En pèlerinage sur une plage mexicaine qui lui rappelle des souvenirs familiaux, Nancy (Blake Lively) surfe en solitaire lorsqu’elle est attaquée par un grand requin blanc, attiré près du rivage par une carcasse de baleine en décomposition. Réfugiée sur un rocher à moins de 200 mètres de la plage, la jeune surfeuse soigne tant bien que mal sa jambe blessée et élabore une stratégie pour rejoindre la terre ferme. Mais le squale rode et semble ne pas vouloir abandonner sa proie sanguinolente, laissant présager un affrontement mortel.
Seule sur le sable, les bleus dans l’eau
Spécialiste des films d’action musclés avec Liam Neeson (de Sans identité à Night Run en passant par Non-Stop), le réalisateur Jaume Collet-Serra — passé par la case “étrange” avec La maison de cire (2005) et le dérangeant Esther (2009) — se frotte cette fois-ci au genre très particulier qu’est le film de requin. Au départ, tout se passe bien : Nancy a enfin trouvé cette plage isolée, spot idéal gardé secret par les surfeurs du coin, sur laquelle sa mère était venue quand elle était jeune. Un appel par Skype — la plage est loin de tout mais par chance on capte assez bien le réseau pour des appels vidéos, hum — avec son père et sa sœur met en perspective l’histoire familiale de la surfeuse… qui n’apporte au final pas grand-chose au film. Avant de se jeter à l’eau, Nancy apprend que l’amie qui devait l’accompagner préfère rester à l’hôtel pour se remettre de la soirée de la veille — et éventuellement tenter de conclure avec un mec rencontré à leur hôtel. La jeune surfeuse est donc seule sur sa planche lorsqu’elle se fait attraper la jambe par un grand requin blanc, visiblement affamé. Réfugiée un premier temps sur le cadavre d’une baleine, qui a dû attirer le squale si près de la plage, Nancy s’installe tant bien que mal sur un rocher pour bander sa jambe déchiquetée. Le film peut alors vraiment commencer.
Le combat contre la montre — car la marée monte — de la surfeuse avec le requin fait penser à celui de James Franco dans 127 heures (2010). Ici, le rocher sauve temporairement la vie de Nancy, mais celle-ci doit vite trouver un moyen de rejoindre la terre ferme, située à moins de 200 mètres. Une chose est sûre : sur cette plage isolée, personne ne l’entendra crier. Cette relecture du film de requin avec un parfum de survival fonctionne assez bien : la tension est bien présente entre la belle et la bête, même si le réalisateur accumule quelques maladresses qui viennent affaiblir l’impact de cette lutte à mort. On assiste ainsi à quelques lourdeurs stylistiques à l’écran : des ralentis appuyés superflus, ou la présence envahissante d’écrans incrustés à l’image : textos, conversations Skype, compte à rebours sur la montre de Nancy. Des tours de passe-passe pratiques mais dont l’accumulation vient polluer l’écran. Malheureusement, ces aspects purement esthétiques ne sont pas les seuls à venir gâcher la confrontation entre Nancy et ce requin, apparemment très remonté.
Les clichés du requin taquin
Le genre « film de requin » est très souvent accompagné de clichés oscillant entre le très peu probable et le totalement ridicule. Malgré la bonne idée de la surfeuse se retrouvant en tête à tête avec un grand requin blanc et le suspense de l’eau qui monte au fil des heures, Instinct de survie plonge la tête la première dans certaines facilités censées augmenter les sueurs froides chez le spectateur, noyant au passage toute crédibilité. Nancy se retrouve ainsi face à un requin qui — au dernier moment de l’attaque — pousse un « cri » sous-marin qui ferait rougir n’importe quel lion de la savane. Il semble que les dents acérées d’un requin, même vues de très près, ne sont jamais assez impressionnantes pour les réalisateurs : la peur doit être sonore, en dépit de tout bon sens.
Un expert en requin aurait également certainement beaucoup à dire sur le comportement du très gros poisson qui fait face Nancy. Comme dans beaucoup des films du genre, l’agressivité et l’appétit de la bestiole semblent sans limite. Les squales sont-ils aussi rancuniers en dehors des plateaux de tournage ? Combien d’hommes le requin doit-il ingérer pour ne plus être tenté par une jeune surfeuse, sachant qu’il a à sa disposition une baleine entière à dévorer ? Des questions d’autant plus pressantes que la fin du film sombre dans l’excès. En voulant conclure le combat de façon spectaculaire, Jaume Collet-Serra flirte dangereusement avec le ridicule et plombe le film avec un affrontement final digne d’une série B alors qu’il avait évité le piège d’effets spéciaux trop voyants.
Bénéficiant d’une prestation honorable de Blake Lively, Instinct de survie séduit par sa promesse plutôt bien tenue d’un film de requin sur le mode survival, mais finit par couler sous le poids d’une accumulation de clichés. Sa conclusion qui en fait beaucoup trop pour tenter d’impressionner le spectateur achève le film, au final tout juste distrayant. Dommage, voici encore un requin qui aurait gagné à moins surjouer son rôle de méchant.
> Instinct de survie (The Shallows), réalisé par Jaume Collet-Serra, Etats-Unis, 2016 (1h26)