documentaire percutant et bouleversant sur les liens familiaux et l’espoir, vus à travers des yeux d’enfants.

Hovarth Ilie Nicusor Gabriel est un jeune garçon rom de 9 ans que tout le monde surnomme Totonel. Abandonné par son père et séparé de sa mère Siminica, incarcérée pour trafic de drogue, il survit depuis cinq ans avec ses deux sœurs Andreea, 14 ans, et Ana, 17 ans, dans l’appartement familial délabré devenu la planque de leurs oncles dealers d’héroïne et de clients en recherche d’un shoot.
Pour faire face à cette situation chaotique, la fratrie se sert les coudes. Ils apprennent à se débrouiller par leur propres moyens, en espérant que le retour prochain de leur mère signera la renaissance de cette famille totalement disloquée.

Toto et ses sœurs

Immersion discrète

Pour son troisième film, Alexander Nanau, réalisateur allemand né en Roumanie, s’est intéressé à la communauté rom, ses conditions de vie et plus particulièrement la façon dont les enfants grandissent dans la pauvreté. Après avoir rencontré Andreea et Toto, le cinéaste, convaincu que l’histoire de cette famille devait être racontée, a rendu visite à leur mère en prison. Cette dernière l’a autorisé à filmer ses enfants chez eux dans la banlieue de Bucarest pendant plus d’un an.

Le choc que procure le documentaire naît du parti pris de filmer l’intégralité du film en “cinéma direct”. Les séquences sont livrées telles quelles, dans l’ordre chronologique, le réalisateur s’étant interdit toute interview face caméra des différents protagonistes. Le fait de ne provoquer aucune situation et de laisser tourner sa caméra, quoiqu’il arrive, donne au film un aspect brut d’une sincérité désarmante et parfois difficilement soutenable, comme lorsque Toto et ses sœurs évoluent parmi les seringues de toxicomanes. Le réalisateur et son équipe restreinte au minimum ont réussi à se faire oublier pour capter au plus près la misère mais aussi l’espoir et la touchante entraide fraternelle qui anime les trois enfants.

Toto et ses sœurs

Le concept de documentaire d’observation prend une dimension nouvelle lorsque le cinéaste s’efface totalement et laisse la benjamine Andreea produire ses propres images. Lors du tournage, Alexander Nanau a appris à la benjamine de la famille à se servir d’une caméra et celle-ci a filmé seule certaines séquences du documentaire. Ces moments offrent une proximité et un naturel qu’il aurait été difficile d’atteindre même avec une équipe de tournage quasi invisible. L’une de ces séquences intimes dans laquelle Andreea tente de faire réagir son aînée Ana qui s’enfonce lentement dans l’enfer de la drogue est l’une des plus déchirantes du documentaire. Cette scène, éprouvante, échappe au voyeurisme morbide grâce à l’amour et la compassion de la cadreuse amateur pour sa sœur.

Héros du quotidien

Malgré son sujet très sombre, Toto et ses soeurs bénéficie d’une force irrésistible qui se lit dans les yeux de ses protagonistes : la folle lueur d’un espoir qui promet un lendemain meilleur. Si l’aînée de la famille a du mal à s’accrocher à ce rêve qui lui semble inaccessible, Andreea et Toto, soutenus par des professeurs et travailleurs sociaux bienveillants, tentent d’affronter ensemble leur condition. Ainsi, Toto s’accroche pour apprendre à lire et à écrire et se passionne pour la danse hip hop, une discipline pour laquelle il a des capacités indéniables. De son côté, Andreea réussit à échapper à leur appartement miteux et à se faire accepter avec son frère dans un orphelinat. Le courage et l’énergie que déploient ces gamins pour s’en sortir ou tout simplement cacher provisoirement une réalité trop sombre est admirable. Qu’elles soient symboliques ou concrètes, ces victoires sur leur situation délicate leur permettent de tenir au quotidien, en attendant des jours meilleurs auprès de leur mère.

Alexandre Nanau ne cache rien de la misère dans laquelle vivent Toto et ses sœurs sans jamais tomber pour autant dans la misérabilisme. Malgré des images parfois choquantes, le documentaire est paradoxalement rempli de moments de joie et de preuves d’amour qui définissent à merveille les concepts de famille et d’espoir.

Toto et ses sœurs (Toto si surorile lui), réalisé par Alexander Nanau, Roumanie – Hongrie, 2014 (1h34)

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