Avant de vous lancer dans un one-man show, vous avez fait près de 14 ans de X. Comment vous êtes-vous retrouvé dans le métier ?
Je suis rentré dans le X complètement par hasard. J’avais 27 ans, j’étais en vacances avec des copains à Marseillan, dans l’Hérault. Un jour, j’ai franchi la ligne rouge et je suis rentré dans un sauna du camp naturiste voisin, au Cap d’Agde… Là, on m’a dit : « Jeune homme vous avez un excellent coup de reins, vous devriez faire du porno ». Il m’a donné un numéro de téléphone, j’ai appelé. On m’a dit de faire mon test HIV et de venir tourner deux jours après. J’ai tourné ma première scène dans une volière, avec un mec et une nana. Tout de suite, j’ai été très pro.
C’est quoi être « très pro » pour un acteur de X ?
J’ai immédiatement maîtrisé tous les mécanismes des acteurs professionnels. C’est-à-dire que ça montait et ça descendait sur commande (son sexe, n’ose-t-il pas prononcer par pudeur, NDLR). Quand il descendait, je savais instinctivement comment le faire remonter.
Et cette première expérience vous a-t-elle convaincu ?
Oui. Je suis rentré à Lunéville où je vivais à l’époque, et j’ai tout lâché.
Vous avez lâché quoi ?
J’étais au chômage donc ce n’était pas trop difficile de tout lâcher, en fait (rires). J’avais dix francs en poche, je suis allé à Paris et je n’ai plus arrêté de tourner. Sur mon deuxième film, je me suis fait encore remarquer. Je tournais une scène avec six autres types et une fille. Les mecs ont tenu 5 minutes et moi 45. On se disait : « lui, il n’est pas comme les autres ». Je me faisais connaître, petit à petit. Et aujourd’hui, j’ai fait plus de 700 films. A un moment, je tournais deux scènes par jour, vingt-cinq jours par mois.
Vous n’étiez pas épuisé ?
Si, j’étais un peu fatigué mais j’étais épanoui. Je m’amusais et je prenais vraiment du plaisir à faire ce métier. Si la fille en face de moi ne m’excitait pas je pensais à une autre fille, mais j’avais toujours du plaisir.
L’industrie du porno est aujourd’hui en crise. Vous croyez qu’on peut la sauver ?
Le X meurt à cause d’Internet. Mais maintenant, on ne pourra plus éliminer les sites comme YouPorn (l’équivalent de YouTube pour les vidéos pornographiques, NDLR). Ce qu’il faut pour sauver le porno, c’est revenir aux films des années 70 et 80. L’âge d’or du X, avec Brigitte Lahaie, le 35 mm ! J’adore ces films scénarisés, sophistiqués, avec une vraie ambiance ! La porte de sortie, c’est la scénarisation. Les gens accepteraient de payer pour une chaîne de télévision réservée à ce type de porno bien spécifique. Et pour ceux qui veulent se masturber, ils n’ont qu’à aller mater des « gonzo » dans des sex-shops !
On ne se masturbe pas devant des films scénarisés ?
Si, mais on le fait avec glamour. C’est beaucoup moins trash !
Vous avez commencé le X en 1997 et, dès 1999, vous avez tourné pour le cinéma traditionnel dans Un tueur aux trousses, avec notamment Michael Keaton et Judith Godrèche. Vous avez passé un casting ?
Non, c’est toujours le cinéma classique qui est venu me chercher. Je ne lui ai pas couru après !
Pourquoi venir vous chercher, vous, un acteur de film porno ?
A cause de ma gueule de mafieux, je pense. (Il chante alors Le Métèque, de Georges Moustaki). J’ai toujours aimé le cinéma, jouer la comédie. Dans chacun de mes films X, je donnais un petit côté comique à mes personnages. Je voulais être moi-même, naturel, et que ce personnage se remarque à l’écran. Je ne choisissais que des films où je pouvais jouer la comédie avec un scénario construit. J’étais dans des productions de luxe avec Dorcel. Je ne tournais presque plus dans des « gonzo » mais dans les grandes productions, avec des équipes importantes. Sur les films de John B. Root (réalisateur français de films X, NDLR), on fait des lectures tous les matins. Il existe des films à textes dans le porno !
En 2003, on vous retrouve dans Bienvenue au gîte, de Claude Duty !
Oui, j’étais au McDo avec toute l’équipe d’un film, avec Clara Mogane et Fred Coppula, et je reçois un coup de téléphone me disant d’aller sur le casting du film. J’y vais, on m’explique mon rôle. J’avais une scène avec Julie Depardieu où je devais baisser mon pantalon. Je leur ai dit que c’est ce que je faisais toujours et que cette fois, j’aimerais garder mon pantalon et avoir du texte. J’ai donc fait des essais pour le rôle de Julien. Une heure après, ils me rappelaient. J’avais le rôle ! Ma mère était très heureuse. C’était le plus cadeau que je pouvais lui faire ! Marina Foïs l’a dit sur un plateau de télévision : « Il a gardé son slip et sa mère était très fière de lui ».
Après ce rôle, je savais que je voulais m’orienter vers le cinéma traditionnel.
Et après le film, votre carrière « habillée » a décollé ?
Je me suis formé, j’ai pris des cours, j’ai fait du théâtre. La presse avait beaucoup parlé de mon rôle, il avait plu mais on ne m’appelait pas. Je venais du X et en France, il y a quelques balais à enlever à un certain nombre de personnes et à certains endroits. Il faut savoir jouer avec une étiquette venue d’ailleurs. C’est l’art et la manière de jouer avec l’étiquette sans la décoller !
Vous ne pourrez sans doute jamais enlever cette image de star du X. C’est un vrai problème pour vous ?
Pas du tout, je suis très fier de ce métier. Je l’ai vraiment fait avec plaisir. En plus, il m’a beaucoup appris pour le cinéma classique. J’ai commencé sans formation et pourtant je connaissais pas mal de techniques : les placements par rapport à la lumière, à la caméra… Je ne veux pas me débarrasser de mon étiquette, j’en suis fier.
Vous en avez complètement terminé avec le porno ?
Oui, c’est fini. J’ai tourné ma dernière scène juste avant de monter sur les planches en mai dernier. Mais ça me manque énormément, j’adorais ça. J’adore le sexe, j’adore l’ambiance sur les tournages !
Vous avez arrêté pour le one-man show, Calmez vos hardeurs. Une star du porno qui fait ce genre de spectacle, ce n’est pas banal ?
J’ai fait quarante dates au Théâtre du Gymnase. J’ai l’ai monté avec un metteur en scène et Charly Nestor (de Charly et Lulu, NDLR). J’étais ravi d’être sur scène mais je trouve que le texte n’était pas assez abouti. On n’était pas prêt. Je m’en rendais compte mais j’étais tellement heureux de jouer la comédie ! Je crois aussi que la communication et la promo du spectacle n’ont pas été bien faites. Je ne travaille plus avec Charly. Là, je rencontre des auteurs et très vite, on va s’atteler à l’écriture du deuxième spectacle. Et je vais également tourner dans le court métrage de Benjamin Pallier, avec qui j’ai déjà travaillé pour Dès que la nuit tombe, un thriller. J’ai beaucoup de projets en cours.
De quoi avez-vous envie en ce moment ?
On m’a appelé pour passer le casting de la comédie musicale Hair, le 9 novembre. Je rêve de jouer la comédie, de chanter. La production m’a dit de venir interpréter une chanson avec laquelle je suis à l’aise. Attention, je ne vais pas chanter Meunier tu dors, mais un vrai truc classe !