Mariage pour tous, des débats et des Hommes

Mariage pour tous, des débats et des Hommes

Mariage pour tous, des débats et des Hommes

Mariage pour tous, des débats et des Hommes

1 février 2013

L’Assemblée nationale, ce n’est pas que des bonshommes bien rasés qui se grattent le ventre, heureux de leur position sociale. L’Assemblée nationale, ce n’est pas qu’une cour d’école lambrissée où fusent les quolibets. Parfois, dans l’Hémicycle, se disent de grandes choses, de celles qui composent les fondements d’une société. Retour sur quelques grands débats qui ont divisé la société et l’Assemblée nationale. Des avancées pour les femmes, pour les homosexuels. Surtout pour la société.

Neuwirth défend la pilule contraceptive

Dans les années 60, la France en est toujours à la loi du 31 juillet 1920. Une loi qui réprime «  la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle ». L’avortement, outil du diable. La contraception, quel vilain mot. Aucune information concernant les pratiques contraceptives n’est donnée au public. Et pour cause, le faire serait passible d’une peine de prison.

Contrôler sa maternité ? L’Eglise est contre, l’Ordre des médecins est contre et le parti au pouvoir, la droite de de Gaulle, est contre. C’est pourtant bien un gaulliste convaincu qui va aller au charbon pour introduire en France cette petite pilule magique. Lucien Neuwirth, dit Lulu la pilule, y croit depuis un séjour en Angleterre, résistant au côté de de Gaulle. Il y a découvert le gynomine, contraceptif en vente libre dans les parfumeries londoniennes. Il dépose une proposition de loi en mai 66. L’homme est soutenu par la gauche uniquement et le Planning familial. Il est toutefois ravigoté par un rendez-vous à l’Elysée avec le Président : « C’est vrai. Transmettre la vie c’est important, ce doit être un acte lucide. Continuez », lui dira-t-on malgré les cris d’orfraie d’Yvonne.

Une de Paris Match sur la légalisation de la pilule contraceptive.

« Si l’on veut des nourrissons, il faut que la femme n’envisage pas la grossesse comme une catastrophe et que l’État prépare le berceau avant de réclamer l’enfant », lâche-t-il à l’Assemblée nationale le 1er juillet 1967. Tandis que bruissent les insultes des opposants outrés : « L’homme de la débauche », « l’assassin d’enfant », « le fossoyeur de la France ».  Limiter la force et la puissance procréatrices de l’homme fâche.  « Les hommes perdront la fière conscience de leur virilité féconde, et les femmes ne seront plus qu’un objet de volupté stérile« , clame un député. L’un de ceux qui a cru qu’on voulait le castrer. 

La loi passe. Le texte est promulgué par de Gaulle le 28 décembre 1967 où il passe les fêtes de fin d’année en famille à Colombey-les-Deux-Eglises. Yvonne s’étrangle dans un coin de la maison, tandis que Lulu la pilule devient le héros des féministes.

Veil défend l’IVG

« Pour ma part, je le dis gravement, je rejette l’avortement comme méthode de contraception, mais j’accueille les femmes qui s’y trouvent contraintes, aujourd’hui par la faute de notre législation, de l’hypocrisie de notre société, et aussi, nous devons le reconnaître, par la faute de l’écrasant et séculaire égoïsme masculin. »

Simone Veil défend le droit à l'avortement. Photo DR

1974. L’accès à la pilule contraceptive est récent. Voté en 1967, le décret qui rend la loi véritablement effective n’apparaît qu’en 1972. La libération sexuelle avait fait son oeuvre. On baise beaucoup, mais on prend encore peu la pilule. Seules celles qui ont de l’argent peuvent partir en Suisse ou en Grande-Bretagne se faire avorter. Les autres accueillent leur bébé qu’elles ne sont pas prêtes à avoir ou terminent chez les « faiseuses d’anges » qui pratiquent des avortements à l’aiguille à tricoter sur la table de cuisine. Mais les choses bougent. 

