Adolescent de 16 ans comme les autres, Manuel (Martín Miller) vit dans une petite ville côtière d’Argentine. Il passe son temps avec ses amis et sa petite-amie, va à la plage et joue de la basse dans un groupe de rock.
Cette routine se retrouve chamboulée lorsqu’il ressent une attirance nouvelle pour Felipe (Teo Inama Chiabrando), son meilleur ami.
Premier long
Avec Sublime, Mariano Biasin signe son premier long-métrage après avoir fait ses armes avec des formats courts. C’est grâce au court-métrage El inicio de Fabrizio (2015), lauréat de l’Ours de Cristal à la Berlinale – Génération Kplus 2016, que le cinéaste se fait remarquer.
Sélectionné dans plus de 50 festivals internationaux, le court-métrage – visible sur YouTube – possède un lien de parenté avec Sublime. Il explore une romance adolescente en introduisant l’idée d’un véhicule transformé en nid d’amour – et plus si affinités. Mais pour cette nouvelle histoire, le cinéaste argentin complexifie un peu la situation.
Chamboule tout musical
Réalisateur de clips vidéos et de documentaires pour le groupe finlandais Stratovarius, Mariano Biasin est lui-même musicien et fondateur du groupe argentin La suma de las Partes. Sa passion musicale déteint naturellement dans ce premier long-métrage où Manuel et Felipe font partie du même groupe de rock entre potes.
Cet environnement musical est un bon prétexte pour glisser habilement des idées et sentiments à travers les paroles des morceaux composés conjointement par Manuel et Felipe. En toile de fond, la musique modèle subtilement l’intrigue avant même que les protagonistes ne verbalisent voire comprennent véritablement leurs sentiments. Ce contexte de la création musicale qui cherche les bonnes notes et les bonnes paroles pour s’exprimer entre en résonance avec la quête de Manuel.
Sublime s’ajoute à la liste grandissante des films « coming of age », étiquette désignant les histoires de tourments adolescents divers associés au passage à l’âge adulte. Un genre en soi auquel s’ajoute la thématique LGBTQIA+ puisque Manuel est troublé par ses sentiments pour son très bon pote Felipe. Pourtant, Sublime est pensé de façon à esquiver les attendus du genre et surprend dans le traitement de cette attirance qui interroge Manuel.
Sans haine et sans reproche
En effet, le film de Mariano Biasin se refuse à utiliser le ressort habituel qui confronte le ou la protagoniste au rejet de son entourage. Au cours de son périple, Manuel ne se heurte pas à l’incompréhension de ses proches : ses amis et même son père – figure qui défend en général un patriarcat bien « viril » – s’avèrent très compréhensifs et bienveillants. Étonnant, cet univers « bisounours » où peur, rejet et haine sont totalement absents est un parti pris totalement assumé par le cinéaste.
Sans nier l’existence des LGBT+phobies au quotidien, Mariano Biasin épargne son jeune héros. En mettant de côté cette peur d’assumer ses sentiments face aux autres, Sublime n’emprunte pas le chemin conventionnel qui met en avant la discrimination, la honte voir la haine au cœur de l’intrigue comme défi à affronter pour mieux se révéler à soi-même. Sans la pression directe de l’homophobie, Manuel se retrouve confronté à sa gestion de ses sentiments.
En toute amitié
Cette vision d’un monde sans préjugés et plus tolérant permet de traiter le sujet de façon différente avec l’amitié au cœur du conflit qui hante Manuel. Film lumineux, Sublime est porté par la fraîcheur de ses interprètes dont le naturel vient renforcer cette exploration d’une découverte adolescente débarrassée d’un jugement anxiogène.
Soulagée de la crainte du rejet, l’attirance de Manuel pour Felipe, recentre le film sur la notion d’amitié. Avec une grande douceur, Mariano Biasin décrit un conflit interne qui est moins une lutte pour s’affirmer qu’une réflexion très intime sur le lien amical à l’épreuve de sentiments à fleur de peau.
Assumant sa conception d’un environnement tolérant, Sublime trouve son propre chemin au sein des films sur le passage à l’âge adulte traversés par une thématique LGBTQIA+. Soutenu par la musique qui adoucit définitivement les mœurs, ce périple adolescent charme par sa douceur et sa conception apaisante d’une découverte d’une sexualité sans pression.
> Sublime, réalisé par Mariano Biasin, Argentine, 2022 (1h40)