Sarah Chiche : lorsque Aimer défie la vie et le temps

Sarah Chiche : lorsque Aimer défie la vie et le temps

Sarah Chiche : lorsque Aimer défie la vie et le temps

Sarah Chiche : lorsque Aimer défie la vie et le temps
Rentrée littéraire 2025

2 septembre 2025

Après Saturne, Aimer confirme le talent singulier de Sarah Chiche : celui de transformer les blessures intimes en matière romanesque, dans une langue somptueuse qui explore les paradoxes de l’amour et du temps.

Le temps, le corps, l’amour : une géométrie secrète

Dans Aimer, Sarah Chiche orchestre le roman choral de deux vies entières, avec leurs élans, leurs gouffres et leurs recommencements. Nous sommes en Suisse, sur les rives du lac Léman. Margaux, petite fille négligée aux cheveux châtains et aux mains tachées d’encre, coincée entre une mère fantasque et un beau-père oppressif vit dans un monde trop étroit pour ses désirs.
Alexis, enfant sage, discipliné par une éducation helvétique, porte déjà en lui ce besoin de silence et cette pudeur qui l’empêcheront de dire ce qui compte.

Leur rencontre a « l’évidence d’une géométrie secrète, comme si certaines rencontres portaient en elles, dès le premier regard échangé, le plan d’un édifice invisible, patient et muet – ce que l’on nomme parfois, faute de mieux, l’éternité ». Séparés par le tumulte des adultes, ils grandissent loin l’un de l’autre, se construisent dans l’absence et dans ce manque inaugural qui, paradoxalement, les arme : « Cette première blessure t’a armé, t’a ouvert aux souffrances des autres. Elle te rendra plus capable de les écouter, et de les aimer. »

La langue ample et la beauté des instants

Dans Aimer, son sixième roman, Sarah Chiche déploie une écriture d’une ampleur rare, tantôt poétique, tantôt crue, qui se déploie avec la même intensité dans la description des paysages du Léman que dans la cartographie intime des corps. Tout devient matière à beauté et douleur, parfois indissociables : « Tout était bonheur, tout était révélation : le sel irritant les petites égratignures sur la peau, les rochers couverts d’algues visqueuses et de moules coupantes, le sable où des créatures minuscules menaient des existences discrètes. »

Adolescents puis adultes, Margaux et Alexis se perdent, se retrouvent, se dévorent. Le roman suit leurs métamorphoses – elle, spectrale, brûlant doucement de l’intérieur, lui, inébranlable et froid, prisonnier de ses silences – et déplie, dans des pages fulgurantes, le paradoxe de deux âmes qui n’ont jamais cessé de s’aimer, et de deux corps qui n’ont eu de cesse de se manquer.

« Aimer est le plus beau paradoxe. Une force obstinée qui hurle contre le temps dans des corps voués à la ruine. »

Les faiblesses : quand la démesure pèse

On pourra regretter quelques longueurs, une tendance au verbiage qui dilue parfois la force du récit, et un dernier acte trop dystopique, où la « petite histoire » des corps et des sentiments s’épuise sous le poids de la « grande ». Mais lorsque le roman reste dans cette tension intime — aimer contre le temps, contre le vide, contre soi — il touche à quelque chose d’universel et de déchirant.

Pour aller plus loin : à lire, la magnifique chronique d’Edwige Audibert sur le site de France Info. 

Couverture du livre Aimer de Sarah Chiche

Aimer de Sarah Chiche

384 pages
Date de publication
21 août 2025
Éditeur
Julliard
Page du livre sur le site de l’éditeur