Le 5 avril 1971 paraît dans le Nouvel Obs « le manifeste des 343 » – les salopes de Charlie Hebdo. Des femmes avouant publiquement qu’elles avaient subi un avortement. 343 hors la loi. Mais la justice ne moufte pas. En 1973, suit le manifeste de 331 médecins, en faveur de l’avortement. Entre deux se tient le procès de Bobigny, une jeune  mineure et quatre femmes adultes sont jugées. La première pour avoir avorté après un viol. Les autres pour pratique ou complicité d’avortement. L’avocate Gisèle Halimi les défend. Aucune des femmes n’est condamnée. La société civile est presque à point.

Simone Veil s’empare du dossier et affronte les insultes sexistes et machistes des cols blancs de l’Hémicycle.
Elle remporte la mise en 1975, non sans y laisser deux ou trois plumes.

Bachelot défend le PACS

Si les débats autour du Pacs furent l’occasion pour Christine Boutin de démontrer l’ampleur de ses talents de comédienne, il furent aussi l’occasion d’une empoignade historique entre la gauche, alors au pouvoir, et l’opposition. Une première tentative est faite le 9 octobre 1998. Le gros flop. L’opposition demande et obtient une exception d’irrecevabilité, fait rarissime ! Quelques réajustements plus tard, le 3 novembre 1998, la gauche revient avec un nouveau texte. Christine Boutin, UDF à l’époque et son allier pour l’occasion Philippe de Villiers prédisent la destruction pure et simple de notre société. Près de 12 000 amendements sont déposés par l’opposition, les débats sont interminables.

A droite, isolée, Roselyne Bachelot, RPR, monte à la tribune pour défendre le Pacte civil de solidarité. Le 7 novembre, elle prononce à l’Assemblée un discours écrit avec Philippe Seguin qui s’abstiendra lors du vote. Un discours qui a fait son petit effet. « Enfin et pour lever toute ambiguïté, je réponds à la question. Le pacte de solidarité a-t-il pour origine une revendication portée par les associations homosexuelles ? Eh bien oui, bien sûr, mais qui mieux que des homosexuels pouvaient à partir de leur expérience de solitude, de rejet, de mépris, faire le diagnostic, des difficultés qui rongent notre société. Ils et elles ne veulent ni le dégoût des saintes nitouches, ni la commisération des dames patronnesses. Cela était l’honneur des ces associations de faire des préconisations qui refusaient les solutions communautaristes, forcément stigmatisantes, pour bâtir un projet, ou chacun et chacune d’entre nous pourra se retrouver, lui, ses enfants, ses parents, à un moment ou à l’autre de sa vie, car finalement nous ne reconnaissons ici qu’une communauté, la République. »


La grandiloquence de Bachelot, Les pleurs de Boutin, la colère de Jospin, les discours fleuve de Guigou. Une longue empoignade d’un an et l’adoption du PACS intervint finalement, le 13 octobre 1999.

Taubira défend le mariage gay

Christiane Taubira aura elle aussi eu son grand moment, son discours grandiloquent, debout à la tribune de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2013. Un plaidoyer pour le mariage homosexuel prononcé dans le cadre de l’ouverture du débat sur le projet de loi relatif au mariage pour tous. Lyrique. « Nous parlons d’hypocrisie pour ceux qui refusent de voir ces familles homosexuelles et nous parlons d’égoïsme pour ceux qui s’imaginent qu’une institution de la République pourrait être réservée à une catégorie de citoyens. » 

Touchante lorsqu’il s’agit des enfants, les 40 000 enfants élevés par des couples homoparentaux dont l’un des parents n’est pas reconnu en tant que tel. « Alors oui Monsieur le député, le gouvernement présente un texte de loi de grand progrès, de grande générosité, de fraternité et d’égalité et nous apportons la sécurité juridique à tous les enfants de France et je peux vous dire que j’en suis particulièrement fière. »Grave, solennelle et passionnée, la garde des sceaux a ravi son camp. Elle a mis le feu tandis que bruissaient les grondements des députés de l’opposition. Un discours qui restera dans les annales, au moins dans celles de la Vè république. A gauche, on veut même y voir du Veil de la grande époque.