D’Hospet à Delhi…

D’Hospet à Delhi…

D’Hospet à Delhi…

D’Hospet à Delhi…

11 octobre 2010

Marc-Olivier poursuit son périple à travers l'Inde. Direction Delhi, à bord de la voiture 13.

Je reprends ma plume pour vous décrire le retour sur Delhi! Encore un trajet aussi fascinant que surprenant… La petite équipe française qui s’était formée à Goa s’est séparée et chacun a repris sa route… Un dernier cay à Hampi et la prochaine fois que nous nous croiserons, ce sera en France… cela fait toujours un peu bizarre!
Les gares indiennes, on ne s’en lasse pas, même si on les connaît! J’ai eu beau arriver en avance, impossible de savoir vraiment à quelle heure part le train et sur quelle plate-forme… Finalement, le bon train arrive mais impossible de trouver le bon wagon malgré les nombreux contrôleurs que je questionne. Las et un peu énervé, je m’installe où il y a de la place! Je finis par me faire déloger et apprends que la voiture 13 se situe entre la voiture 6 et la voiture 7… Mais pourquoi n’y avais-je pas songé plus tôt ? Je m’installe et me plonge dans mon livre pour ne pas sombrer dans les bras de Morphée car il ne faudrait pas rater la correspondance pour Dehli, à Guntakkal : ce train file tout droit sur Bangalore! A 23h30, je descends et j’attends la connexion pour Delhi. A nouveau, le spectacle d’une gare où les corps sont enchevêtrés sur le sol.

J’aperçois un couple d’occidentaux dans un coin et je vais à leur rencontre en essayant de ne marcher sur personne. Je m’assois par terre à côté d’eux, adossé à mon sac. La jeune fille ne parle pas, elle a la tête enfoncée dans ses genoux. L’ami qui l’accompagne m’explique qu’elle est malade et à bout de nerfs. On essaie en vain d’accéder à l’étage pour être plus au calme dans une waiting room mais un garde nous injurie et nous prend presque par le bras pour nous faire descendre. La trentaine de regards masculins braqués sur la fille ne fait rien pour l’apaiser. Toujours ces regards qui vous déshabillent sans aucune pudeur! Le jeune homme vient de monter son atelier photo à Pondichery et ils reviennent de Calcutta, où ils ont passer quelques jours. Ils ne devraient pas être là mais les aléas d’un trajet en train indien en ont décidé autrement ! La sacoche du gars a glissé dans le trou des toilettes turques du wagon dans lequel ils voyageaient, finissant sa route sur les rails. Impossible de s’arrêter pour récupérer cette petite banane de voyage qui ne contient rien moins que son passeport, sa carte bleue et son argent liquide. Il devra attendre la gare suivante pour descendre et refaire le trajet inverse le long de la voie ferrée. Près de dix kilomètres à pieds pour miraculeusement remettre la main sur cette sacoche vitale ! Désormais ils attendent un autre train mais personne n’est capable de leur dire à quelle heure il y en a un pour Hospet… Je leur souhaite bonne chance et la jeune fille me sourit péniblement. A 1h30, mon train entre en gare et je monte dedans, les yeux fatigués!

Les grasses matinées ne sont pas de rigueur dans les trains indiens car très tôt les cris des vendeurs de cay vous sortent de votre torpeur! Dès 5h30, un sikh installé dans la couchette en face de moi s’emploie à ajuster un gigantesque tissu sur sa tête. Le compartiment est très cosmopolite : deux Kurdes irakiens musulmans, un sikh, et deux hindous : une joyeuse équipe très sympathique! Le couple de Kurdes (ils y tiennent car à aucun moment ils ne m’ont dit être Irakiens mais du Kurdistan!) est vraiment naturel et s’émerveille de tout! Ils rient et prennent des photos de "la nature" comme ils disent… simplement ils ne comprennent pas toute cette pauvreté dans toute cette verdure! Il devrait y avoir assez pour nourrir tout le monde… C’est un fait que, plus on remonte vers le nord et plus les bidonvilles se multiplient aux abords des gares! On enchaîne les cafés en discutant. Je me risque à commander un déjeuner vegetables rice… Le plat était tellement pimenté qu’il a dû tuer toutes les bactéries qui traînaient encore dans mes intestins! Palais en feu et fête des papilles… On grignote toujours en échangeant même si je ne comprends toujours rien aux blagues du sikh…
La nuit suivante est courte et vers cinq heures du matin, c’est le branle-bas de combat sur le quai de la station où le train s’est arrêté! Lorsque j’émerge vraiment, les couloirs sont encombrés de corps étendus à même le sol, comme enchevêtrés pour former un amas humain… Certains sont mécontents et le font savoir car il n’y a pas moyen de circuler. J’observe la scène du haut de ma couchette: ce sont de pauvres gens venus des campagnes. Ils dégagent une odeur acre de fumée mêlée de sueur. Certains toussent dans leur sommeil pendant que d’autres ont les yeux hagards et gênés, sans doute l’impression d’empiéter sur l’espace des classes moyennes… Finalement, les choses reviennent à la normale quand on replie les couchettes vers huit heures. Chacun peut circuler presque librement ou aller aux toilettes pour se laver le visage et les dents avec une glorieuse odeur d’urine dans les narines !

Notre compartiment respire la bonne humeur et la bonne entente! On apprend à se connaître! Au détour d’une discussion, nous entendons des claquements de mains. Peu de temps après, arrivent trois femmes qui ont glissé des billets entre leurs doigts et émettent un claquement sec avec leurs paumes en touchant la tête des voyageurs. Leurs saris oranges donnent une drôle de forme à leurs corps. En y regardant de plus près, on distingue des barbes mal rasées et lorsqu’elles ouvrent la bouche, c’est une voix rauque et masculine qui s’échappe ! Ce ne sont ni des femmes ni hommes, un troisième sexe qui est rejeté par la société indienne. Des travestis qui semblent bénir chaque personne malgré tout et obtiennent quelques roupies en retour. Elles ou ils… s’éloignent sur un bruit sec de claquements de mains !
A mesure que nous remontons vers le nord, et spécialement à partir d’Agra, la pauvreté et la misère se font vraiment sentir. Les bidonvilles sont de plus en plus nombreux à l’approche de chaque gare. Six heures du matin, c’est aussi l’heure de faire ses besoins et les voies se peuplent de personnes qui s’accroupissent sur les rails, une bouteille à la main, pour lâcher leur petite crotte matinale! On est très loin de la pudeur occidentale. Au début, le couple irakien est un peu dégoûté et finalement le petit Saddam est pris d’un monumental fou rire et essaie de les prendre en photo! Les Indiens s’en amusent! La chaleur n’en est pas moins de plus en plus étouffante et les ventilateurs peinent à sécher la sueur qui commence à couler sur nos fronts…
Les rayons du soleil semblent percer les cloisons du train dès que celui-ci s’arrête. Mon dos est collé au siège et mon voisin d’en face sort régulièrement un bout de tissu pour s’essuyer. Chacun a hâte d’arriver! J’indique un hôtel peu onéreux à mes amis kurdes et finalement, nous sommes dans le même hôtel à Delhi, dans le quartier de Pahar Ganj! Un couple vraiment extraordinaire d’une soixantaine d’années qui se fait presque des papouilles et qui ressemble à un jeune couple amoureux! Qui sait si je les reverrai ? En tout cas, je suis invité à Kirkouk quand je veux… Pour l’Irak, on verra plus tard, même s’ils m’affirment que le pays va vraiment beaucoup mieux… Comme quoi, la perception des choses…