Le 17 août de ce formidable été 2013, Robert De Niro, peut-être l’un des derniers monstres sacrés du cinéma hollywoodien (avec son double/poto/éternel rival Al Pacino) fête ses 70 ans. L’occasion pour nous de revenir sur la carrière de cet acteur prolifique hors norme, qui transcende et lie des générations et des générations d’amoureux du 7ème art : son art, ses films majeurs, ses succès, ses navets, sa vis comica…
Robert Mario De Niro Jr. naît à New York le 17 août 1943, dans une famille catholique d’origine italienne. Très vite, le jeune homme se lance dans des cours de comédie : d’abord élève de Stella Adler, il entre par la suite à l’Actors Studio, sous la direction de Lee Strasberg (professeur de James Dean, Paul Newman ou encore Brando et Monroe). Il foule les planches de Broadway dans les années 60 et décroche son premier petit rôle dans The Wedding Party (Brian de Palma, 63, sorti en salle en 69). Il tourne de nouveau avec ce réalisateur de trois ans son aîné en 1968 dans Greetings et apparaît dans Trois chambres à Manhattan (Marcel Carné, 1965). Mais c’est dans les années 70 que son talent explose à la face du monde avec une succession de films majeurs : Mean Streets (Martin Scorsese, 1973), Le Parrain II (Francis Ford Coppola, 1974), Taxi Driver (Scorsese, 1976), 1900 (Bernardo Bertolucci, 1976), Voyage au bout de l’enfer (Michael Cimino, 1978). Ces pépites marquent le début d’une carrière riche de près de 100 films et frôlant le sans faute jusqu’au mitan des années 90 (Casino, Scorsese, 1995; Heat, Michael Mann, 1996) avant de peu à peu s’effondrer malgré quelques sursauts (Machete, Robert Rodriguez, 2010; Happiness Therapy, David O. Russell, 2012).
Adepte de la méthode
S’il y a bien un terme pour décrire Robert De Niro qui revient lorsque des collaborateurs parlent de lui, c’est « perfectionniste ». Le comédien, à l’instar d’autres artistes talentueux de sa génération (Dustin Hoffman, Harvey Keitel, Al Pacino ou de glorieux aînés, Marlon Brando, James Dean) est un fervent adepte de la Méthode. Il ne recule devant rien pour coller au plus près des personnages qu’il interprète, et ce dès ses débuts. Aussi conduit-il un taxi des nuits entières pour préparer son rôle du vétéran du Vietnam Travis Bickle (Taxi Driver) ou prend-il 30 kilos pour composer le boxeur Jake La Motta dans Raging Bull(Scorsese, 1980). Il livre ici une interprétation phénoménale, passée à la postérité par la scène de l’engueulade entre Jake et son frère (interprété par l’irrascible Joe Pesci) et le fameux « you fucked my wife? ».
L’acteur apprend également à jouer du saxophone pour New York, New York (Scorsese, 1977) et prend de nouveau énormément de poids pour des rôles apparaissant peu à l’écran, dans un souci total de véracité (Les Incorruptibles, De Palma, 1987 et dans une moindre mesure, Copland, James Mangold, 1997). Son art de la transformation peut prendre d’autres aspects: il est ainsi partculièrement affuté dans Raging Bull ou dans Les Nerfs à vif (Scorsese, 1991) et ne rechigne pas à supporter des heures de maquillage (Frankenstein, Kenneth Brannagh, 1994 ; Rocky et Bullwinkle, Des McAnuff, 2000).
Le physique atypique (il n’a jamais été un jeune premier et malgré un charisme certain, il n’a jamais affolé la gente féminine, au contraire d’un Brando ou d’un Dean) et le perfectionnisme de De Niro l’ont amené assez rapidement vers des rôles de truands ou de sociopathes divers et variés. Son jeu prend alors sa pleine mesure et se caractérise par une maîtrise de l’espace (toute pièce qu’il pénètre lui appartient d’office et par extension, tout ce qui s’y trouve, autres personnages compris), par une présence folle et un jeu de regard d’une grande puissance. Une scène des Incorruptibles met bien en évidence cette caractéristique ; un barbier rase Al Capone (De Niro) mais se rate, tandis que le caid est interwievé: d’un regard on sent la violence larvée du truand et la barbier comprend bien que sans la présence de témoins gênants, c’en était fini pour lui. Bob, c’est rien de moins que le regard le plus flippant du cinoche de ces 40 dernières années, aspect de son jeu qu’il n’hésite pas à parodier dans la saga Mon Beau-Père et moi. Notons également que le comédien peut tirer son inspiration de sa vie quotidienne: il improvise ainsi le fameux « you talkin to me? » (dans Taxi Driver), entré depuis dans la légende, s’inspirant d’un Bruce Springsteen déchaîné qu’il a vu en concert en 1975.
Par ailleurs, si Robert De Niro a pu enchaîner avec une facilité déconcertante les rôles de fous furieux, c’est bien grâce à sa capacité à exploser dans des éclairs de violence qui ont marqué de leur empreinte l’histoire du cinéma. On pense souvent à la célèbre scène de Joe Pesci dite du « stylo » dans Casino (Scorsese, 1995) mais ce dernier n’a pas le monopole des fulgurances ultra violentes. Voici quelques uns des dérapages de De Niro: tabassage de son frère et de sa femme (Raging Bull), semi viol (Il était une fois en Amérique, Sergio Leone, 1984), massacre de proxos (Taxi Driver), arrachage de coeur (Frankenstein), de joue (Les Nerfs à vif), coups de batte de base ball (Les Incorruptibles), meurtre sur un coup de tête (Jackie Brown, Quentin Tarantino, 1997)…. Ces rôles investis et durs lui ont permis de se trouver à l’affiche de films majeurs, de remporter des Oscars (Raging Bull, Le Parrain II) et de travailler avec les plus grands réalisateurs (Coppola, Tarantino, De Palma, Bertolucci, Kazan, Cimino et évidemment Scorsese avec lequel il a tourné pas moins de huit films dont les chefs-d’oeuvre Les Affranchis, Taxi Driver, Casino et Raging Bull).