Infidèle par nature, par culture ou par luxure ?

Infidèle par nature, par culture ou par luxure ?

Infidèle par nature, par culture ou par luxure ?

Infidèle par nature, par culture ou par luxure ?

2 avril 2013

Les sites de rencontres extraconjugales ne cessent de se multiplier depuis quelques années, alors même que plusieurs enquêtes ont montré que les Français étaient très attachés à la fidélité. Citazine.fr s’est donc efforcé de comprendre les raisons de ce succès.

La fidélité reste un idéal plébiscité en France. Selon la dernière édition de l’enquête « Valeurs » [fn]Quatre enquêtes (1981, 1990, 1999 et 2008) ont été publiées par l’association Arval qui travaille sur les systèmes de valeurs, et réunit des sociologues et des politologues.[/fn] menée depuis 1981, 84% des sondés estiment que celle-ci est « très importante » pour contribuer au succès du mariage… Ils n’étaient que 72% en 1981. Par ailleurs, selon une autre enquête réalisée en 2006[fn]« Contexte de la sexualité en France », réalisée par l’Inserm et l’Ined.[/fn], seuls 27% des hommes et 15% des femmes ont déclaré avoir au moins une fois eu deux relations sexuelles en parallèle. Les Français, peut-être pas si infidèles…

Et pourtant Gleeden.com, site de rencontres « extraconjugales » dont les affiches publicitaires n’ont pas manqué d’attirer l’attention dans les transports parisiens, revendique près de 1,6 millions d’inscrits. A noter que « célibataires » et « séparés » peuvent également s’inscrire. L’intérêt de ce site ? La discrétion. Difficile, lors d’une sortie entre amis d’avoir les mains libres sans s’attirer les regards réprobateurs.

« Comment fêter la Saint-Valentin avec son amant(e) en toute discrétion? »

Afin de bien comprendre les rouages de ce site, Citazine.fr s’y est inscrit. Force est de constater qu’une femme célibataire âgée de moins de 30 ans, même si elle ne fournit que très peu d’indications sur son profil, ne manque pas d’attraits. Très rapidement, les utilisateurs se bousculent pour discuter avec la « nouvelle venue » via le chat, les messages privés, ou attirer son attention en l’inscrivant parmi ses profils « favoris » ou ses « coups de cœur ». Comme sur tout site de rencontre, les accroches sont aussi nombreuses que diverses. Du cash « Envie de baiser ? », au surprenant « Tu aimes la soumission ? », il arrive que les discussions soient plus élaborées.

Et parmi les tentatives d’explication : le besoin de vivre une « passion » qui, la faute aux années, ne serait plus présente dans le couple initial. Par « passion », comprendre : le sexe avant tout. Ce qui n’empêche pas, à l’occasion, de vivre de véritables histoires d’amour en dehors de son couple. Il ne s’agit pour autant jamais de quitter son conjoint. Encore moins de lui avouer la vérité. Il faut à tout prix rester discret… Pour ne pas le faire souffrir. Car oui, souvent, on en est toujours amoureux.

Outre la confidentialité, le site offre moult conseils à travers des articles « pratiques » : « Comment fêter la Saint Valentin avec son amant(e) en toute discrétion ? », ou encore « Comment passer un hiver brûlant avec votre amant(e) ? » Un parfait petit guide, décomplexant, de l’infidèle. Et Gleeden.com n’est pas le seul à proposer ce type de services, puisque plusieurs sites pullulent à l’heure actuelle. « AshleyMadison.com n’a pas inventé l’infidélité. Il l’a perfectionnée. », précise un communiqué envoyé aux journalistes en février. Le site revendique quant à lui 18 millions de membres.

L’infidélité : une compensation narcissique

« La société actuelle nous incite à l’infidélité », constate Agnès Walch, historienne spécialiste de l’adultère [fn]« Histoire de l’adultère. XVIe-XIXe siècle » (Perrin, 2009) et « Où va le mariage ? » (Fayard, 2013)[/fn]. Ces sites ne seraient donc que la partie émergée de l’iceberg. « Nous rencontrons aujourd’hui plus de personnes qu’avant, continue l’historienne. Surtout les femmes travaillant désormais hors de chez elle, et pouvant donc faire jeu égal avec les hommes. » Autre facteur susceptible de faciliter le passage à l’acte : la maîtrise de la fécondité.

En outre, l’infidélité se justifierait aussi souvent, selon la sociologue Charlotte Le Van [fn]« Les quatres visages de l’infidélité en France », Payot, 2010.[/fn], par un besoin de reconnaissance, une compensation narcissique. Autant de motivations pouvant être exacerbées dans une société qui promeut individualisme et performance. Une société et une économie qui promeuvent également les formes alternatives de couples permettant de ne pas se contenter d’un seul partenaire. Le polyamour [fn]Défendu par la journaliste Françoise Simpère, dans « Guide des amours plurielles ».[/fn] notamment. « Il a été repris il y a 15 ans, et défendu, par des psychologues et psychiatres américains qui en ont fait un business. On cherche aujourd’hui à monétariser ce qui ne l’était pas avant. »

D’autres facteurs nous pousseraient pourtant vers la fidélité. Notamment, la relative facilité, de nos jours, à choisir le divorce. « S’il a de nouveau été autorisé sous la IIIe République, c’était justement pour faire chuter le nombre d’adultères. La possibilité d’avoir plusieurs partenaires peut conduire à en commettre moins. » Tout comme la libéralisation sexuelle. « La sexualité n’est plus autant considérée comme un devoir pour les jeunes femmes, qui en ignorait beaucoup sur ces questions les siècles précédents. Ce qui incitait alors les hommes à aller voir ailleurs… »

Frisson, interdit, passion… Voilà ce que cherche l’infidèle. Autant d’arguments qui ne sont pas sans rappeler le philosophe et écrivain Denis de Rougemont. Celui-ci arguait que l’amour à l’occidentale se basait pour beaucoup sur le mythe de Tristan et Yseult… Une histoire d’adultère. « L’amour heureux n’a pas d’histoire », écrivait-il en 1939, dans « L’amour et l’Occident ». Autrement dit, l’amour dans la routine quotidienne, du mariage ou de l’un de ses ersatz, suffirait difficilement aux Occidentaux.
Une faille qui vaut désormais de l’or.

Pour aller plus loin :
« Quand coucher n’est pas tromper. Les nouvelles infidélités. » un documentaire de l’émission « Sur les Docks », diffusée sur France-Culture : 
« Sommes-nous fait pour vivre à deux ? », un documentaire du « Grain à moudre », également diffusé sur France-Culture :