Roman (Dragoş Bucur) est de retour sur les terres de son grand-père dont il vient d’hériter. Ne sachant que faire de ce terrain aride où rien ne pousse, il décide de vendre la propriété mais cette nouvelle ne plaît pas à un groupe de brigands locaux. La bande — autrefois menée par un aïeul de Roman — compte bien faire pression sur l’héritier pour garder le contrôle de ce lopin de terre au cœur de leur trafic.
De son côté, Hogas (Gheorghe Visu), vieux policier méticuleux, enquête sur un pied retrouvé dans un lac de la région. Ses investigations lui font rapidement suspecter les malfaiteurs qui tourmentent sur Roman. Malgré la pression policière, le gang mené par l’inquiétant Samir (Vlad Ivanov) ne compte pas pour autant mettre un terme à ses activités, quitte à semer le chaos dans ce coin reculé de la campagne roumaine.
Terrain miné
Lorsqu’il arrive sur la terre léguée par son grand-père, Roman imagine que sa vente ne sera qu’une simple formalité. Son optimisme va rapidement être contrarié lorsqu’il découvre que des malfrats organisent chaque nuit sur son terrain un étrange ballet de véhicules pour alimenter un mystérieux trafic. Sa rencontre avec Samir, dangereux chef de la bande, va venir confirmer qu’il s’est mis malgré lui dans une situation très délicate pouvant le mettre en péril ainsi que ses proches.
Pour donner vie à ses personnages, Bogdan Mirică s’est inspiré de ses propres souvenirs d’un monde très violent, une partie de la Roumanie rurale où les bagarres — parfois très violentes — explosent subitement. Cette tension omniprésente le réalisateur la maintient tout au long du film laissant peu de doutes sur l’issue de cette guerre de territoire. Dogs explore la nature profonde de l’homme dans ce qu’elle peut avoir de plus sombre. La pugnacité du courageux flic Hogas et l’intransigeance de Roman face à la bande dirigée par Samir révèlent le combat de ces trois hommes contre eux-mêmes et leur façon de gérer la violence. Bien que très différents, les trois hommes partagent un même entêtement qui les pousse irrémédiablement à la confrontation, peu importe le prix à en payer.
La violence hors champ
La tension inquiétante qui se dégage de Samir infuse dans tout le film, son agressivité intrinsèque fait baigner ce thriller dans un climat de malaise palpable. La vision très pessimiste d’une violence inhérente à la nature de certains individus prônée ici par le réalisateur est ici renforcée par la faiblesse des forces de police. Cette incapacité à faire régner la loi est incarnée par la condition physique de Hogas, vieux flic usé qui a bien du mal à se faire respecter malgré sa volonté de mener à bien son enquête. Le flou qui entoure la nature précise du trafic renforce quant à lui l’absurdité de cette violence implacable qui s’abat sur ceux qui se mettent sur le chemin de ces brigands. Avec ses ellipses et ses actions qui se déroulent parfois en dehors de l’œil voyeur de la caméra, Bogdan Mirică renforce avec brio l’inconfort et le malaise que l’on peut ressentir à être témoin — avec une certaine distance — d’un tel climat de terreur.
Lauréat du prix Fipresci dans la catégorie Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, Dogs nous laisse suffoquant dans la poussière de cette terre aride baignée par un soleil dont les rayons peinent à cacher la noirceur d’âme de ceux qui y vivent. Ce thriller à la saveur de western implacable laisse étourdi comme après une violente insolation.
> Dogs (Câini), réalisé par Bogdan Mirică, Roumanie – France – Bulgarie – Qatar, 2016 (1h44)