Pas évident de garder le contact lorsqu’on ne vit pas dans le même pays. Maya et son papa sont confrontés à cette situation qui ne facilite pas la communication au quotidien. Mais lorsque le père s’appelle Michel Gondry, la créativité ne manque pas pour égayer une réalité qui manque de folie. Pour continuer à raconter des histoires à sa fille Maya, Michel Gondry se lance dans un défi original.
Il demande à sa fille « Maya, donne-moi un titre » et se sert de sa réponse souvent farfelue comme base pour inventer un dessin animé inédit dont elle est l’héroïne. À l’aide de bouts de papier découpés puis animés, ces histoires loufoques et poétiques permettent de garder le lien et suivre l’évolution de sa progéniture à distance.
En avant les histoires
Le lien animé à distance entre Michel Gondry et sa fille Maya n’est pas une première, le cinéaste l’a déjà expérimenté avec son fils pendant un an. À l’époque, la méthode est beaucoup plus rudimentaire car l’échange prend la forme de fax ! Le garçon de 12 ans – il en a désormais 32 – reçoit régulièrement une bande-dessinée fantastique dont il choisit l’histoire parmi plusieurs propositions faites par son père. À chaque page, trois possibilités de suite sont proposées et orientent l’évolution du récit.
Pour sa fille Maya, le processus a suivi l’innovation technique et l’expérience de Michel Gondry en passant au niveau supérieur avec l’animation. Une chose reste cependant au cœur du projet : l’impulsion créative provient de l’enfant qui décide de la base de l’histoire. Ici la jeune Maya est maître de chaque aventure et son père doit s’inspirer d’un titre souvent… étonnant.
Animé de bonnes intentions
Les cinéphiles adeptes de Michel Gondry ne seront pas étonnés de son utilisation du dessin animé pour concrétiser les histoires farfelues qui sortent de son imagination. Dans Le livre des solutions (2023), dernier long métrage très personnel – lire notre critique, le cinéaste utilise l’animation pour une histoire de renard à l’intérieur du film. Dix ans auparavant, Conversation animée avec Noam Chomsky (2013) – lire notre critique – démontre les capacités de Michel Gondry à manipuler une animation basique et efficace, ici dessinée à la main, pour illustrer des conversations avec le célèbre linguiste activiste.
Débutée avec un court dessin animé pour les trois ans de sa fille, l’expérience de Michel Gondry s’est complexifiée au fil des six années qu’à duré l’expérience. Des personnages de la vie quotidienne de Maya ont rejoint les aventures qui devenaient de plus en plus fantastiques. Maya donne-moi un titre démontre cette évolution de l’imaginaire enfantin vers l’adolescence. Conçues comme des histoires au coucher, les titres et les dialogues qui s’affichent à l’écran étaient lues par la mère de Maya qui faisait ensuite des retours sur ses réactions. Ainsi tout le monde prenait part à ces drôles d’aventures animées.
Maya participe d’ailleurs à la révélation publique de ses histoires en apparaissant entre les films pour les présenter. Pour donner vie à ces aventures en papier découpé aux thèmes aussi farfelus qu’un mer polluée au ketchup, entre quinze jours et un mois et demi étaient nécessaires. Pour leur passage sur grand écran, Michel Gondry a fait appel à son filleul Pierre Niney qui l’a incarné dans Le Livre des solutions qui réalise la voix off accompagnant ces aventures. Un autre film est d’ailleurs en préparation, cette fois-ci avec Blanche Gardin à la narration.
Partage d’écran
Au fil du temps, les histoires imaginées par Michel Gondry sont plus longues, leurs thèmes et l’animation gagnent en complexité. Le temps suspendu du confinement subi lors du Covid a joué sur cette tendance. Les dessins animés s’éloignent ainsi du « time lapse » d’origine et s’approchent de la véritable animation même si celle-ci reste volontairement rudimentaire. Cette simplicité est revendiquée par le cinéaste qui prône une reconnexion avec un imaginaire enfantin perdu de vue.
Avec ces films, Michel Gondry invite à explorer sa propre créativité en créant sa propre réalité. Pour cela, l’animation est un médium qui s’avère très efficace avec des moyens modestes. Cette expérience à longue distance est également une invitation à utiliser les écrans autrement. Sans forcément se lancer dans la production de films artisanaux, l’esprit de cet échange entre Michel Gondry et sa fille est celui d’un partage d’écran au sens premier du terme.
Alors que les écrans divers (téléphones, ordinateurs, télévisions…) vampirisent notre attention, Maya donne-moi un titre les imagine comme outil de création partagée entre parents et enfants plutôt que de subir leurs algorithmes, chacun de son côté.
Recueil d’histoires distrayantes, Maya donne-moi un titre dévoile une nouvelle facette intime de Michel Gondry à travers une expérience pour conserver le lien avec sa progéniture qui devrait amuser les plus jeunes et intéresser les parents. L’animation sera bientôt de retour dans l’œuvre de Michel Gondry car des séquences de feux d’artifices stylisés en animation sont annoncées dans son prochain film, une comédie musicale. Tout un programme !
> Maya, donne-moi un titre, réalisé par Michel Gondry, France, 2024 (1h01)