On pouvait les apercevoir dans les allées du Salon de la Mort ! qui se tenait pour la première fois, début avril à Paris, au Carrousel du Louvre. Pour certains, c’était leur premier salon professionnel, une première occasion de s’exposer et de glaner quelques clients.
Brigitte, venue des environs de Nîmes, s’affaire devant des cercueils colorés, exposés sous l’éclairage artificiel. Ils sont en carton recyclé, bariolés. Des cercueils en cellulose, amidons de maïs et de pomme de terre. « Moins lourds, ils brûlent plus vite qu’un cercueil classique. Quinze minutes gagnées pendant la crémation, ça fait une vraie différence ! ». Brigitte, « la seule à faire ça en France », propose de personnaliser un cercueil avec une photo issue d’une banque d’images, ou même une photo du défunt. L’entreprise, qui existe depuis trois ans, fonctionne bien pour différentes raisons, et pas uniquement pour l’aspect écolo : « Le papier plaît aux gens. Cela coute 50 % moins cher que le bois (en moyenne 650 euros – il faut au moins compter le double pour un cercueil en bois, NDLR). Et j’entends souvent les personnes dire "ça va brûler de toute façon, alors autant prendre du carton !" »
Pour 6000 euros, une urne cinéraire à votre image
Dans les allées du salon, il valait mieux mettre ses questions existentielles de côté, sous peine d’être pris d’effroi. L’aspect spirituel était bien présent, décliné sous forme de conférences et d’invitation à la réflexion. Mais le Salon de la Mort ! est avant tout un salon commercial, dont certains exposants sont prêts à exploiter sans vergogne tendances mégalo et comptes en banque bien remplis. Ainsi, pour 6000 euros, vous pouvez vous faire fabriquer une urne cinéraire à votre image – selon votre budget, la forme peut être celle de votre buste ou seulement de votre visage. Cela commence par une photo en 3D, puis le sculpteur vous façonne en bronze, à la manière des vases étrusques – en toute simplicité.
La cible ? « Les vivants ET les mégalos ! », affirme en riant Michel, le sculpteur à l’origine du concept. Pour preuve, son prospectus publicitaire : « Ce concept s’adresse tout particulièrement aux personnes ayant le souhait de pérenniser leur image et ainsi immortaliser le souvenir de leur identité, dans une action volontaire et réfléchie… de leur vivant. » Et pour celui qui n’en aurait pas eu assez, demeure la possibilité de faire graver de sa main l’épitaphe de son choix sur l’urne. Notre passage sur le stand fut trop court pour rencontrer de potentiels clients. Michel refusera de nous dire combien il en a eu en neuf ans d’activité.
Des cendres en diamants ?
Près de lui, des bijoux scintillent dans une petite vitrine – des diamants, plus précisément. Notre sculpteur explique partager le stand avec les créateurs hollandais, qui n’ont pas pu faire le déplacement. Mais pourquoi des diamants dans un salon de la Mort ? Pour se réincarner dedans, bien sûr. Il est désormais possible de faire transformer, « grâce à un processus unique », ses cendres en carbone, puis en diamants. Vous qui avez toujours rêvé de porter Mamie en boucles d’oreilles, vous voilà exaucé contre une somme pouvant grimper jusqu’à 20 000 euros.
Face à de tels chiffres, une question toute simple : « y a-t-il des gens qui peuvent se le permettre financièrement ? » Et notre sculpteur de nous confirmer que ça marche. Mais « surtout aux Etats-Unis. En France, impossible à cause de la législation autour de la séparation des cendres [fn]Selon la loi du 19 décembre 2008, les cendres sont en leur totalité : soit conservées dans l’urne cinéraire qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium/un caveau à urnes ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur d’un cimetière ou d’un site cinéraire ; soit dispersées dans l’espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire ; soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques (Source : Crematoriums.fr)[/fn]. » Mais de toute façon pour lui, l’Homme n’est pas l’avenir de cette entreprise. « L’avenir des diamants funéraires, ce sont les animaux de compagnie ! » Plait-il ? « C’est très sérieux ! Vous n’imaginez pas ce que les gens sont prêts à débourser pour leur chien », explique Michel. Effectivement, on n’imaginait pas. Michel lui est très sérieux, il fait de grands gestes et parle cimetières pour animaux.
Nous quittâmes Michel un peu sonnés. Un dernier détour par les tombes végétalisées, plus jolies que vraiment écolo, par les stèles funéraires dont l’énergie solaire ne sert qu’à les faire vaguement briller, et on serait tenté de quitter pour de bon les innovations en matière de mort pour aller piller le stand de Deadlicious, dont la seule présence dans ce salon était liée à leurs chocolats et pâtisseries rock’n’roll en forme de têtes de mort. Aucun rapport, mais de la chaleur – et c’est dire si en partant, on avait un peu froid.
Photo page d’accueil : Eugene W. / Stock.xchng