Après avoir proposé des expositions sur les univers Pixar et Marvel, le musée Art Ludique met à disposition du public une partie des archives du célèbre Studio Ghibli à travers une sélection de plus d’un millier de layouts, des dessins originaux exposés pour la première fois en Europe. Didactiques, les explications qui accompagnent ces dessins préparatoires – fournies par un audioguide indispensable – lèvent le voile sur le long travail nécessaire pour aboutir à des films comme Le Voyage de Chichiro (2001), Ponyo sur la Falaise (2008) ou encore Mes voisins les Yamada (1999).
Le layout, élément clé de l’animation
Le layout est un dessin original qui définit l’ambiance d’une scène, son décor, la position des personnages ainsi que leur attitude et leur expression, et ce pour chaque plan du film. La visite débute avec une explication des termes techniques essentiels pour comprendre les annotations et les sigles – plus mystérieux les uns que les autres – qui couvrent ces dessins préparatoires. On y retrouve des indications sur la vitesse de défilement de l’image dans le cadre, sur les panoramiques à effectuer, et parfois des messages de Miyazaki et Takahata adressées aux animateurs ou aux directeurs artistiques, demandant des corrections sur certaines perspectives ou s’excusant par avance de demander des dessins exigeant du travail supplémentaire. Cerise sur le gâteau, certains de ces layouts ont été dessinés par Hayao Miyazaki et Isao Takahata eux-mêmes, créant une petite émotion supplémentaire pour le visiteur. Le musée a fait le choix judicieux de mettre à disposition des audioguides pour expliquer les différents layouts, il y a donc peu de texte à lire tout au long de la visite et le visiteur peut ainsi se concentrer sur chaque dessin, aidé par les explications audio, une approche idéale, notamment pour les plus jeunes.
Miyazaki et Takahata, deux univers
L’étude de ces nombreux layouts permet de comprendre la méthode de travail collaborative qui mène à la création d’un film d’animation chez Ghibli et met en lumière les styles des réalisateurs Miyazaki et Takahata. Adepte du ressenti, le créateur de Princesse Mononoké (1997) ou encore Mon Voisin Totoro (1988) veut surprendre avec son animation, il ne cherche pas à respecter les proportions et privilégie un dessin instinctif. Le second, créateur des films Le tombeau des lucioles (1988) et Souvenirs goutte à goutte (1991), a le souci du détail, une minutie qui se remarque sur certains layouts corrigés de sa main. Différents dans leur approche, les deux génies créatifs ont pourtant su s’entendre à merveille pour collaborer sur de nombreuses productions et révolutionner la production de films d’animation au Japon. Une aventure qui aboutit à la création du désormais mythique studio Ghibli et que l’exposition évoque à travers deux – courtes – interviews filmées des deux maîtres et les dessins de leurs premiers travaux.
L’avant Ghibli
L’exposition propose de découvrir une collection de quelques rares layouts de la période pré-Ghibli, ces dessins survivants proviennent d’une époque où ces trésors n’étaient pas toujours conservés, parfois même détruits une fois le film produit. On découvre ainsi les layouts ayant servis à la production de séries animées comme Heidi (1974), Conan, le fils du futur (1978) ou encore Sherlock Holmes (1984). Une période pendant laquelle, s’ils n’ont pas inventé la méthode du layout, Miyazaki et Takahata instaurent une façon de travailler qui permet de produire des films d’une meilleure qualité, en portant notamment l’attention sur la cohérence visuelle générale qui se dégage de l’œuvre. Pour la série Heidi, dont Takahata assure la mise en scène, Miyazaki s’occupe d’homogénéiser, seul, les layouts produits par le reste de l’équipe : il en produit ainsi 300 par semaine ! Une performance inédite qui permet à la série de s’imposer comme une référence à l’époque et pose les bases du futur Studio Ghibli qui sera fondé en 1985.
L’avenir de Ghibli
Alors que les deux piliers du studio Miyazaki et Takahata viennent d’annoncer que leurs films respectifs, Le vent se lève (2013) et Le conte de la princesse Kaguya (2013), seraient leurs derniers, l’avenir du Studio Ghibli est désormais incertain. Cette rétrospective de 30 ans de création donne pourtant envie d’espérer que la magie continue. La relève viendra peut être de Hiromasa Yonebayashi, réalisateur de Souvenirs de Marnie (2014), dernier film produit par le studio qui sortira le 14 janvier 2015 en France. En attendant de le découvrir en salles, l’exposition propose en exclusivité mondiale quelques layouts de sa production. [mise à jour : lire notre chronique sur ce film]
Instructive, cette exposition consacrée aux layouts du studio Ghibli permet de découvrir de magnifiques dessins et de mieux comprendre l’impressionnant travail nécessaire pour donner vie à ces films rentrés depuis dans l’imaginaire collectif. Un voyage dans les secrets du studio vivement conseillé aux fans mais également aux curieux, seul bémol, récurrent pour le musée Art Ludique, le prix – 15,5€ en plein tarif – qui risque de calmer chez certains l’enthousiasme pour cette nouvelle exposition.
> Dessins du studio Ghibli, du 4 octobre 2014 au 1er mars 2015, au musée Art Ludique, 34, quai d'Austerlitz, 75013 Paris