Vous ne faites pas partie des irréductibles qui s’acharneront à revêtir le masque du tueur de Scream et à se faire claquer au nez les portes d’un voisinage désespérément insensible au concept « trick or treat » ? Vos amis vous ont épargné la soirée à thème et vous leur en êtes reconnaissants parce que l’idée de trinquer avec de pseudos-zombies avinés (« c’est que tu vis ton personnage ou t’es vraiment beurré ? ») a tendance à vous donner envie de rompre tout lien social ? Il n’empêche, même si Halloween vous indiffère, pourquoi ne pas y trouver le prétexte à mater quelques bons films plus ou moins horrifiques ?
Voici quelques propositions sortant un peu des sentiers battus parce que vous n’avez besoin de personne pour vous énumérer les Halloween, Freddy, Massacre à la tronçonneuse et autres classiques du genre et que l’effroi, comme la vérité, peut parfois être ailleurs.
La soirée « épouvantable »
Vous êtes du genre à fuir quand on vous parle de films d’horreurs ? Prenez le concept à contre-pied et établissez une programmation "film horrible". Le plus simple est de piocher dans la filmographie d’animateurs télé et/ou d’humoristes qui feraient passer les blagues de fins de banquet pour des poèmes subversifs au charme vénéneux. Trois titres (presque) au hasard : Le missionnaire [fn]de Roger Delattre, 2009.[/fn] avec Jean-Marie Bigard ; T’aime [fn]Patrick Sébastien, 1999.[/fn] ou Le baltringue [fn]Cyril Sebas, 2010.[/fn]. Ce ne sont donc pas des films d’horreurs et pourtant leur simple vision pourrait bien vous laisser dans un état de sidération supérieur à l’effet qu’aurait produit sur vous Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980.). Et vous aurez passé une soirée beaucoup moins d’épouvante qu’épouvantable. Pari gagné.
La soirée « ce n’est pas parce que c’est Halloween que le bon goût cinéphile est proscrit »
Convaincu de ne pas vous infliger un « baltringue » ? Mais pour vous, le gore ne le fait toujours pas ? Pourquoi ne pas en profitez pour (re)voir des classiques. A commencer par La nuit du chasseur (1955), le seul et unique film de l’acteur Charles Laughton, célèbre pour son vrai faux pasteur (Robert Mitchum) aux mots "love" et "hate" tatoués sur les phalanges. Une pépite cinématographique qui verse dans l’imagerie des contes de fées et fait ressurgir les peurs de l’enfance.
Enchaînez ensuite avec Les innocents [fn]Jack Clayton, 1961.[/fn] une histoire de fantômes mélangeant fantastique et épouvante dans une belle atmosphère gothique. Finissez avec Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? [fn]Robert Aldrich, 1962.[/fn], un face à face en huis clos (ou presque) entre Bette Davis et Joan Crawford (qui incarnent deux sœurs rivales) orchestré par le réalisateurs des Douze salopards. Un film étrange et qui distille une atmosphère malsaine. Une œuvre hystérique et, par moments, glaçante.
La soirée « ne partez pas avant la fin ! »
Peuvent entrer dans cette catégorie tous les films à twist, c’est-à-dire comportant un retournement de situation final censé laisser le public sans voix (« oh lala ! Mais maintenant, je dois envisager le film d’un autre œil », dit alors la voix intérieure du spectateur). Vous en connaissez sans doute au moins une bonne dizaine (sinon, des moteurs de recherches vous y aideront). Parlons plutôt de ces films qui se concluent en apothéose. Injustement mésestimé, Phenomena [fn]Dario Argento, 1984.[/fn], est de ceux-ci, avec son final mixant grand-guignol et n’importe quoi avec quelques traits d’émotion. Si l’histoire de cette adolescente (Jennifer Connely) qui copine avec des insectes et apprend à dompter son sixième sens peut ne pas vous passionner, il y a peu de chances pour que vous oubliiez ses dernières minutes.
Idem pour The Mist [fn]Frank Darabont, 2007.[/fn], adapté d’une nouvelle de Stephen King -le réalisateur avait déjà porté à l’écran Les Evadés et La ligne verte, du même auteur- dont la dernière ligne droite a tellement marqué les esprits que des groupes lui sont consacrés sur Facebook. Il y a de quoi : les aventures de ces M. et Mme Toutlemonde coincés dans un supermarché pour cause de brume épaisse dans laquelle il vaut mieux ne pas se risquer, auraient mérité mieux qu’une sortie directement en vidéo. A noter que le DVD contient le film en version director’s cut, c’est-à-dire en noir et blanc. Ce devrait être le clou de la soirée : auparavant, mettez-vous dans le bain Stephen King avec Chambre 1408 [fn]Mikaël Hafstrom, 2008.[/fn] ou comment une chambre d’hôtel hantée peut retourner le cerveau de John Cusack. Pas vraiment un chef d’œuvre, mais il se regarde sans déplaisir et la dernière image peut être commentée avant de passer au choc The Mist.
Soirée « les petits mouchoirs »
Effroi et émotion peuvent être bons camarades. Comme dans Ne vous retournez pas (Nicolas Roeg, 1973), transposition à l’écran de Not after midnight, nouvelle de Daphné du Maurier, où l’on voit un couple faire le deuil de leur fille à Venise. Drame intimiste mâtiné de fantastique et d’horreur, il aurait aussi pu se glisser dans la catégorie précédente. Ensuite, si vous comptiez aller voir Let me in économisez huit euros et préférez visionner l’original, Morse [fn]Tomas Alfredson, 2008.[/fn]. Ce récit d’une amitié entre un blondinet souffre-douleur dans son collège et d’un vampire ose jouer la carte élégiaque et l’ambiance cotonneuse, tout en étant traversé de fulgurances horrifiques.
Enfin, le survival australien Wolf creek [fn]Greg Mc Lean, 2004.[/fn] pourrait bien titiller les glandes lacrymales des plus sensibles. Inspiré d’une histoire vraie (pour une fois, cela ne tient pas uniquement du simple argument marketing), il prend le parti de faire durer les scènes d’exposition plus longtemps que de coutume. Du coup, les personnages gagnent en consistance et l’empathie du spectateur à leur égard s’en trouve décuplée. Il vous sera permis de remettre votre masque de Scream et de vous en servir pour cacher vos larmes.