Tanxxx, la môme révoltée de la BD indé

Tanxxx, la môme révoltée de la BD indé

Tanxxx, la môme révoltée de la BD indé

Tanxxx, la môme révoltée de la BD indé

5 février 2013

A Angoulême, Tanxxx présentait "Faire danser les morts", la suite de "Rock, Zombie", une épopée déjantée sur fond de punk énervé, le tout mené à fond de caisse par une héroïne aussi drôle qu’impitoyable. Une BD qui lui ressemble, en fait.

Faire danser les morts et Rock Zombie ! | Photo Diane Saint-Réquier

A 36 ans et presque toutes ses dents, Tanxxx est un peu l’enfant terrible de la BD, celle qui met régulièrement des coups de pieds dans la fourmilière de l’édition. Ceux qui fréquentent la scène punk de Bordeaux connaissent déjà ses tracts, affiches et fanzines. Les internautes, eux, peuvent facilement découvrir ses linogravures et sa verve militante sur ses différents sites (son blog, son Etsy, son shop, son TumblR mais aussi sa page Facebook et son compte Twitter). Et les fanas de BD indé ne tarderont pas à se ruer sur ses deux opus, et à en réclamer d’autres… Dans « Faire danser les morts », Tanxxx renoue avec l’héroïne de sa première BD, « Rock, Zombie ! », parue en 2005.

Au milieu d’une apocalypse zombie, cette punk grinçante va découvrir comment elle peut utiliser la musique pour dézinguer les macchabées, et rêver à une société purgée des fans de Johnny Hallyday. On est clairement à 10 000 lieues des planches « girly », ces BD pour les filles, qu’elle avait si joliment conspuées sur son blog, et c’est jouissif. Ca parle de colère, de camaraderie, de musique aussi, comme un thème omniprésent et constitutif à la fois de l’histoire et du décor.

Artiste partout (justice nulle part)

Comment ça a commencé ? Comme tout le monde, en fait : « Un copain disait très justement que les dessinateurs sont seulement des enfants qui n’ont jamais arrêté de dessiner contrairement à beaucoup d’autres… ». Ensuite il y a au quelques esprits chagrins qui lui ont vaguement recommandé de faire un « vrai travail », puis le retour par la case Beaux Arts, à Angoulême, justement.

Depuis, Tanxxx s’est aussi lancée dans la linogravure, un procédé un peu atypique, où l’on sculpte du lino. Les parties en relief, une fois recouvertes d’encre, servent alors à imprimer une série d’affiches ou de tableaux. Quand elle s’y est mise, il y a 10 ans environ, c’était aussi pour « produire seule et en tirer un revenu […] surtout que j’ai trouvé une presse à épreuve (presse typographique) qui me permettait de faire des tirages plus propres et en plus grand nombre… » Une façon, aussi, de rendre ses œuvres plus abordables, ce qui lui tient à cœur.

Linogravures, collection LumenProlétariat. | Tanxxx

Pas question pour autant de ne faire que ça : « l’idée de me cantonner à une seule pratique m’ennuie terriblement. Quand je me lasse d’un medium, je passe à autre chose, ma plus grande crainte c’est de voir ce travail devenir routinier… je marche par périodes : j’alterne la BD la gravure, l’illustration, la peinture. La BD par exemple est très exigeante : il faut écrire, découper, dessiner, c’est un travail très long, fastidieux et trop peu rémunérateur, je ne pourrais pas être auteur de BD à part entière sans devenir cinglée et dans tous les cas complètement miséreuse. »

Une colère sourde (mais pas muette)

Mais quel que soit le support, la patte reste la même et les engagements de Tanxxx sont indissociables de sa production artistique. « Je crois qu’en fait j’ai toujours porté ça, une colère sourde, plus ou moins définie. Avec le temps, les rencontres, les lectures, ma colère a pris une forme, s’est précisée, et a toujours teinté mon boulot je crois. Jusqu’à ce que ça devienne une interrogation pour moi de savoir si je voulais parler de cette colère dans mon travail. J’ai essayé de séparer mon travail de ma vie, mais peine perdue : mon travail, c’est ma vie et j’ai vite vu que par exemple ne pas parler de politique sur mon blog ou ailleurs m’était impossible. »

Xylogravure, "Une certaine idée de la révolution". | Tanxxx

Une colère, qui a également été nourrie par les conditions de ce travail. « La condition d’artiste-auteur a renforcé ma colère, c’est une non-condition assez intolérable. On nous renvoie sans arrêt notre inutilité supposée, le mépris de ces métiers dépasse l’entendement et le peu de révolte dans ces milieux contre sa propre misère me laisse pantoise. Mes engagements et mon travail sont intimement liés : la condition d’artiste-auteur est la pire qui puisse exister, c’est le type de travail ultra libéral par excellence, le genre de relation que tout patron rêve d’avoir avec ses larbins. »

Argent trop cher

Auteure poil à gratter, Tanxxx est bien décidée à ne pas se laisser marcher sur les paras. Elle arrive à vivre de son art, « j’ai fait les comptes pour 2012 en net j’ai gagné environ 750euros par mois (une fois le matos et les cotisations payées) » mais ne se prive pas de dénoncer les pratiques quasi-mafieuses de certains dans le monde de l’édition. Pour le festival d’Angoulême, par exemple, où son éditeur, Même pas mal, a du débourser 1800 euros pour 2 mètres de table (pour une prise électrique sur le stand, compter 200 euros de plus), elle avait décidé de faire payer ses dédicaces, deux euros plutôt symboliques.

Quatrième de couverture de Rock Zombie. | Tanxxx

Pour elle, « l’auteur en festival est souvent la seule animation proposée au public, dans le cas du festival d’Angoulême le visiteur paye très cher une entrée dans une librairie géante, pour faire bosser gratuitement des auteurs. Les auteurs en dédicace sont défrayés, mais pas payés. Ils prennent sur le temps de repos ou de travail, pour certains ils passent la plupart de leurs week-end loin de chez eux et tout ça à l’œil. C’est une façon de faire du fric sur le dos d’auteurs qui ne coûtent pas cher à inviter. De plus sur un festival comme celui d’Angoulême, la dédicace est souvent perçue comme un dû. Mais faire payer la dédicace c’est aussi attirer l’attention que ça n’est pas le cas, que c’est un plus, et qu’un plus a un prix. »

Après avoir lancé l’idée sur Internet, Tanxxx avait reçu les critiques de « quelques trolls venus m’expliquer que je devais tout à mon public, que ma démarche était mercantile, bref que j’étais qu’une sale capitaliste ». Mais sur le Festival, le public a plutôt bien accueilli la démarche, qu’elle expliquait avec un tract.

Notre Dame des Luttes 2.0

Egalement engagée dans la lutte contre la construction de l’aéroport Notre Dame des Landes, Tanxxx a édité pour l’occasion une gravure de soutien avec la majorité des fonds reversés aux organisations présentes sur place. « Pour les stickers et d’autres visuels pour la ZAD ou même pour CQFD ou le Passe-Murailles par exemple, c’est du travail que je fais gratuitement, ils ne sont pas aussi longs et chers à produire. »

Flyer pour le ZAD, zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes. | Tanxxx

Pour ce combat-là, comme pour bien d’autres, Internet est un outil indispensable : « il m’a permis au départ de montrer ce que je faisais puis de nouer des contacts puis de vendre ma production sans intermédiaire. […] Mon boulot n’existerait pas sans cet outil, ou je n’aurais pas eu autant de liberté dans mon travail sans ça. Je me sers de mon blog un peu comme d’un fanzine sans la limitation de diffusion et à un coût très bas… Et internet permet surtout des rencontres que je n’aurais sans doute jamais faites, des collaborations inattendues. »

Actuellement, Tanxxx est en friche, elle laisse reposer son cerveau entre deux projets, mais des idées de BD commencent déjà à germer, normal, c’est presque le printemps !

Son questionnaire de Pivot :

> Ton mot préféré ?
Guibole

> Le mot que tu détestes ?
tolérance (souvent utilisé à tort)

> Ta drogue favorite ?
la bière

> Le son, le bruit que tu aimes ?
le ronronnement de mon chat Burzum

> Le son, le bruit que tu détestes ?
la moto du serrurier en dessous

> Ton juron, gros mot ou blasphème favori ?
putain / connard

> Un homme ou une femme pour illustrer un nouveau billet de banque ?
une tête de noeud quelconque.

> Le métier que tu n’aurais pas aimé faire ?
huissier de justice

> La plante, l’arbre ou l’animal dans lequel tu aimerais être réincarnée ?
un paresseux

> Si Dieu existe, qu’aimerais-tu, après ta mort, l’entendre te dire ?
« alors elle était pas bonne, ma blague ? »

pages
Date de publication
Éditeur
Page du livre sur le site de l’éditeur